2) L'indifférence du risque de confusion :
Il va sans dire que celui qui reproduit une marque pour des
produits ou services identiques à ceux qu'elle a pour fonction de
désigner ne risque pas de semer la confusion dans l'esprit du public,
mais au contraire, il cherche plutôt à dissiper toute confusion
quant à la véritable origine des objets couverts par la marque
reproduite car, en fait, il est allé plus loin en se substituant
purement et simplement au propriétaire lui-même dans l'exercice de
ses droits sur la marque.
Ainsi, le consommateur trouvera sur le marché deux
produits identiques revêtus de la même marque sans s'apercevoir
qu'ils ne proviennent pas d'un seul opérateur économique.
1 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2611 du
30 avril 1962. RJL 1963, n°10, p. 58.
2 CA, Tunis, arrêt n°60537 du 16
février 2000. (JOHNSON ENDSON. Inc / JASMINAL).Voir
annexe n°5.
3 TPI, Tunis, jugement commercial n° 2703 du 11
avril 2000. (DRYPERS corporation / CIPAP). Voir annexe
n°6.
Par ailleurs, le consommateur n'a pas à chercher si le
produit qu'il se procure est authentique ou pas car en vertu de l'association
signe/produit qui s'est forgée dans son esprit, grâce en grande
partie au talent du titulaire de la marque, il rattache légitimement ce
produit à un seul et unique fabricant par le biais de la marque qu'il
porte, puisqu'il est impensable et illogique de voir deux opérateurs
économiques proposer sur un même marché des produits de
même nature et portant la même marque alors que celle-ci est
censée religieusement les distinguer en fonction de leur provenance ou
de la maison de fabrique qui les a produit.
En conséquence, le risque de confusion n'a pas à
être pris en compte 1 toutes les fois où la marque
enregistrée se trouve reproduite pour désigner des objets
identiques à ceux qui figurent dans l'acte de son dépôt car
le contrefacteur par reproduction ne cherche qu'à être
perçu aux yeux du public comme étant le véritable
fabricant ou prestataire de services des objets désignés par la
marque reproduite que ce soit à l'identique ou au quasi identique.
L'indifférence de ces éléments confirme
encore une fois la qualification de l'acte de reproduction en tant que
délit matériel, ainsi, le seul fait matériel de reproduire
la marque enregistrée pour des produits ou services identiques suffira
à retenir la contrefaçon peu important l'intensité du
pouvoir distinctif de la marque reproduite.
3) L'indifférence de l'appréciation du
degré de distinctivité de la marque :
Le droit des marques protège la marque
indépendamment du degré de sa notoriété, de son
rayonnement ou de l'intensité des rapports qu'elle entretient avec le
public. En ce sens, l'accès à la protection n'est
conditionné que par la validité de la marque dont la protection
est demandée, son opposabilité aux tiers et le fait que
l'atteinte en question touche la marque dans sa spécialité.
Ainsi, toute discrimination fondée sur le
caractère faiblement ou fortement distinctif de la marque victime d'un
acte de contrefaçon par reproduction finira par prendre le contre-pied
de l'esprit et de la philosophie même du droit des marques qui ne
distingue point en ce sens sauf pour étendre la protection de la marque
notoire conformément à l'article 24, non pas sur le terrain de la
contrefaçon mais, en vertu des règles de la responsabilité
civile.
Dans le droit fil de la dénonciation de cette
distinction, M. POLLAUD-DULIAN écrit « c'est la comparaison
des signes en question qui compte peu important le degré de
distinctivité de la marque contrefaite. Une marque est distinctive ou
elle ne l'est pas : si elle est distinctive, donc protégée, sa
reproduction à l'identique ou au quasi-identique constitue une
contrefaçon. » 2
Contrairement à cette position, une partie de la doctrine
française 3 n'a cessé de soutenir que cette
distinction, qu'aucun texte en droit français ne l'autorise,
s'impose.
1 CA, Tunis, Arrêt n°25237 du 9 juin
1965. RJL 1969, n°6-7. p. 89. La cour rappelle à juste titre que
« La contrefaçon est établie lorsque la même marque
est reproduite E...] et ce indépendamment de toute confusion ou
tromperie ».
2 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. n°1363. p.
638.
3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
N°1191. p. 703 ; J. Azéma. RTD com., 2001. n°1. chronique. p.
432.
La jurisprudence française récente 1
semble s'orienter fermement vers l'admission de la distinction marque
faible / marque forte. La discrimination, explique M. AZEMA,
« se justifie par le légitime désir des juges de ne
pas donner à des marques un rayonnement que ne justifierait pas leur
caractère faiblement distinctif ».2 Quoi qu'il
en soit, la maxime « ubi lex non distinguit »
dépouille une telle distinction de fondement tant en droit tunisien
comme en droit français.
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