- a - Les signes interdits comme marque :
Selon l'article 4, « Ne peut être
adopté comme marques ou élément de marque, tout signe
:
a) Reproduisant ou imitant les armoiries, drapeaux et
autres emblèmes, sigles, dénominations ou abréviations de
dénominations de tout état ou de toute organisation
internationale intergouvernementale ou de toute organisation
créée par une convention internationale, à moins que cette
utilisation ne soit autorisée par l'autorité compétente de
l'état ou de l'organisation en cause.
b) Reproduisant ou imitant des signes ou
poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par
un état, à moins que cette utilisation ne soit autorisée
par l'autorité compétente de cet état » .
Interdits déjà par l'article 6 Ter de la
Convention d'Union de Paris, les signes énumérés dans
l'article 4. (a) et (b) se trouvent énergiquement prohibés,
à la fois par leur interdiction comme marque ou élément de
marque et par la portée de cette interdiction qui couvre et leur
reproduction et leur imitation.
Concernant la première série de signes,
l'interdiction des signes, drapeaux, armoiries et dénominations
appartenant aux états, semble tenir surtout à leur grande valeur
symbolique, car ils incarnent la souveraineté. C'est pourquoi, chaque
état dresse souverainement la liste des emblèmes qu'il entend
interdire à l'usage et la notifie à l'O.M.P.I qui à son
tour la communique aux états membres de l'Union de Paris.
Sont également interdits, les signes représentant
une organisation internationale
intergouvernementale ou toute organisation créée
par une convention internationale.
Sont interdits, à l'image des signes
précédents, les signes ou les poinçons officiels de
contrôle et de garantie adoptés par un état, de tels signes
servent normalement à garantir la qualité d'un produit ou sa
teneur en une matière déterminée comme c'est le cas pour
les poinçons relatifs aux métaux précieux.
Malgré la fermeté de l'interdiction qui entoure
l'usage de ces signes comme marques, leur prohibition cède devant
l'autorisation de l'autorité compétente de l'état ou de
l'organisation internationale en cause conformément à l'article 4
de la loi n°36-2001.
L'exigence de la licéité du signe tient aussi
à ce que ne peuvent constituer une marque valable, les signes contraires
à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.
- b - Les signes contraires à l'ordre public ou aux
bonnes moeurs :
Selon l'article 4 (c) de la loi du 17 avril 2001, ne peut
être adopté comme marques ou élément de marque, tout
signe « contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou
dont l'utilisation est légalement interdite ».
Il est évident que l'on ne peut admettre comme marque ou
élément de marque, un signe portant, par ce qu'il exprime ou
évoque, atteinte à l'ordre public 1 ou aux bonnes
moeurs.2
Le recours aux notions souples d'ordre public et de bonnes
moeurs est nécessaire, car il est impossible et inopportun de dresser
une liste qui englobe tous les signes interdits pour illicéité.
C'est pourquoi, en plus des interdictions expresses, ces notions interviennent
en tant que correctifs souples face aux excès lors du choix du signe
constitutif de la marque.
Bien qu'elles présentent un certain degré de
parenté fonctionnelle et conceptuelle,3 les notions d'ordre
public et de bonnes moeurs sont distinctes. En effet, chacune d'elles peut
jouer, à elle, seule afin de prohiber un signe indépendamment de
l'existence d'une atteinte à l'autre notion.
Cependant, elles peuvent jouer ensemble car le choix d'un
signe immoral est attentatoire à la fois aux bonnes moeurs et à
l'ordre public dans sa conception large. Compte tenu de l'incertitude relative
à leur contenu, les notions de l'ordre public et des bonnes moeurs
revêtent un caractère relatif tant dans l'espace que dans le
temps.
C'est pourquoi, il revient au juge et parfois à
l'administration de dire le dernier mot sur leur contenu comme c'est le cas en
droit des marques. S'agissant de l'administration, elle peut intervenir dans la
définition du contenu de l'ordre public à l'occasion de l'examen
au fond de la marque lors de l'enregistrement. En France, lors d'un tel examen,
la marque OPIUM pour des parfums a été reconnue comme contraire
à l'ordre public avant que les juges 4 ne reconnaissent sa
licéité.
Quant au juge, il intervient suite au refus d'enregistrement
de la marque par l'administration ou lorsque la nullité de la marque est
invoquée à l'occasion d'un procès à titre principal
ou incident.
Il arrive parfois que l'appréciation
démesurée des notions d'ordre public et des bonnes moeurs puisse
aboutir à des solutions très critiquables. Il en est ainsi du
refus de la marque ZIPPO à l'enregistrement
par l'office jordanien des marques pour contrariété aux bonnes
moeurs. Selon le juge jordanien, la traduction littérale de cette marque
en langue arabe finira par lui donner un sens grossier, la
contrariété de la marque ZIPPO aux
bonnes moeurs a été confirmée par la cour suprême
jordanienne.5
Un tel refus est critiquable car la traduction de la marque en
langue arabe n'est point exigée en droit jordanien, par ailleurs, cette
attitude risque de susciter des réactions réciproques.
1 L'ordre public s'entend de l'ensemble des
règles -écrites ou non-écrites- qui
veillent à la défense des piliers d'un ordre social donné
à une époque déterminée. L'ordre public s'identifie
donc à l' « ensemble des standards et valeurs fondamentales d'une
société, auxquels il est interdit de déroger sous peine de
nullité. » Dictionnaire encyclopédique de théorie et
de sociologie du droit, 2ème édition, L.G.D.J, 1993. p
415.
2 TERRE (F), SIMLER (PH) et LEQUETTE (Y) : Droit
civil, Les obligations. 7ème éd, Dalloz 1999.
n°362. p. 357. Selon ces auteurs, les bonnes moeurs se définissent
comme étant « Les règles de morale sociale
considérées comme fondamentales pour l'ordre même de la
société ».
3 Idem. n°348. L'ordre public et les bonnes
moeurs « remplissent tous deux la même fonction. Ce
sont des interdits sociaux qui restreignent la liberté contractuelle.
Ils marquent qu'il existe, au-dessus des intérêts particuliers,
des intérêts généraux que le pouvoir de la
volonté ne saurait méconnaître.
Ils ont tous deux la même nature
conceptuelle. Ce sont des normes à contenu
indéterminé, des standards, qui ne répondent à
aucune définition précise et qui ont donc souvent besoin du
relais du juge pour être concrétisées ».
4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. N°959.
p. 538.
5 Cour Suprême de Justice, Arrêt
n°377-95. Revue du Syndicat des Avocats 1997. p. 605. cité par,
SALAH ZIN EDDINE : op. cit. p. 275.
Le droit des marques peut devenir un terrain d'enjeux purement
stratégiques et religieux. En effet, il s'est avéré, en
Jordanie,1 que l'ordre public fait obstacle à
l'enregistrement des marques dont les propriétaires entretiennent des
relations commerciales avec Israël ou ses ressortissants.2
Outre les cas où il se trouve interdit par la loi,
contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, le signe constitutif de
la marque encoure la nullité s'il revêt un caractère
déceptif.
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