B-- La faute commerciale
A l'inverse de la faute nautique, la faute commerciale est
celle qui n'est pas relative à l'armement du navire mais qui est le fait
du transporteur dans l'exploitation du navire. Le transport demande une
certaine minutie pour la protection des passagers. Il s'agit, en effet, d'une
activité qui demande un grand degré de professionnalisme. Et
c'est ce qui justifie qu'elle soit soumise à une réglementation
on ne peut plus particulière, mais enfin cela semble n'être
qu'à titre théorique... Dans la navigation commerciale, le
législateur est très protectionniste des intérêts du
passager et c'est ce qui est à la base du souci de rigueur dans
l'exploitation et dans l'exercice de cette activité. Et la sanction de
la faute commerciale va dans le sens de la protection du passager contre
l'exploitant qui voudrait faire un excès de bénéfice
sacrifiant par la même occasion la sécurité de
l'exploitation. C'est par exemple le cas de la surcharge du navire. On ne
saurait reprocher le non respect du nombre maximum de passager qu'à
celui qui est chargé de l'exploitation commerciale du navire ou de la
partie affrétée à cet effet. Une seule négligence
peut donc suffire pour que le transporteur soit sanctionné. Il peut
s'agir d'un manquement quelconque à la sécurité du
passager car l'obligation de sécurité est ici une obligation de
résultat. Ce qui est établi c'est que le passager doit arriver
sain et sauf à sa destination ; alors la non arrivée du passager
sain et sauf à bon port suffit et le transporteur peut voir sa
responsabilité engagée dès lors que le
dommage qu'a subi le passager a un lien quelconque avec l'exploitation. Et
d'ailleurs en cas de lésion corporelle ou de perte de vie, la
responsabilité du transporteur est engagée d'office sauf si
lui-même apporte la preuve que « ni lui ni ses
préposés ont commis ni une faute ni une négligence. »
On note que le législateur ne fait pas la distinction entre la
commission de la faute ou de la négligence par le transporteur
lui-même ou par ses préposés. En réalité, il
ne s'intéresse qu'à l'existence de la faute elle-même ou de
la négligence et moins l'auteur.
Paragraphe 2 : L'indifférence de la distinction
entre le transporteur et ses préposés
A la lecture des dispositions du code de la marine marchande,
on note que le transporteur répond à la fois des fautes qu'il a
lui-même commises mais aussi de celles commises par ses
préposés (A) car dans tous les deux cas l'exploitation se fait en
son nom et pour son compte (B).
A.- La responsabilité du transporteur pour ses
fautes et pour celles de ses préposés
Le transporteur est responsable des fautes qu'il a
lui-même commises. Ainsi l'armateur qui ne met pas à la
disposition de son affréteur un navire suffisamment armé
répond de cette insuffisance, il doit alors lui-même
exécuter, ou veiller à l'exécution, de toutes les
obligations qui sont à sa charge. Que ce soit l'armateur, pour la faute
nautique, ou l'affréteur, pour la faute commerciale, il s'agit ici d'une
responsabilité du fait personnel. Cette responsabilité est
régie au Sénégal par l'article 118 du COCC et en France
par les articles 1382 et 1383, ainsi que par l'article 489-2 du code civil.
Elle sanctionne ainsi l'armateur qui n'a pas accompli son obligation
d'équiper le navire et l'affréteur qui n'exploite pas le navire
conformément à la réglementation. Le transporteur
répond ainsi non seulement de toutes les fautes qu'il aura commises,
mais encore de celles commises par ses préposés. Dans ce cas de
figure la responsabilité revêt les caractéristiques d'une
responsabilité du fait d'autrui.
Il s'agit du cas particulier prévu à l'article
1384-5 du code civil français et les articles 142 et 14670 du
COCC. Et à l'assemblée plénière de la Cour de
cassation française71 de préciser que : «le
préposé qui agit sans excéder les limites de la mission
qui lui a été impartie par le commettant n'engage pas sa
responsabilité ». Le domaine du transport est l'un des domaines de
prédilection de cette responsabilité et le législateur,
dans le code de la marine marchande, ne semble pas s'écarter de cette
idée. En effet il précise expressément que c'est la
responsabilité du transporteur qui est engagé car le lien de
subordination, qui existe entre ses employés et lui, fait que ceux-ci
agissent en son nom et pour son propre compte.
B- Les fondements de cette responsabilité
: l'exploitation au nom et pour le compte du transporteur
Si l'article 3 de l'Acte Uniforme portant droit commercial
général72 dispose qu'ont le caractère d'acte de
commerce ... les opérations de transport... c'est parce qu'il compte
classer les auteurs de ces actes au rang des commerçants. Il faut alors
pour exercer la profession de commerçant remplir certaines conditions.
Il s'agit d'accomplir ces opérations de transport à titre de
profession habituelle, en son nom et pour son propre compte. Cette condition
n'est ici remplie que par le transporteur ; et ses employés ne sont
regardés que comme ses préposés, envers qui il est un
commettant. L'exploitation se fait en son nom : c'est ce qui ressort de la
subordination qui existe dans les rapports qu'il entretient avec ses
employés. Tout le personnel marin dépend, en effet du capitaine
du navire, qui est seul maître à bord. Le capitaine
représente à la fois l'armateur et l'affréteur. Il
défend leurs intérêts à bord, donc agit pour leur
compte. D'ailleurs il lui est interdit d'agir pour son compte
personnel73. Le capitaine ainsi que toutes les personnes inscrites
au rôle d'équipage agissent au nom et pour le
70 Cet article dispose que « les commettants, ou patrons,
répondent des dommages causés par une personne soumise à
leur autorité, lorsque celle-ci encourt dans l'exercice de ses fonctions
une responsabilité à l'égard d'autrui. Les personnes
agissant pour le compte d'une personne morale engagent dans les mêmes
conditions la responsabilité de celle-ci. »
71 Dans un arrêt du 25 février 2000,
Costedoat (du nom du préposé concerné) publié dans
la plupart des revues juridiques (notamment au Dalloz 2000.673 et à la
Semaine Juridique 2000.11. 10295)
72 Signé à Cotonou le 17 avril 1997 et entré
en vigueur le 1er janvier 1998.
73 C'est ce qui ressort des dispositions de l'article 331 du code
de la marine marchande
compte du transporteur. La qualité de commerçant
est ainsi un critère essentiel pour l'engagement de la
responsabilité du transporteur pour un manquement à l'obligation
de sécurité envers le passager. C'est que c'est le transporteur
qui est créancier de cette obligation et non les membres de
l'équipage, ceux-ci ne sont, en principe, liés que par le contrat
de travail, ou de prestation de services, qui les met en rapport avec leur
employeur, ou le bénéficiaire de ces prestations, selon le cas.
Toutefois il faut faire la part des choses car quand un membre de
l'équipage commet une faute qui est détachable de sa fonction, il
peut voir alors sa responsabilité délictuelle ou quasi-
délictuelle engagée.
Le passager, par le contrat de transport qu'il a conclu, n'est
lié qu'au transporteur et en général il n'agit en justice
que contre ce dernier et c'est à celui-ci de se retourner contre les
personnes qu'il estime fautives pour tenter d'obtenir d'eux le remboursement de
ses frais.
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