Chapitre 2 : Les actes de contrefaçon par
« confusion »
Selon l'article 23 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001,
« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il
en peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public
:
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une
marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou
services similaires à ceux désignés dans
l'enregistrement,
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque
imitée pour des produits ou services identiques ou similaires
à ceux désignés dans l'enregistrement ».
Dans l'article 22 de la loi n°36-2001, le droit de
propriété sur la marque bénéficie d'une protection
assez rigoureuse. Toutefois, l'étendue de cette protection semble un peu
restreinte dans la mesure où la marque n'est protégée, au
sens de l'article 22, que dans les étroites limites de sa
spécialité, c'est-à-dire contre toute usurpation de la
marque pour des produits ou services identiques à ceux
désignés dans l'enregistrement.
En traitant du principe de la spécialité de la
marque, on a vu1 que celle-ci s'entend d'une manière large
qui couvre par la même les produits identiques et ceux qui sont
simplement similaires à ceux pour lesquels la marque a été
enregistrée. L'apparition de la notion de produits similaires a vu le
jour progressivement après la première guerre mondiale. A cette
époque là, deux grands couturiers français à savoir
MOLYNEUX et YVES SAINT LAURENT avaient
lancé leurs propres marques de parfums, peu à peu la
jurisprudence française est arrivée à considérer
les produits de parfumerie comme similaires aux vêtements de haute
couture.2
Cette extension de la protection des droits du
propriétaire se justifie d'elle-même dans la mesure où
« l'utilisation de la même marque pour des produits
similaires par un tiers fausse la garantie d'origine attachée à
la marque et dénie la fonction distinctive du signe
».3 C'est dans le dessein de consacrer une telle protection que
l'article 23 se propose d'interdire, non sans une certaine complexité
pratique, certains actes de contrefaçon de marque.
Toutefois, La protection de la marque pour des produits ou
services seulement similaires semble, intrinsèquement, excessive et
attentatoire au principe de la liberté de la concurrence car l'emploi
d'une marque enregistrée en dehors de sa spécialité, au
sens stricte, telle que définie dans l'acte de dépôt n'est
ni condamnable en soi ni forcément préjudiciable puisqu'il ne
s'agit pas de produits ou de services identiques.
Dès lors, on doit s'attendre à ce que la loi
exige une certaine condition de nature à rendre cette interdiction
fondée voire même souhaitable surtout si l'utilisation non
autorisée de la marque pour des produits similaires cause un
préjudice concurrentiel.4
1 Sur l'extension de la protection aux produits ou
services similaires, voir supra. p. 61 et sui.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 321.
3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1394. p.
653.
4 Voir concernant la définition du
préjudice concurrentiel, la remarquable étude de M. LE TOURNEAU
(PH) : « De la spécificité du préjudice concurrentiel
» R.T.D.com 1998. N° 1. p. 83. L'auteur soutient l'idée que le
préjudice concurrentiel est essentiellement caractérisé
par son unité et ce, malgré son caractère polymorphe.
La réponse apportée par l'article 23 confirme
cette préoccupation. En effet, la contrefaçon n'est retenue au
sens cet article que dans la mesure où l'exercice par un tiers d'un
quelconque acte prévu dans l'article 23 se révèle de
nature à créer « un risque de confusion dans
l'esprit du public » concernant la véritable origine ou
provenance des produits ou services couverts par cette marque.
En d'autre terme, si le public risque de confondre l'origine
des produits couverts par la marque avec des produits similaires
présentés sous la même marque et provenant d'un autre
opérateur économique, on doit pouvoir considérer qu'il y a
là une déstabilisation et un détournement de la fonction
distinctive de la marque du moment qu'elle ne peut plus rattacher et identifier
les objets qu'elle couvre en fonction de leur origine.
Dans cette optique, l'exigence d'un risque de confusion dans
l'esprit du public paraît intervenir afin de conforter et éclairer
le jugement sur le caractère illégitime, jusque là
douteux, de l'exploitation faite de la marque d'autrui pour des produits ou
services similaires.
Aux fins de l'appréciation de l'acte contrefaçon
au sens de l'article 23, le législateur tunisien pose indubitablement
l'exigence du risque de confusion dans l'esprit du public en tant que condition
de la constitution du délit de contrefaçon ( Section
1). Ceci étant la constante, la variante dans la constitution
du délit de contrefaçon au sens du même article consiste en
une distinction selon qu'il s'agit des actes de contrefaçon interdits
dans le point (a) ou dans le point (b) de l'article 23. ( Section
2 )
La distinction opérée dans l'article 23 implique
l'étude séparée des actes interdits pour des produits ou
services similaires au sens du point (a) de ceux qui selon le point (b) du
même article impliquent l'imitation de la marque indifféremment du
caractère identique ou similaire des produits ou services pour lesquels
la marque a été usurpée.
Section 1 : Le risque de confusion dans l'esprit du
public
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