L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie( Télécharger le fichier original )par Kaïs Berrjab Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004 |
Section 4 : Le délit de modification ou de suppression d'unemarque régulièrement apposéeAu même titre que l'apposition, l'article 22 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 interdit « sauf autorisation du propriétaire : b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. » L'incrimination de la suppression ou de la modification d'une marque s'impose d'elle-même car elles portent atteinte directement à la fonction distinctive de la marque et lui ôte son utilité et sa fonction légale d'identification que lui reconnaît la loi des marques. Bien évidemment, le délit de suppression ou de modification de marque est indifférent à la preuve de la bonne foi de celui qui en est l'auteur car ces actes impliquent en eux-mêmes la malice et la fraude, dès lors il serait insensé de subordonner leur répression à la preuve d'une intention frauduleuse. Au terme de l'article 22, l'incrimination porte à la fois sur la suppression et sur la modification de la marque. Concernant la suppression, on peut dire que c'est la manière la plus pure et simple de porter atteinte aux droits du propriétaire car celui qui commet cet acte se substitue en fait au propriétaire dans l'exercice du droit de disposer de son bien qui implique entre autre l'abusus. S'agissant de la marque victime de modification ou de suppression, il est certain qu'il s'agit d'une marque enregistrée et authentique et non pas reproduite ou imitée, c'est aussi une marque apposée d'une manière régulière. La régularité de l'apposition de la marque en question s'entend normalement d'un marquage opéré par le propriétaire de la marque ou avec son consentement. 1 CA, Tunis, Arrêt correctionnel n°2731 du 12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7. 2 TPI, Sfax, jugement n°14801 du 16 janvier 1983. Rapporté en annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 173. La matérialité de la suppression ne semble pas poser de problèmes spécifiques d'appréciation, il suffit que la marque soit effacée, détériorée ou encore définitivement rayée du produit ou de son conditionnement. Quant à la modification, elle semble d'une application plus large et d'une appréciation plus subtile. En pratique, l'acte de modification doit être entendu de toute altération susceptible déstabiliser la fonction de garantie d'origine d'une marque régulièrement apposée.1 Pour qu'ils soient punissables à titre de contrefaçon, les actes de suppression ou de modification doivent intervenir dans un cadre commercial ou concurrentiel car ce n'est que dans ce cadre précis qu'ils deviennent dommageables et attentatoires à la fonction distinctive de la marque dans le commerce. En revanche, s'ils sont commis à des fins d'usage privé, il semble qu'il n'y a aucune raison valable qui motive la qualification de contrefaçon. En l'absence d'une jurisprudence tunisienne en la matière, il semble opportun de citer quelques cas de contrefaçon par modification ou suppression jugés par les tribunaux français. La question se pose généralement à propos de licéité de la modification ou de la suppression d'une marque suite à une opération de maintenance ou de réparation d'un produit revêtu d'une marque régulièrement apposée, en fait, la réponse dépend de l'étendue de l'intervention à laquelle est soumis le produit marqué. Si l'opération consiste à remplacer des pièces de rechanges, réparer ou encore nettoyer le produit, l'auteur de cette opération doit nécessairement maintenir la marque apposée car celle-ci poursuit toujours sa fonction de garantie d'origine.2 Par contre, si la modification du produit porte sur ce qu'il a de plus caractéristique et d'essentiel de façon à ce qu'il ne puisse plus être assimilé à l'objet d'origine avant la rénovation ou la modification, « l'identité d'origine n'existe plus et le titulaire de la marque ne saurait se voir attribuer la responsabilité du produit transformé. En ce cas, le reconstructeur n'a pas le droit d'utiliser la marque et doit la retirer du produit » sans tomber sous le coup de la contrefaçon. « S'il maintien la marque, il commet un usage illicite de la marque et s'il la rétablit, le délit d'apposition ».3 Dans ce cas précis, la jurisprudence française admet la suppression de la marque comme obligatoire car l'objet marqué tel qu'il a été modifié, n'a plus droit à cette marque.4 Bien qu'il constitue un délit de contrefaçon distinct, l'acte de modifier ou de supprimer la marque est généralement saisie comme un cas spécial d'usage illicite de la marque d'autrui,5 cette qualification s'explique certainement par le caractère foncièrement diversifié des modalités d'intervention du délit d'usage auquel s'apparente le délit d'importation ou d'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite. 1 Cass. Com., 28 janvier 1992. En l'espèce un vendeur a délavé, sans l'autorisation du titulaire de la marque, des « Blue- Jeans » marqués. De ce fait, il s'est rendu coupable du délit de modification et d'usage illicite de marque car « le maintien de celle-ci sur le produit modifié tendait à faire croire au consommateur que le titulaire de la marque était responsable du processus entier de fabrication ». RTD com., 1992, p. 370, obs. A. Chavanne. 2 Cass. Req., 4 avril 1940, Annales, 1940.48, p. 167 ; Paris, 7 février 1908, Annales, 1911, p. 105. 3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N° 1401, p.657. 4 Lyon, 13 juillet 1976. Affaire « Chausson », Annales, 1976, p. 244. 5 MATHELY (P): op. cit. p. 330. Également, POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. n° 1401, p.657. |
|