Chapitre second : L'étendue de l'obligation de
sécurité
Si l'étude de la question de l'existence de
l'obligation de sécurité a révélé que ses
sources étaient très diversifiées, il reste que, pour une
bonne appréciation de son exécution, il demeure important d'en
sonder les tenants et les aboutissants. Il est nécessaire de s'avoir
jusqu'où va cette obligation dont est bénéficiaire le
passager. Pour cela il faut revenir à la définition de la
sécurité, elle-même, qui nous permettra d'en mesurer
l'étendue. La sécurité désigne la prévention
des risques de toute nature et la protection des personnes contre les
accidents, les sinistres et catastrophes ; l'objectif de sauvegarde de la
société et l'organisation de celle-ci par la préparation
et la mise en oeuvre de moyens d'intervention et de secours dans le cadre de
plan d'organisation ; ainsi que les mesures tendant d'une part à venir
au secours de la victime et d'autre part à compenser, chez elle, la
réalisation de ces risques. De cette définition il découle
que l'obligation de sécurité s'étend pendant toute la
durée de la traversée. Mais si par malheur un dommage se
réalisait, l'obligation de transporter la personne en
sécurité se transforme en une obligation de réparation du
préjudice causé. L'obligation de sécurité est
inhérente au contrat de transport et pendant toute la durée de
celui-ci, le passager bénéficie d'une protection. Et pour bien en
mesurer l'ampleur il convient d'en étudier les moyens et
mécanismes (section 1) avant de s'intéresser aux garanties
prévues pour son efficacité (section 2).
Sectioni Les mécanismes de protection du
passager
La prise en charge de la sécurité du passager
est très particulière en ce qu'elle varie en fonction de
l'étape et du degré d'exécution de la prestation de
transport. Et ce particularisme se note encore plus dans le cadre du transport
maritime. Il se manifeste dans l'obligation de protéger le passager
à la fois sur le navire et dans les zones d'exploitation de celui-ci
d'une part et la présence de dispositif de prévention et
d'intervention en cas de réalisation des risques d'autre part.
Paragraphe 1 : La protection de la personne à bord
du navire et
dans les zones d'embarquement et de débarquement
L'obligation de sécurité est
intrinsèquement liée à celle de transporter la personne et
l'exécution de ces deux obligations est simultanée46
(A) aussi elle est étendue aujourd'hui aux moments connexes au voyage
(B).
IL. La confusion entre l'obligation de
transporter le passager et celle de le transporter en sécurité
La dissociation de ces deux obligations ne saurait se faire,
c'est ce qui explique que la protection de la personne se fasse pendant toute
la durée de la traversée. On ne pourrait nier que le
déplacement est le principal objet du contrat, mais il est admis que le
passager cherche à être transporté sain et
sauf47 et ce, jusqu'à sa destination. Pour la prise en charge
de sa sécurité le moment du début ne correspond pas au
départ du navire mais à celui de l'accomplissement des
formalités relatives à son départ et dès lors que
le passager se met à la disposition du transporteur. C'est pour cette
raison que l'obligation de sécurité couvre aussi bien la
traversée que l'embarquement et le séjour du passager dans le
hall d'embarquement et court non seulement jusqu'à l'arrivée du
navire mais aussi jusqu'à ce que le passager soit remis à
lui-même. Ce qui explique cette extension c'est que le transporteur se
caractérise par la maîtrise qu'il a sur l'outil de transport. Dans
le transport, le passager se caractérise par sa passivité. C'est
l'interdépendance qu'il y a entre l'obligation de transporter et celle
de le faire en toute sécurité qui justifie la tendance des juges
à condamner le transporteur en engageant sa responsabilité
contractuelle. C'est donc sur la base du contrat de transport que
s'établit le plus souvent la sanction du défaut de
sécurité. C'est ainsi que le régime de la
responsabilité du transporteur varie en fonction des cas. On distingue
ainsi les accidents survenus à un passager, qui
46 Le 21 novembre 1911 la Cour de Cassation, pour
admettre que la responsabilité du transporteur est contractuelle juge
que l'exécution du contrat de transport comporte l'obligation de
conduire le voyageur sain et sauf à destination (D.P. 1913, I, 249, note
Sarrut).
47 C'est du moins ce que prévoit l'article 645
du COCC qui reste le droit commun en matière de transport de
personnes
s'aventure dans une zone qui lui est interdite, des naufrages.
Dans le premier cas de figure le juge est moins enclin à sanctionner
sévèrement le transporteur que dans le second cas où il
est posé une présomption de responsabilité48.
C'est ainsi qu'en France la loi du 18 juin 1966 fait la distinction entre les
sinistres collectifs et les accidents individuels. L'importance de cette
distinction est à recherchée dans l'étendue du rôle
que peut jouer le passager dans la réalisation des accidents. Il peut
ainsi se blesser en courant à bord ou en se penchant par un hublot, mais
il a très peu de chance de provoquer un naufrage. Toutefois il faut
noter que le champ d'application de l'obligation contractuelle de
sécurité a connu une évolution notable. Une certaine
tendance de la doctrine, à laquelle adhère d'ailleurs le doyen
Rodière, voudrait qu'elle ait pour critère d'application le
contact pris par le passager avec l'instrument de transport : elle commencerait
donc à partir de l'embarquement et le capitaine a ainsi une obligation
de superviser l'embarquement des passagers. Et si on suit ce raisonnement
l'obligation contractuelle de sécurité aurait pour fin la
séparation entre le passager et le navire. Mais, qu'adviendrait-il du
passager s'il venait à avoir un accident sur le quai ? Dans ce cas le
juge vérifiera le rôle que le transporteur aura joué et la
protection du passager se fera sur le champ de la responsabilité
délictuelle. Toutefois à bien analyser certaines règles
internationales on note un souci d'étendre l'obligation de
sécurité.
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