produits ou services identiques
La reproduction de la marque enregistrée est la plus
flagrante des formes d'usurpation des droits sur la marque. Elle a longtemps
été confondue avec le concept de contrefaçon
lui-même tant en France en vertu de la loi de 1857 qu'en Tunisie sous
l'empire du décret du 3 juin 1889.
A cette époque là, le support matériel de
la contrefaçon reposait sur un acte de reproduction, la confirmation de
cette idée peut être dégagée de la définition
de GASTOMBIDE qui considérait la contrefaçon comme «
un détournement de la clientèle consommé au moyen
d'une reproduction ».1 Sur la base d'une telle
définition, on peut comprendre les raisons du rattachement de la
reproduction de marque à la notion de contrefaçon
stricto sensu.
Avec la promulgation de la loi de 17 avril 2001, le sens de la
reproduction de marque a été reconsidéré, c'est en
effet un acte de contrefaçon parmi d'autres. Il convient de noter que le
texte arabe de l'article 22 utilise le terme NASKH,
c'est-à-dire copier, afin de désigner l'acte de reproduction de
marque, il s'ensuit de cet emploi que le terme taklid
ne doit plus désigner la reproduction au sens des articles
22 et 23. Toutefois, le terme taklid demeure
polysémique 2 car outre son emploi dans l'article 44 afin de
désigner le concept de contrefaçon, il est employé aussi
dans le sens de l'imitation au sens de l'article 23 de la même loi.
Comme tous les actes de contrefaçon de marque, la
reproduction n'est pas définie dans la loi n°36-2001. Pour sa part,
la doctrine la considère comme l'acte de « confectionner ou
reproduire la marque à l'identique ou au quasi-identique. Elle est soit
servile, c'est-à-dire sans aucune différence perceptible,
quasi-servile, lorsque les différences sont insignifiantes, presque
imperceptibles ».3 Pareillement pour MATHELY, outre le
sens de la copie servile du signe constituant la marque, « la
reproduction en est quasi servile, lorsque la marque reproduite ne
présente, par rapport à la marque originale, qu'une
différence si légère qu'elle laisse subsister l'apparence
d'une identité totale entre les marques ».4
Ainsi défini, l'acte de contrefaçon de marque
par reproduction, au sens de l'article 22, doit être entendu dans le
cadre strict de la spécialité de la marque, c'est-à-dire
qu'il n'est qualifié ainsi que parce qu'il empiète sur le terrain
des produits et services identiques à ceux pour lesquels la marque
reproduite a été enregistrée. Le caractère
identique ne semble pas poser des gênes singulières pour les juges
qui doivent l'apprécier, au sens de l'article 22, strictement par
rapport aux produits et services désignés lors du
dépôt de la marque reproduite.
En conséquence, le délit de contrefaçon
par reproduction doit être retenu toutes les fois où un tiers
reproduit la marque pour des objets identiques peu importe le fait qu'ils
soient non- exploités car la protection couvre indistinctement tous les
objets désignés lors du dépôt.
1 GASTOMBIDE (A-J) : « Traité
théorique et pratique des contrefaçons en tous genres
». Le grand & Descaurier Éditeurs, Paris 1837. p. 410.
2 Les tribunaux emploient le terme taklid
pour désigner la reproduction et l'imitation. Il a
été même question d'utiliser les termes
tadliss ou tazouir au sens de
taklid alors qu'ils signifiaient le faux au
sens stricte du terme en droit pénal.
3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1362. p.
638.
4 MATHELY (P): op. cit. p. 291.
Avant de déterminer les spécificités de
ce délit, il est important de souligner qu'à l'image de tout acte
de contrefaçon au sens de la loi n°36-2001, l'acte de reproduction
de la marque n'est punissable que lorsqu'il est établi que la marque a
été en fait matériellement et définitivement
reproduite peu importe le moyen ou le support utilisé. Ainsi, on doit
admettre que la tentative n'est pas punissable en matière de
contrefaçon car ce délit ne rempli pas les conditions requises
à la répression de la tentative telle que prévue dans
l'article 59 du code pénal.
Bien que les éléments indifférents
(I) à la constitution du délit de reproduction
sont aussi valables pour le reste des actes interdits dans l'article 22, l'acte
de reproduction est un délit spécifique tant sur le plan de son
étendue (II) que sur celui de ses modalités
d'intervention (III).
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