Chapitre 3 : Quel traitement prudentiel pour les
nouvelles normes IFRS?
Introduction
Le rapport du Comité de Bâle sur les normes
comptables internationales Avril 2000 établi à la demande des
ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G
7, le rapport identifie plusieurs critères d'évaluation de la
qualité des référentiels comptables.
Trois critères généraux, dans une
perspective de supervision bancaire :
· contribuer à -- ou au moins ne pas gêner
-- la mise en oeuvre de saines pratiques de gestion et de maîtrise des
risques sein des banques ;
· renforcer la discipline de marché ;
· faciliter la supervision des banques.
Critères plus spécifiques, faisant l'objet d'un
large consensus :
· donner une information comptable pertinente ;
· produire une mesure prudente et réaliste des
positions et performances financières ;
· produire une mesure fi able des positions et
performances financières ;
· reposer sur une solide base théorique tout en
restant applicable ;
· ne pas répondre de manière trop complexe
à un problème donné ;
· assurer la cohérence des méthodes
comptables applicables à un même type d'opérations ou
à des opérations liées ;
· être suffisamment précis pour permettre
une application homogène par différents utilisateurs ;
· dans l'idéal, ne pas autoriser de traitement
alternatif ; lorsqu'un traitement alternatif est autorisé ou lorsqu'il
est permis faire appel au jugement du préparateur des comptes, une
information appropriée doit être portée en annexe ;
· prévoir la publication d'informations
suffisamment précises pour permettre aux utilisateurs d'évaluer
les performances financières, le degré d'exposition aux risques
et les méthodes de gestion de ces risques ;
· être adaptés non seulement aux
économies avancées mais aussi aux économies des
marchés émergents.
Bâle II et données comptables
En dépit d'un recours accru aux modèles
internes, le nouveau régime prudentiel demeure très largement
assis sur les données comptables, dans le cadre de Bâle II
proprement dit comme dans le cadre de la directive européenne 2000/12
révisée.
Le dispositif relatif aux exigences de fonds propres au titre
des risques de marché est inchangé et fait appel aux valeurs de
marché enregistrées dans la comptabilité des
établissements.
Le nouveau régime applicable au risque de crédit
repose encore très largement sur les données issues de la
comptabilité :
· les valeurs comptables servent directement de base au
calcul des exigences de fonds propres dans le cadre du modèle standard
ainsi que, dans les cas d'utilisation de modèles internes, pour le
calcul des expositions en risque relatives aux actions et actifs immobiliers
notamment ;
· en pratique, le calcul des expositions en risque
relatives aux produits de taux (prêts et actifs obligataires) demeurera
très largement assis sur le coût historique comptable de ces
actifs.
Section1 : Aménagement prudentiel
Nécessaire des nouvelles normes IFRS pour atteindre les objectifs de la
supervision bancaire
§1 La réglementation prudentielle poursuit des
objectifs spécifiques
L'objectif de la supervision bancaire est de veiller à
la protection des intérêts des déposants, de contribuer au
bon fonctionnement du système bancaire et de veiller à la
stabilité financière, favorable au développement
économique, le tout dans une optique de long terme. Ces facteurs peuvent
amener la supervision bancaire à privilégier une optique de plus
grande prudence par rapport aux règles et conventions comptables, en
particulier pour l'évaluation des fonds propres.
1.1. Le principe de prudence
Un certain nombre de dispositions des IFRS, et en particulier
de la norme IAS 39 relative à la comptabilisation et à
l'évaluation des instruments financiers, ne sont pas pleinement
conformes au principe de prudence tel qu'il est appréhendé en
matière de réglementation prudentielle.
Tout d'abord, la volonté de l'IASB de faire
apparaître la valeur instantanée des entreprises entraîne un
recours accru aux valeurs de marché ou de modèle dans les IFRS
pour évaluer des éléments bilantiels. Ainsi, la part des
plus-values latentes -- qui sont traitées en IFRS de façon
similaire aux moins-values latentes -- va être augmentée dans les
comptes des établissements de crédit. Selon les différents
dispositifs, ces plus-values seront soit intégrées dans les
comptes de résultat avec les activités courantes de
l'établissement, soit directement imputées sur les capitaux
propres. La prise en compte de ces plus-values non encore
réalisées, sur des positions parfois non liquides ou ayant un
caractère non définitif, va à l'encontre du principe
habituel de prudence.
