Section 3 : Le délit d'apposition de marque
Au même titre que la reproduction et l'usage, l'article
22 de la loi du 17 avril 2001 sanctionne par voie de contrefaçon
l'apposition de la marque d'autrui sans autorisation sur des produits ou
services identiques à ceux qui figurent dans l'acte de
dépôt de cette marque.
Au sens de l'article 22, l'apposition est un délit
d'imprudence qui s'applique nécessairement à une marque
authentique et non pas reproduite ou imitée car le but poursuivi dans le
cas précis de l'apposition est celui de présenter des produits
sous une marque originale alors que ces mêmes produits proviennent d'une
origine autre que celle garantie par la marque usurpée.
Le droit d'apposer la marque sur un produit ou en
accompagnement d'un service est une prérogative qui revient
exclusivement au propriétaire, ce dernier est seul juge de
l'opportunité d'apposer ou non sa marque sur les objets qu'il offre dans
le commerce, d'autant plus que par cet acte, le titulaire de la marque certifie
au public des consommateurs qu'il est garant de l'origine du produit ou du
service avec tout ce qui en découle en terme de
responsabilité.
La violation de ce droit consiste donc pour un tiers dans le
fait de se servir matériellement d'une marque authentique, en dehors de
l'autorisation de son propriétaire, pour désigner des produits ou
accompagner des services qui n'ont pas droit à être
présentés sous cette marque car leur origine ne coïncide pas
avec celle que se propose de garantir la marque.
A la différence de l'article 15 al. 2 du décret
du 3 juin 1889 qui sanctionnait à titre de contrefaçon
« ceux qui ont frauduleusement apposé sur leurs
produits ou les objets de leur commerce une marque appartenant à
autrui », l'article 22 de la loi n°36-2001 a
écarté l'élément intentionnel du délit
d'apposition de marque en faisant de lui un délit d'imprudence
punissable du seul fait matériel d'apposer la marque d'autrui sur des
objets qui relèvent de sa spécialité.
1 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N°1375. p.
644.
2 Ibid. N° 1403 et sui. P.658 et sui.
De même, la constitution du délit d'apposition de
marque au sens de l'article 22 est indifférente à l'existence ou
non d'un risque de confusion dans l'esprit du public à propos de la
véritable origine des objets revêtus de la-dite marque car il
s'agit de produits identiques.
En outre, il importe peu que le produit ou le service sur
lequel la marque a été illicitement apposée soit
authentique car il revient souverainement au propriétaire de la marque
de choisir parmi ses produits ou services lesquels il entend revêtir de
sa marque. Ce qui compte donc c'est le défaut d'autorisation et non pas
la fausse ou la véritable origine des produits marqués.
On note par ailleurs, au sens de l'article 22,
l'inutilité des formules de correction qui tendent vainement à
dissimuler l'usurpation de la fonction de garantie d'origine que poursuit la
marque tel que « formule, façon, système, imitation,
méthode ou genre ». L'adjonction de l'un de ces termes ou
d'un autre du même ordre ne saurait repousser le délit de
contrefaçon par apposition.
S'agissant de l'élément matériel de
l'apposition, il peut consister en n'importe quel support sur lequel la marque
usurpée est matériellement appliquée afin de
désigner dans un but commercial des objets qui relèvent de la
spécialité de cette dernière. A ce stade, il est important
de souligner que le simple fait d'apposer la marque sur des objets identiques
suffit à retenir la contrefaçon indépendamment de toute
commercialisation car en apposant la marque d'autrui, le contrefacteur a
déjà violé les interdictions qui découlent de
l'enregistrement de la marque.
Concernant les marques de services, la
matérialité de l'apposition est retenue
généralement lorsque la marque d'autrui se trouve
appliquée par exemple sur un moyen de transport qui sert dans la
livraison du service, sur un manuel d'usage, quittance de livraison ou facture
accompagnant le service rendu.
S'agissant des marques de fabrique ou de commerce, les
modalités d'apposition deviennent encore plus diversifiées car ce
type de marque peut être apposé sur les produits eux-mêmes.
La modalité la plus courante dans ce cas précis consiste dans le
remplissage d'un récipient revêtu de la marque d'autrui par un
produit qui provient d'une origine autre que celle garantie par la marque
apposée sur le récipient.
C'est en effet le cas dans l'affaire
ORANGINA,1 là où un commerçant
a rempli des bouteilles revêtues de cette marque par ses propres produits
de boissons gazeuses. En l'espèce, la cour a rejeté, à
juste titre, l'argument du contrefacteur qui consistait à motiver ses
agissements par une nécessité impérieuse constituée
par une rupture de stock.
Dans une autre affaire, la contrefaçon a
été retenue à l'encontre du fabricant de pots en aluminium
qui a apposé, sur demande d'un tiers, la marque ASTRAL
2 -enregistrée pour désigner des produits de
peintures- sur des pots de peintures revêtus de la marque contrefaisante
SUPER PANDA ASTRAL . L'apposition peut aussi être
consommée suite à l'application matérielle de la marque ou
de son logo directement sur le produit comme çà était le
cas dans l'affaire PUMA 3 pour l'imprimeur qui a reproduit et
apposé cette marque sur des tissus même après la mise en
garde qui lui a été notifiée par le propriétaire de
la marque en question.
1 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2611 du
30 avril 1962. RJL 1963, n°10, p. 56.
2 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril
2003. Voir annexe n°8.
3 TPI, Tunis, jugement n°57782 du 2 octobre 1986.
Rapporté en annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 121.
Parfois, il arrive qu'un tiers consomme à lui seul
plusieurs actes de contrefaçon, il en est ainsi du commerçant
qui, avant d'offrir à la vente des sacs en cuir revêtus de la
marque notoire Christian Dior,1 a reproduit,
utilisé et apposé la dite marque et son logo sur les sacs en
question.
Dans une autre affaire, la contrefaçon a
été retenue à l'encontre de celui qui, en dehors de toute
autorisation, appose la marque d'une maison de fabrique d'automobiles
PEUGEOT 2 à la devanture de son
établissement à titre d'enseigne.
En définitive, ce qui importe dans la constitution du
délit d'apposition c'est que la marque d'autrui soit appliquée
matériellement sur un produit ou en accompagnement d'un service
identique à celui pour lequel cette même marque a
été enregistrée.
Une fois apposée par le propriétaire, la marque
est légalement protégée par la loi contre toute
altération ou modification, en conséquence, se rend coupable de
contrefaçon au sens de l'article 22 (b) quiconque aura porté
atteinte à l'intégrité d'une marque
régulièrement apposée.
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