Paragraphe 1 : Les éléments
indifférents à la constitution du délit de reproduction
:
Au sens de l'article 22, doivent être
considérés comme inopérants aux fins de
l'appréciation de la reproduction, des éléments tels que
la bonne foi (1), le risque de confusion (2)
ainsi que le degré attractif de la marque reproduite
(3). A ces éléments, s'ajoutent d'autres souvent
invoqués en défense, tels que la qualité du produit, son
conditionnement, les techniques utilisées en vue de sa commercialisation
ainsi que la clientèle concernée par le produit ou la marque en
question.
1) L'indifférence de la bonne foi :
La reproduction de la marque pour des produits ou services
identiques est constitutive de contrefaçon indifféremment de
l'appréciation plus ou moins subjective de l'attitude du contrefacteur,
en ce sens, il est établi en droit comme en jurisprudence que la bonne
foi du contrefacteur importe peu car le contrevenant n'est pas en droit
d'ignorer 1 l'existence du droit sur la marque reproduite du moment
que son acte de dépôt a été publié.
Par ailleurs, il est certain que la responsabilité qui
découle de la consommation du délit de reproduction est
incontestablement insensible au paradigme de la faute, d'autant plus qu'il est
communément admis en doctrine comme en jurisprudence que la reproduction
de la marque pour des objets identiques présume d'une manière
irréfragable la mauvaise foi de son auteur.
La présomption de mauvaise foi en matière de
reproduction de la marque a été rappelée à maintes
reprises par le juge tunisien, il en est ainsi du jugement rendu dans l'affaire
PUMA.2
Les juges ont considéré que « la
société contrefactrice ne pouvait se prévaloir de sa bonne
foi car le seul fait de la contrefaçon inclut la malice et la tromperie
et constitue ainsi un dommage certain à la demanderesse, dommage qui lui
donne droit à réparation ».
Dans le même sens, il a été jugé 3
« que l'on ne peut opposer à la protection de la marque de
fabrique la bonne foi de la défenderesse étant donné que
le but recherché est la protection du produit d'origine
indépendamment de la bonne ou mauvaise foi ». Dans une
autre affaire de contrefaçon jugée au pénal, la cour
rappelle clairement qu'il importe de mettre en évidence la
1 Conformément au principe
général de droit posé par l'article 545 C.O.C, l'ignorance
de la loi ne tient pas lieu d'excuse légitime.
2 TPI, Tunis, jugement n°57782 du 2 octobre
1986. Rapporté en annexe du mémoire soutenu par BOUDEN (O) :
« La protection des marques de fabrique et de commerce »
Mémoire de D.E.A, Tunis 1990. Faculté de Droit et des Sciences
Politiques de Tunis. Page 121.
3 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985.
BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 57.
mauvaise foi dans les délits relatifs à la
tromperie et à l'escroquerie, toutefois, « la jurisprudence
a fini par admettre dans certains cas l'existence de la mauvaise foi de la
simple commission de certains actes » 1 parmi lesquels compte
l'acte de reproduction de marque.
Afin de démontrer que l'excuse de bonne foi est
inopérante dans le cas d'espèce, les juges s'efforcent parfois
à conforter leur position soit en procédant à
l'appréciation du comportement du contrefacteur soit en faisant exclure
l'excuse de l'ignorance ou de la coïncidence toutes les fois où la
marque reproduite se révèle notoire.
C'est ainsi que la Cour d'Appel de Tunis 2 a fini
par conclure à la mauvaise foi de celui qui a utilisé, reproduit
et enregistré pour son compte les marques notoires
d'autrui alors qu'il était lié à leur propriétaire
par une convention de fourniture de produits revêtus de ces marques
usurpées.
Non sans une certaine ironie, la cour insiste sur le fait que
le contrefacteur a procédé à l'enregistrement des marques
en question trois jours seulement après la rupture de ses relations
commerciales avec le propriétaire légitime.
Parfois, il a été question de dégager la
présomption de mauvaise foi du contrefacteur de sa seule qualité
de commerçant professionnel. C'est en effet le cas d'un jugement
3 qui, tout en déboutant le contrefacteur qui se
prétend être de bonne foi, rappelle avec un luxe d'insistance
qu'en vertu de son statut de professionnel, un commerçant doit
être en mesure de connaître pertinemment les marques notoires dans
son secteur d'activité. En outre, étant soumis au droit
commercial, tout commerçant se doit d'être loyal, diligent et de
bonne foi afin de ne pas porter atteinte à la règle de la
confiance en matière de transactions commerciales.
Ainsi, bien qu'il soit de droit que le délit de
reproduction est toujours exclusif de la bonne foi et ce bien longtemps avant
la loi du 17 avril 2001, les juges prennent souvent le soin de donner un
contenu ou une substance à la mauvaise foi de celui qui
reproduit une marque enregistrée compte tenu des circonstances de fait
propres à chaque espèce.
En se référant à l'article 22 de la loi
n°36-2001, on s'aperçoit qu'il ne contient aucune
référence au fait que les agissements du contrefacteur doivent
avoir été perpétrés « sciemment », «
frauduleusement » ou encore « de mauvaise foi », il en est ainsi
de l'exigence d'un risque de confusion.
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