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L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie

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par Kaïs Berrjab
Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004
  

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Section 3 : Le délit d'apposition de marque

Au même titre que la reproduction et l'usage, l'article 22 de la loi du 17 avril 2001 sanctionne par voie de contrefaçon l'apposition de la marque d'autrui sans autorisation sur des produits ou services identiques à ceux qui figurent dans l'acte de dépôt de cette marque.

Au sens de l'article 22, l'apposition est un délit d'imprudence qui s'applique nécessairement à une marque authentique et non pas reproduite ou imitée car le but poursuivi dans le cas précis de l'apposition est celui de présenter des produits sous une marque originale alors que ces mêmes produits proviennent d'une origine autre que celle garantie par la marque usurpée.

Le droit d'apposer la marque sur un produit ou en accompagnement d'un service est une prérogative qui revient exclusivement au propriétaire, ce dernier est seul juge de l'opportunité d'apposer ou non sa marque sur les objets qu'il offre dans le commerce, d'autant plus que par cet acte, le titulaire de la marque certifie au public des consommateurs qu'il est garant de l'origine du produit ou du service avec tout ce qui en découle en terme de responsabilité.

La violation de ce droit consiste donc pour un tiers dans le fait de se servir matériellement d'une marque authentique, en dehors de l'autorisation de son propriétaire, pour désigner des produits ou accompagner des services qui n'ont pas droit à être présentés sous cette marque car leur origine ne coïncide pas avec celle que se propose de garantir la marque.

A la différence de l'article 15 al. 2 du décret du 3 juin 1889 qui sanctionnait à titre de contrefaçon « ceux qui ont frauduleusement apposé sur leurs produits ou les objets de leur commerce une marque appartenant à autrui », l'article 22 de la loi n°36-2001 a écarté l'élément intentionnel du délit d'apposition de marque en faisant de lui un délit d'imprudence punissable du seul fait matériel d'apposer la marque d'autrui sur des objets qui relèvent de sa spécialité.

1 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N°1375. p. 644.

2 Ibid. N° 1403 et sui. P.658 et sui.

De même, la constitution du délit d'apposition de marque au sens de l'article 22 est indifférente à l'existence ou non d'un risque de confusion dans l'esprit du public à propos de la véritable origine des objets revêtus de la-dite marque car il s'agit de produits identiques.

En outre, il importe peu que le produit ou le service sur lequel la marque a été illicitement apposée soit authentique car il revient souverainement au propriétaire de la marque de choisir parmi ses produits ou services lesquels il entend revêtir de sa marque. Ce qui compte donc c'est le défaut d'autorisation et non pas la fausse ou la véritable origine des produits marqués.

On note par ailleurs, au sens de l'article 22, l'inutilité des formules de correction qui tendent vainement à dissimuler l'usurpation de la fonction de garantie d'origine que poursuit la marque tel que « formule, façon, système, imitation, méthode ou genre ». L'adjonction de l'un de ces termes ou d'un autre du même ordre ne saurait repousser le délit de contrefaçon par apposition.

S'agissant de l'élément matériel de l'apposition, il peut consister en n'importe quel support sur lequel la marque usurpée est matériellement appliquée afin de désigner dans un but commercial des objets qui relèvent de la spécialité de cette dernière. A ce stade, il est important de souligner que le simple fait d'apposer la marque sur des objets identiques suffit à retenir la contrefaçon indépendamment de toute commercialisation car en apposant la marque d'autrui, le contrefacteur a déjà violé les interdictions qui découlent de l'enregistrement de la marque.

Concernant les marques de services, la matérialité de l'apposition est retenue généralement lorsque la marque d'autrui se trouve appliquée par exemple sur un moyen de transport qui sert dans la livraison du service, sur un manuel d'usage, quittance de livraison ou facture accompagnant le service rendu.

S'agissant des marques de fabrique ou de commerce, les modalités d'apposition deviennent encore plus diversifiées car ce type de marque peut être apposé sur les produits eux-mêmes. La modalité la plus courante dans ce cas précis consiste dans le remplissage d'un récipient revêtu de la marque d'autrui par un produit qui provient d'une origine autre que celle garantie par la marque apposée sur le récipient.

C'est en effet le cas dans l'affaire ORANGINA,1 là où un commerçant a rempli des bouteilles revêtues de cette marque par ses propres produits de boissons gazeuses. En l'espèce, la cour a rejeté, à juste titre, l'argument du contrefacteur qui consistait à motiver ses agissements par une nécessité impérieuse constituée par une rupture de stock.

Dans une autre affaire, la contrefaçon a été retenue à l'encontre du fabricant de pots en aluminium qui a apposé, sur demande d'un tiers, la marque ASTRAL 2 -enregistrée pour désigner des produits de peintures- sur des pots de peintures revêtus de la marque contrefaisante SUPER PANDA ASTRAL . L'apposition peut aussi être consommée suite à l'application matérielle de la marque ou de son logo directement sur le produit comme çà était le cas dans l'affaire PUMA 3 pour l'imprimeur qui a reproduit et apposé cette marque sur des tissus même après la mise en garde qui lui a été notifiée par le propriétaire de la marque en question.

1 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2611 du 30 avril 1962. RJL 1963, n°10, p. 56.

2 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril 2003. Voir annexe n°8.

3 TPI, Tunis, jugement n°57782 du 2 octobre 1986. Rapporté en annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 121.

Parfois, il arrive qu'un tiers consomme à lui seul plusieurs actes de contrefaçon, il en est ainsi du commerçant qui, avant d'offrir à la vente des sacs en cuir revêtus de la marque notoire Christian Dior,1 a reproduit, utilisé et apposé la dite marque et son logo sur les sacs en question.

Dans une autre affaire, la contrefaçon a été retenue à l'encontre de celui qui, en dehors de toute autorisation, appose la marque d'une maison de fabrique d'automobiles PEUGEOT 2 à la devanture de son établissement à titre d'enseigne.

En définitive, ce qui importe dans la constitution du délit d'apposition c'est que la marque d'autrui soit appliquée matériellement sur un produit ou en accompagnement d'un service identique à celui pour lequel cette même marque a été enregistrée.

Une fois apposée par le propriétaire, la marque est légalement protégée par la loi contre toute altération ou modification, en conséquence, se rend coupable de contrefaçon au sens de l'article 22 (b) quiconque aura porté atteinte à l'intégrité d'une marque régulièrement apposée.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille