TITRE DEUXIÈME :
Les manifestations de l'acte de contrefaçon
En disposant dans l'article 44 que « toute
atteinte portée aux droits du propriétaire constitue une
contrefaçon », la loi du 17 avril 2001 forge en termes
clairs l'unification du concept de contrefaçon de marque.
Désormais, il n'y a plus lieu de distinguer, comme
çà était le cas sous l'empire du décret du 3 juin
1889, la contrefaçon stricto sensu -qui concernait
essentiellement des hypothèses de reproduction illicites de la marque-
des autres violations du droit sur la marque souvent désignées
sous le terme de contrefaçon lato sensu ou délits
accessoires et qui se présentaient comme la continuité
d'une préalable contrefaçon par reproduction, il en était
ainsi de l'apposition frauduleuse d'une marque enregistrée.
Sur le plan terminologique, les rédacteurs de la loi du 17
avril 2001 semblent manifester un souci particulier quant à la
clarté des dispositions relatives au concept de contrefaçon.
En effet, selon une démarche chronologique, le
législateur défini la contrefaçon dans l'article 44 al.1
comme toute atteinte perpétrée aux droits sur la marque, ensuite,
et afin de lui donner un contenu propre, il est dit dans l'article 44 al.2 que
« constitue une atteinte aux droits sur la marque, la violation
des dispositions prévues aux articles 22 et 23 de la présente
loi ».
Invité par l'article 44 à consulter les articles
22 et 23 de la loi n°36-2001, on y trouve une liste d'actes ou de droits
réservés au propriétaire de la marque. En tête
des-dits articles, il est clairement formulé avec un luxe d'insistance
stylistique que ces actes ou droits « sont interdits,
(aux tiers) sauf autorisation du propriétaire
». En conséquence, l'exercice non autorisé de l'un de ces
droits par un tiers sera qualifié de contrefaçon.
Par ailleurs, il semble que le législateur tunisien a
choisi de définir les droits du propriétaire de la marque, dans
les articles 22 et 23, par la négative comme pour insister sur les
interdictions qui les entourent à l'égard des tiers. Ce sont ces
droits là et seulement ces droits que le droit des marques
protège et sanctionne la violation à titre de délit de
contrefaçon.
Une remarque concernant la portée des interdictions qui
pèsent sur les tiers mérite d'être signalée. En
effet, les interdictions formulées dans les articles 22, 23 et 52
renferment à la fois une constante et des variantes.
S'agissant de la constante, elle se rapporte au
caractère limitatif des interdictions énoncées dans les
articles 22, 23 et 52. En effet, la violation de ces interdictions engage la
responsabilité pénale de son auteur, par voie de
conséquence, il est indispensable que ces interdictions soient
interprétées d'une manière stricte que ce soit du point de
vue du droit pénal ou sous l'angle du principe de la liberté de
la concurrence.
Quant aux variantes, elles concernent des
différences relatives aux éléments constitutifs du
délit de contrefaçon selon qu'il s'agissait des interdictions
posées dans l'article 22, 23 ou 52 de la loi n°36-2001.
En effet, selon l'article 22 « Sont interdits, sauf
autorisation du propriétaire :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une
marque....., pour des produits ou services identiques à ceux
désignés dans l'enregistrement ».
Il ressort de cet article que le simple exercice non
autorisé de l'un des actes qu'il énonce à titre limitatif
suffit seul à consommer le délit de contrefaçon de marque
indifféremment de tout risque de confusion ou de toute intention
frauduleuse. Par ailleurs, il est clair qu'il met en oeuvre la protection de la
marque dans les strictes limites de sa spécialité,
c'est-à-dire pour des produits ou services identiques
à ceux désignés dans l'acte de dépôt d la
marque.
Pour ces raisons, et compte tenu de la manière dont ils
sont incriminés, les actes interdits au sein de l'article 22 sont
érigés, à juste titre, en délits matériels
de contrefaçon. ( Chapitre 1 )
A la différence de l'article 22, les interdictions
portées dans l'article 23 ne jouent qu'à double condition. En
effet, les actes interdits dans cet article ne sont susceptibles de poursuites
que lorsqu'ils sont accomplis par un tiers afin de désigner des produits
ou services non pas identiques mais seulement similaires
à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque
usurpée.
Cette condition ne joue évidemment pas pour l'imitation
ainsi que l'usage d'une marque imitée au sens de l'article 23 car ces
actes sont répréhensibles indifféremment du
caractère identique ou similaire des produits ou services en
question.
A la condition d'employer la marque enregistrée pour
des produits ou services similaires, s'ajoute l'exigence d'un risque de
confusion dans l'esprit du public comme deuxième condition
nécessaire à la constitution du délit de
contrefaçon au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001.
Ainsi, tombe sous la qualification de contrefaçon
par confusion,1 l'exercice non autorisé d'un
quelconque droit sur une marque enregistrée pour des objets similaires
tout en créant une confusion dans l'esprit du public. ( Chapitre
2 )
Peuvent aussi être considérés comme
délits de contrefaçon au sens de l'article 52 de la loi
n°36-2001, des actes tels que la vente, la mise en vente, la fourniture,
l'offre de fournir ou encore la détention sans motif légitime de
marchandises revêtues d'une marque contrefaite. Bien que l'article 44 ne
renvoi pas à ces actes, ces faits incriminés par l'article 52
n'échappent pas à la qualification de contrefaçon car ce
sont des formes particulières d'usage et d'exploitation
illégitime de la marque.
Toutefois, ces actes ne sont punissables au sens de l'article
52 que lorsqu'ils ont été commis intentionnellement. Ainsi, en
raison de l'exigence de cet élément moral, on peut
légitimement les qualifier d'actes intentionnels de contrefaçon
de marque. (Chapitre 3)
Chapitre 1 : Les actes de contrefaçon
érigés en délits
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