De fait, dans la réglementation prudentielle
internationale, les profits latents ne sont généralement pas
reconnus, sauf sur les instruments liquides activement négociés
sur des marchés profonds et efficients dans une optique de
résultats à court terme.
Par ailleurs, pour évaluer à sa juste valeur un
instrument non négociable, les établissements peuvent avoir
recours à des modèles d'évaluation parfois complexes qui
nécessitent l'utilisation d'un certain nombre d'hypothèses
initiales élaborées au sein des établissements, dont la
compréhension est parfois difficile. La généralisation du
recours à des valeurs de modèle est ainsi susceptible de poser
des problèmes de fiabilité et pourrait de ce fait aller à
l'encontre de l'objectif poursuivi par les superviseurs en faveur de
règles de gestion des risques prudentes, identifiant et favorisant les
meilleures pratiques.
1.2. La qualité des fonds propres
Les superviseurs prudentiels ont identifié des
caractéristiques précises respectées en matière de
définition des fonds propres réglementaires. Ils doivent
être :
- permanents (résilience),
- disponibles rapidement pour absorber les pertes,
- fiables et incontestables dans leur montant.
En introduisant de nouveaux principes comptables, l'adoption
des IFRS impacte la valorisation et la nature des éléments
entrant dans le calcul des fonds propres prudentiels. En conséquence,
sur le fondement des trois caractéristiques précitées, que
les éléments inclus dans les fonds propres doivent respecter, il
est apparu nécessaire de procéder à certains retraitements
prudentiels destinés à intégrer ou à exclure des
fonds propres consolidés les éléments affectés par
l'adoption des IFRS.
Ainsi, l'exigence de permanence peut aller à l'encontre
de l'inclusion dans les fonds propres d'éléments de
résultat ou de capitaux propres particulièrement sensibles
à l'évolution de données économiques
elles-mêmes volatiles, tels que les plus-values latentes
précédemment évoquées, qui sont calculées
sur la base de données de marché ou de modèles internes.
De même, certains éléments inclus dans les capitaux propres
dont il est certain qu'ils seront compensés à plus ou moins
brève échéance par les effets d'opérations
symétriques programmées, tels que les résultats latents de
couverture d'opérations ou flux de trésorerie futurs ou les
composantes de capitaux propres de dettes hybrides qui seront compensées
par des charges d'intérêts futures représentant un taux
d'intérêt effectif supérieur au taux facial, ne semblent
pas avoir ce caractère de permanence requis pour être
intégrés dans les fonds propres.
De même, les éléments de résultats
latents inclus dans les capitaux propres sur le fondement de simples
estimations, peuvent ne pas respecter l'exigence de disponibilité
immédiate pour absorber des pertes.
C'est en particulier le cas de plus-values latentes
calculées sur des instruments financiers qui ne sont pas
négociés sur des marchés liquides ou suffisamment profonds
pour absorber brutalement la vente d'un volume important d'actifs ou lorsque le
mode de gestion des actifs en question est orienté à long
terme.
Enfin, certains modes d'évaluation reposent sur des
modèles internes utilisant des hypothèses propres à chaque
entreprise. Les résultats ne peuvent pas toujours être
confrontés à des références de marché,
rendant ainsi difficile la détection et la correction rapide d'erreurs
d'appréciation et affaiblissant la comparabilité entre
entreprises. La fiabilité et le caractère incontestable de ces
évaluations peuvent être alors mis en doute, en contradiction avec
les exigences requises pour l'inclusion dans les fonds propres des
éléments ainsi évalués.
Ces interrogations sur la disponibilité et la
fiabilité des montants susceptibles d'être intégrés
dans les fonds propres peuvent justifier à tout le moins, une
réfaction avant leur intégration et/ou un classement dans les
fonds propres complémentaires plutôt que dans les fonds propres de
base.
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