Surveillance prudentielle et normes comptables IAS/IFRS: Outils de performance des banques( Télécharger le fichier original )par Jurgen Schneider YOCA Université Amadou Hampaté BA de DAKAR - Licence 2007 |
§3 - Quelle performance souhaite-t-on mesurer ?S'agit-il de la performance passée, c'est-à-dire de la performance réalisée. Dans ce cas, le meilleur indicateur semble être le résultat net puisqu'il retrace les activités économiques de l'exercice écoulé. Encore faut-il se mettre d'accord sur les éléments à retenir pour analyser la performance d'une entreprise. Par exemple, les gains et pertes de couverture de flux de trésorerie, les gains et pertes issus de la conversion des états financiers d'une filiale étrangère, doivent-ils être considérés comme des éléments du résultat relatifs à la performance de l'entité ? S'agit-il plutôt de la performance future, c'est-à-dire de la performance prévue. Dans ce cas, les other comprehensive income dont nous avons parlé précédemment semblent tout désignés. Mais la performance peut également s'analyser à court ou à long terme, tout dépend de la vision que l'on a de sa mesure. Comme l'a remarqué Y. Bernheim (2001), avec la convention d'évaluation en coût historique, la performance traduite par les comptes est parfaitement homogène avec l'évolution de la situation de trésorerie de l'entreprise. Au contraire, avec la convention d'évaluation en juste valeur, la performance de l'entreprise exprimée par ses comptes traduit immédiatement les variations des paramètres du marché. Elle s'éloigne de la situation de trésorerie effective de l'entreprise et du mode de gestion d'un investissement effectué sur la base d'un cycle d'une durée moyenne ou longue. 3.1 La performance à court terme (IAS 32 et IAS 39) La performance à court terme peut être illustrée par l'application des normes sur les instruments financiers. Ces normes, fortement contestées par les banques et les compagnies d'assurance pour la volatilité accrue qu'elles introduisent dans les bilans, bouleversent les pratiques comptables, notamment par le recours accru à la juste valeur et par la comptabilisation au bilan des instruments dérivés. Publiées en mars 2004, IAS 32 et IAS 39 n'ont été approuvées par l'Union européenne que fin 2004. De plus, la version européenne d'IAS 39 était une version « tronquée » afin de faciliter la mise en oeuvre de la comptabilité de couverture pour les banques et d'interdire l'utilisation de la juste valeur pour les dettes financières. La « révolution » introduite dans les pratiques comptables concerne notamment les instruments dérivés qui doivent, selon IAS 39, être comptabilisés au bilan à leur juste valeur : au départ (lors de leur mise en place) et ensuite par revalorisation à chaque clôture comptable (A. Ober, 2005). Par contre, IAS 39 ne précise pas où la variation de juste valeur du dérivé doit être comptabilisée. Est-ce dans le compte de résultat ou dans les capitaux propres ? Tout dépend de la qualification ou non du dérivé comme instrument de couverture. Tous les instruments financiers, y compris les dérivés (sauf les dérivés de couverture), doivent être classés dans l'une des catégories comptables définies par la norme, et présentées ci-dessous (A. Ober, 2005).
Source : A. Ober (2006), « Les instruments financiers », Editéa, Paris. Ce classement quasi définitif lors de la comptabilisation initiale de l'instrument financier s'effectue en fonction du respect de certaines conditions ou de certains critères. Il détermine la méthode de revalorisation à la clôture de l'instrument financier12(*). Selon A.Ober (2005), s'est à la suite de scandales au début des années 1990 aux Etats-Unis qu'a germé l'idée de suivre les instruments financiers à leur valeur de marché, ou plus exactement à leur juste valeur. Il n'existe cependant pas toujours un marché permettant de fournir une cotation quotidienne et, faute d'une telle référence, il faut recourir à des estimations de la juste valeur. Par ailleurs, la comptabilisation de tous les instruments financiers à la juste valeur est complexe et difficile à mettre en oeuvre. De plus, il n'est pas certain qu'elle réponde au mieux à toutes les situations. 3.2 - La performance à long terme La performance à long terme d'une entreprise peut être analysée à travers deux principes développés dans le référentiel IFRS : la distinction entre éléments récurrents et non récurrents (IAS 8,), les produits des activités ordinaires (IAS 18). Selon IAS 8, la distinction entre les activités récurrentes et non récurrentes est essentielle pour pouvoir comprendre le coeur de métier de l'entreprise. A ce sujet, B.Pigé et X.Paper (2005), font remarquer : « une des difficultés principales d'Enron avant sa faillite (automne 2001) résidait dans la distinction entre activités ordinaires et extraordinaires. Le PDG maintenait ses prévisions de bénéfices pour ses activités ordinaires et récurrentes et expliquait que la perte de 1 milliard de dollars n'était pas très grave car elle ne concernait pas ses activités récurrentes, lesquelles constituent l'avenir de l'entreprise ». La norme IAS 8 (§6) précise clairement la distinction : « Les éléments extraordinaires sont les produits ou les charges résultant d'évènements ou de transactions clairement distincts des activités ordinaires de l'entreprise et dont on ne s'attend pas qu'elles se reproduisent de manière fréquente ou régulière. Les activités ordinaires recouvrent toutes les activités engagées par une entreprise dans le cadre de ses affaires ainsi que les activités liées qui en résultent, ou en sont le prolongement de l'accessoire » (IAS 8, §6). B.Pigé et X.Paper (2005), font également remarquer que les activités ordinaires constituant l'élément essentiel d'appréciation de la performance, il importe que l'on puisse identifier précisément les transactions qui contribuent aux facteurs clés de succès de l'entreprise : « Lorsque des éléments de produit et de charge figurant dans le résultat des activités ordinaires sont d'une importance, d'une nature ou d'une incidence telles que leur indication est pertinente pour expliquer la performance de l'entreprise au cours de l'exercice, la nature et le montant de ces éléments doivent être indiqués séparément. » (IAS8, §16). La norme IAS 18, conditionne l'enregistrement des produits à la réalisation définitive de la transaction et à la possibilité de déterminer avec précision son résultat. Cette norme pose certains principes très forts qui limitent l'enregistrement des produits sur des transactions à venir. B.Pigé et X.Paper (2005), illustrent ce propos avec l'essor des NTIC dans les années quatre vingt dix : « au cours des années entourant l'essor et l'implosion de la bulle boursière autour des NTIC, de nombreuses entreprises ont eu tendance à enregistrer le résultat de transactions alors même que le transfert de contrôle effectif des biens cédés n'avait pas encore eu lieu. Le fait générateur était l'accord réciproque des parties. Or, il est arrivé que certains accords considérés comme définitifs aient été remis en cause, soit en raison de la défaillance de l'un des acteurs, soit tout simplement en raison de clauses annexes qui ont été invoquées pour délier l'une des parties de ses engagements ». Il est important de rappeler que IAS 18 suppose une notion d'implication dans la gestion et de contrôle effectif, ce qui constitue un obstacle à l'enregistrement précoce de produits sur les cessions ordinaires de biens. La norme IAS 18 peut, dans certaines activités, impacter significativement la performance à long terme du fait d'un changement de méthode dans la comptabilisation du chiffre d'affaires. Par exemple, dans le secteur de la grande distribution, le cabinet d'audit KPMG dans une étude, fait remarquer que: « même si en moyenne, la conversion n'a pas modifié significativement l'agrégat de chiffre d'affaires, de nouvelles dispositions de présentation ont pesé, généralement à la baisse, sur cet indicateur des plus sensibles pour les groupes de la distribution. Outre le cas de Ahold et PPR qui présentent un revenu en baisse de près de 7 milliards d'euros chacun du fait de l'application d'IFRS 5, le retraitement le plus remarquable vient des groupes Casino et Galeries Lafayette qui présentent une baisse significative de chiffre d'affaires (8 et 9% respectivement), du fait du reclassement des coopérations commerciales et participations fournisseurs en moins du coût des achats, mais aussi de la modification du mode de comptabilisation des ventes « stands » pour Galeries Lafayette ou des ventes en concession pour PPR ». 3.3 - La performance d'une entreprise se juge-t-elle comme la performance d'un portefeuille ? L. Batsch (2005) note que depuis Modigliani et Miller, la théorie financière soutient que la valeur de l'entreprise procède de ses performances économiques fondamentales. Derrière la démonstration selon laquelle un changement de la structure financière ne modifie pas la valeur de l'entreprise, il y a la conviction que cette valeur ne dépend que des caractéristiques de l'exploitation. On peut donc craindre que l'approche par le résultat global occulte la notion de résultat opérationnel, source d'information indispensable et irremplaçable pour les actionnaires. L'entreprise, être vivant et exploité, développe des activités économiques contribuant à la création de richesse pour toutes les parties prenantes. De sa performance économique découle sa performance financière. Elle n'est pas un support papier qui s'échange. La « performance » est donc un concept polymorphe qui mérite d'être approfondi. C'est pourquoi, le projet de présentation de la performance revêt un caractère stratégique pour les deux Boards. * 12 Juste valeur ou coût amorti. Le coût amorti d'un actif ou d'un passif financier est le montant auquel est évalué l'actif ou le passif financier lors de la comptabilisation initiale, diminué des remboursements en principal, majoré ou diminué de l'amortissement cumulé calculé par la méthode du taux d'intérêt effectif, de toute différence entre ce montant initial et le montant à l'échéance, et diminué de toute réduction pour dépréciation ou irrécouvrabilité » (IAS 39). |
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