Section 2: L'engagement de la responsabilité de
personnes autres que le transporteur
En général, le passager ayant subi un dommage ou
ses ayants droit dirigent leur action contre le transporteur. Ce dernier s'il
estime que la cause du dommage ne provient pas de son chef, peut se retourner
contre d'autres personnes qui sont des tiers au contrat de transport
(paragraphe 1) et dans certaines situations la loi permet l'engagement de la
personne assurant le commandement du navire (paragraphe 2).
Paragraphel La responsabilité de personnes tierces
au contrat de transport
La notion de tiers s'apprécie ici en rapport avec ou
non le contrat de transport. Il faut alors distinguer selon que c'est la
responsabilité de l'entrepreneur ayant intervenu sur le navire (A) et le
cas où le partage de responsabilité et la limitation de
responsabilité sont envisageables (B).
A.- Le constructeur et le réparateur responsables des
dommages causés par le vice caché du navire.
La responsabilité du transporteur peut se justifier par
le lien qui existe entre la réalisation du dommage et l'état du
navire. S'il s'avère que l'état du navire est la cause du dommage
et que cet état est le fait d'un vice ayant atteint le navire lors de
l'exécution du contrat d'entreprise. En d'autres termes si le dommage
est le résultat d'un vice du navire, il est possible pour le
transporteur de se retourner contre son entrepreneur qui selon le cas est soit
le constructeur soit le réparateur du navire. C'est qu'en matière
contractuelle le maître d'oeuvre est tout à fait dans le droit
d'attendre de son entrepreneur la conformité entre le bien qui lui est
livré et ses attentes légitimes. Et la notion d'attentes
légitimes renvoie à celles de cause et d'objet non du contrat de
transport mais ici, du contrat d'entreprise. Il est exigé dans
l'exécution du contrat une conformité entre l'ouvrage
réalisé et son objet. Dans les deux cas, ici
spécifiés, il s'agit d'une part de la construction d'un navire
conforme à l'usage auquel il est destiné et d'autre part de la
remise en état d'un navire pour son type d'exploitation habituelle. Si
donc l'entrepreneur dans la réalisation de son ouvrage venait à y
laisser des vices susceptibles de causer des dommages, sa responsabilité
serait engageable pour ces dommages. Il faut noter au passage que la
réception sans réserve de l'ouvrage ne signifie pas sa
conformité totale aux attentes légitimes. Pour les vices
apparents du navire, le problème se pose avec moins d'acuité que
pour les vices cachés. Dans la situation d'un vice apparent du navire,
le transporteur ne devrait pas mettre en mer le navire, au moins si ce vice est
de nature à affecter la sûreté du voyage à
entreprendre, ne serait ce que pour l'obligation de n'exploiter que les navires
en bon état de navigabilité. Mais pour le vice caché c'est
les articles 144 et 146 du code de la marine marchande qui règlent la
question. Le premier dispose que : « le constructeur est garant des vices
cachés du navire, malgré la réception du navire sans
réserve par le client ». Et le second précise que «
l'entrepreneur qui a procédé à la réparation d'un
navire est garant des vices cachés résultants de son travail...
» . Il faut tout de même préciser que l'action en garantie
pour les vices cachés est d'une prescription annale et celle-ci ne
commence à courir
qu'à partir de la découverte du vice. L'usage du
terme de «garantie » par le législateur semble, notons le au
passage, être la cause d'une difficulté d'interprétation :
s'agit-il d'une obligation d'assurer au client la possession paisible de
l'article ou s'agit-il d'une responsabilité pleine et entière qui
pèse sur l'entrepreneur ? Cette distinction semble toutefois vaine si
l'on considère la sanction car le manquement à l'obligation de
garantie elle-même est sanctionné par l'engagement de la
responsabilité de l'entrepreneur.
La responsabilité de personnes autre que le
transporteur ne se limite pas à celle de l'entrepreneur. Elle
apparaît aussi dans certaines situations où on note un partage des
responsabilités qui naît de la distinction entre
l'affréteur, l'armateur et même le propriétaire du
navire.
13- La distinction entre le propriétaire,
l'armateur et l'affréteur du navire.
En matière de transport maritime, on note très
souvent une distinction entre l'affréteur, le propriétaire et
l'armateur du navire. Cette distinction ne manque pas d'affecter le
régime des responsabilités. En effet, en la matière, le
transporteur n'exploite que très rarement son navire ; alors que ce
dernier est à la base de l'engagement des responsabilités. Il se
pose très souvent le problème de savoir quelle personne
sanctionnée. Doit-on engager la responsabilité du
propriétaire dont le bien est à la base du dommage, ou celle de
la personne dont dépendait l'équipement du navire qui a
causé le tort au passager ou enfin faut-il se retourner contre la
personne au profit de laquelle se faisait l'exploitation du navire ? Si ces
trois situations ne concernent que la même personne, il y a moins de
difficultés. Mais si toutefois ces trois personnes sont distinctes, il
faudra identifier la nature de la faute. C'est alors que la distinction entre
la faute nautique et la faute commerciale revêt toute son importance. Si
la faute est nautique la responsabilité pèse sur l'armateur et si
elle est commerciale elle entraîne la sanction du transporteur ayant
affrété le navire. La distinction entre le propriétaire et
l'armateur n'est pas aisée dans la pratique. Ces deux se confondent
très souvent mais c'est dans ce domaine que l'on note toute
l'importance de la sous-traitance. En effet le
propriétaire arme très souvent lui-même son navire mais il
arrive qu'il en confie l'équipement à un spécialiste.
Pourtant cette distinction entre l'armateur principal et un armateur secondaire
qui ne s'occupe que de l'équipement d'une partie du navire semble assez
erroné car d'un certain point de vue quand on considère que le
navire ne constitue qu'un seul corps, donc une entité indivisible.
Toutefois, il faudrait préciser que le propriétaire
bénéficie d'une limitation de responsabilité. En effet
l'article 112 du code de la marine marchande précise que : « ...le
propriétaire d'un navire peut, même envers l'Etat ... limiter sa
responsabilité envers ses cocontractants et des tiers si les dommages se
sont produits à bord du navire, ou s'ils sont en relation directe avec
la navigation ou l'état du navire ». Et l'alinéa 2 de la
même disposition de préciser qu'il peut même limiter sa
responsabilité pour des mesures prises afin de prévenir ces
dommages ou pour des dommages causés par ces mesures ». Il faut,
cependant retenir que cette limitation de responsabilité n'est pas
absolue. Le législateur pose lui même deux restrictions : la
première c'est la commission par le propriétaire même d'une
faute dont la preuve est avérée ; et la seconde tient en la
provenance du dommage du fait personnel du propriétaire ou de l'omission
par lui-même témérairement faite, avec l'intention de
provoquer ce dommage ou simplement avec la conscience qu'un tel dommage en
résulterait. Il faut ajouter à cette remarque l'extension faite
par le législateur du bénéfice de la limitation de
responsabilité à l'affréteur, l'armateur, ainsi
qu'à l'armateur-gérant, entre autres. D'ailleurs cette extension
touche aussi le capitaine dont la responsabilité peut aussi être
engagée suivant un régime plus ou moins particulier.
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