§ 3 Les principes retenus par les normes IFRS peuvent
diverger de l'approche prudentielle
Les objectifs des normes IFRS étant définis
indépendamment de ceux liés à l'approche prudentielle, il
se peut qu'ils divergent. En particulier, le recours
généralisé à la juste valeur ainsi que les options
comptables autorisées par les IFRS apparaissent dans un certain nombre
de cas contradictoires avec les objectifs de la surveillance prudentielle.
3.1. Comptabilité et
volatilité
Si la norme IAS 39 relative à l'évaluation des
instruments financiers -- qui constituent la quasi-intégralité
des bilans des banques -- repose sur un modèle mixte combinant les
références aux valeurs de marché pour les portefeuilles de
transaction et les références au coût historique pour les
autres portefeuilles, c'est-à-dire essentiellement pour les
portefeuilles de prêts (valorisés toutefois à la valeur de
marché dans le cas par exemple de restructurations) et les
investissements détenus jusqu'à leur échéance, de
nombreuses dispositions élargissent le recours aux valeurs de
marché. Il en est ainsi par exemple pour tous les instruments financiers
dérivés, pour tous les actifs couverts par des instruments
financiers dérivés dont le mode de valorisation comptable
s'aligne sur celui du dérivé, ainsi que pour les actifs
disponibles à la vente. Cette plus grande utilisation de la juste valeur
peut, dans certains cas, accroître la volatilité des
résultats et des fonds propres.
Les superviseurs bancaires, dans le cadre de leur mission
micro prudentielle comme de leur contribution aux travaux relatifs à la
stabilité financière, cherchent à distinguer la
volatilité représentative d'une exposition à des risques
économiques réels, de la volatilité artificielle
introduite par certaines dispositions des IFRS.
La volatilité peut en effet jouer un rôle positif
du point de vue prudentiel si elle est la conséquence comptable de
prises de positions spéculatives, par exemple sur les taux ou les
changes.
La variation des résultats constitue alors un
indicateur utile, pour l'entreprise, pour ses actionnaires et pour les
autorités de contrôle, de l'ampleur des risques encourus.
Ainsi, la valorisation au prix de marché constitue une
disposition comptable souvent utile, à la condition expresse que cette
valorisation soit effectuée avec prudence.
En revanche, la majeure partie des actifs ou des passifs
autres que de transaction ne sont pas négociés activement sur des
marchés, ou ne le sont que rarement. L'évaluation de ces
éléments en valeur supposée du marché, reposant
avant tout sur des modèles internes d'évaluation, peut
s'avérer peu fiable, hétérogène d'une entreprise
à l'autre, et éloignée de la réalité
économique du fait de l'impossibilité pratique de réaliser
concrètement des opérations sur la base des évaluations
ainsi effectuées. La réalité économique de la
volatilité comptable liée à ces évaluations peut
ainsi être sujette à caution. Dans ces cas, la terminologie
courante de « fair value » peut en réalité être
trompeuse. Par ailleurs, les portefeuilles autres que de transaction sont
généralement gérés à moyen et long terme.
L'enregistrement des variations de ces éléments stables du bilan,
liées à des mouvements momentanés des taux, en
résultats ou en fonds propres, ne semble donc pas toujours
justifié, eu égard à leurs modes et objectifs de gestion.
Dans la mesure où elle ne reflète pas la réalité
économique sous-jacente des opérations d'intermédiation et
n'est pas en adéquation avec la duration de ces opérations, la
volatilité ainsi créée par l'usage étendu de
l'évaluation en juste valeur serait artificielle et préjudiciable
à la correcte représentation de la situation financière,
de la rentabilité et de l'exposition aux risques des
établissements de crédit.
Enfin, certaines dispositions des IFRS aboutissent à
créer une volatilité des résultats ou des capitaux propres
qui apparaît d'emblée comme artificielle. Ainsi, le traitement
comptable des couvertures d'opérations ou flux de trésorerie
futurs, dont les variations de juste valeur impactent directement les capitaux
propres sans tenir compte des variations inverses de juste valeur des
opérations qu'elles couvrent, induisent de toute évidence une
volatilité artificielle au sein des capitaux propres.
Les superviseurs prudentiels ont considéré qu'il
n'était pas approprié de corriger par des retraitements
prudentiels la volatilité représentative d'une véritable
exposition aux risques, puisqu'elle était économiquement
fondée et reflétait correctement la situation financière
de l'établissement.
Par contre, il est apparu tout aussi nécessaire de
corriger au plan prudentiel les effets d'une volatilité comptable
artificielle, non représentative d'une réalité
économique, afin de satisfaire aux objectifs de la surveillance
prudentielle visant à cerner au mieux l'exposition réelle aux
risques.
3.2. Comptabilité et
comparabilité
Les fonds propres prudentiels des établissements
devraient, en principe, être indépendants des choix comptables
faits par ces derniers dans le cadre des options offertes par le
référentiel comptable qui leur est applicable.
Aussi les superviseurs bancaires peuvent-ils, dans certains
cas, être amenés à retraiter les encours comptables afin
d'éviter que des choix comptables faits par les établissements
n'impactent leur niveau de fonds propres et d'assurer une égalité
de traitement entre les établissements choisissant des options
comptables différentes au sein d'un même
référentiel. Les différentes possibilités
prévues par les normes IFRS en matière d'évaluation des
immobilisations corporelles d'exploitation (au coût historique ou en
valeur réévaluée) ou des immeubles de placement (au
coût historique ou en juste valeur) ont ainsi conduit à
prévoir des ajustements prudentiels dans ces domaines. De même,
l'usage de l'option de désigner certains instruments financiers comme
devant être évalués à leur juste valeur par le
compte de résultat devra être soigneusement encadré au plan
comptable, conformément aux souhaits du Comité de Bâle
notamment.
Au niveau européen, la situation est compliquée
par la coexistence d'établissements appliquant les IFRS et d'autres
appliquant toujours les référentiels comptables nationaux
antérieurs, obligeant les superviseurs bancaires à veiller
également à une égalité de traitement entre ces
deux catégories d'établissements de crédit. Ainsi, les
établissements non cotés pouvant choisir en France d'appliquer
les IFRS à leurs comptes consolidés ou de rester en normes
françaises, certains retraitements prudentiels seront également
applicables aux établissements restant aux normes françaises,
afin d'assurer une égalité de traitement .
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