Paragraphe 3 : La localisation temporelle de l'acte de
contrefaçon
Au sens de l'article 6 alinéa 2 de la loi du 17 avril
2001, l'enregistrement de la marque produit ses effets à compter de la
date du dépôt de la demande, et ce, pour une période de dix
ans indéfiniment renouvelable. Cet article est particulièrement
important car il nous permet de déterminer la période de temps
tout au long de laquelle l'acte de contrefaçon pourra intervenir.
Ainsi, la protection décennale commence depuis la date
du dépôt car c'est à cette date que la marque est
réputée naître. Néanmoins, on a vu que
l'opposabilité des droits sur la marque par rapport aux tiers ne
commence qu'à partir de la date de la publication 1 de la
demande d'enregistrement, car l'acte de dépôt est occulte et ne
permet en aucune manière de porter à la connaissance des tiers
l'existence de la marque nouvellement déposée.
C'est donc à partir de la date de la publication de la
demande d'enregistrement que naisse le droit de poursuivre en
contrefaçon tout atteinte portée aux droits
conférés par l'enregistrement de la marque.
Cette position se trouve encore confirmée par l'article
45 de la loi n°36-2001 qui pose la règle selon laquelle «
ne peuvent être considérés comme ayant porté
atteinte aux droits attachés à une marque, les faits
antérieurs à la publication de la demande d'enregistrement de
cette marque. Cependant, si le déposant notifie au présumé
contrefacteur une copie de la demande d'enregistrement, les faits
postérieurs à cette notification peuvent être
constatés et poursuivis ».
A défaut de notification, les faits de contrefaçon
ne peuvent être, donc, ni constatés ni poursuivis avant que la
demande d'enregistrement ne soit publiée.
Sachant que tout dépôt de marque confère
à son titulaire un droit de propriété qui dure dix ans
selon l'article 6, il s'ensuit que les droits sur la marque ne peuvent faire
l'objet d'une atteinte constitutive de contrefaçon de marque que dans
limites de cette période de dix ans car c'est au cours de cette
période seulement que le propriétaire de la marque
bénéficie des effets de l'enregistrement en terme
d'exclusivité des droits ainsi que leur protection.
Une fois que la période de protection légale arrive
à terme, la marque perd son support juridique, ainsi, son titulaire
n'aura plus de droit à faire valoir sur la base de la loi des
marques.
1 Voir supra. P. 40 et 41.
En conséquence, la marque devient res nullius
et c'est alors qu'un tiers pourra l'enregistrer pour son propre compte à
moins que le propriétaire ne procède, en temps utile, au
renouvellement de l'enregistrement de la marque pour une autre période
de dix ans et conformément aux conditions prescrites à cet effet
par l'article 16 de la loi n°36-2001.
A défaut de renouvellement, l'enregistrement de la
marque perd sa validité ainsi que les droits exclusifs qui en
découlent, ceci implique qu'il n'y aura plus de droit privatif de
propriété à contredire ou à violer.
Ainsi, la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 relative
à la protection des marques ne pourra plus s'appliquer et par voie de
conséquence la contrefaçon ne pourra plus être retenue car
le droit auquel elle est censée porter atteinte n'existe plus.
En conclusion, on note que le caractère illégal
de l'atteinte portée aux droits du titulaire de la marque par l'acte de
contrefaçon tient à deux causes, la première est relative
au fait que l'acte incriminé se réalise sans l'autorisation du
propriétaire de la marque ni même de la loi, on a vu aussi que
l'illégalité peut provenir du dépassement des
prérogatives consenties par le propriétaire de la marque.
Quant à la deuxième cause, elle s'explique par
le fait que l'acte de contrefaçon se localise nécessairement sur
le terrain prohibé créé par le monopole sur la marque,
c'est en effet une atteinte aux droits sur la marque dans les limites de sa
spécialité, sur une aire géographique où ces droits
sont reconnus et opposables et enfin c'est une atteinte qui intervient
forcément à un moment où l'enregistrement de la marque
produit encore ses effets dans le temps.
En d'autres termes la contrefaçon n'est possible que dans
la mesure où le droit sur la marque existe en substance, dans le temps
et dans l'espace.
Etant une atteinte à un droit privatif de
propriété, la contrefaçon est érigée en
délit aussi bien au plan civil que pénal conformément
à l'article 44 al 1.
Afin de pouvoir cerner les contours de ce délit, il
nous est nécessaire de définir en quoi consiste
matériellement l'atteinte constitutive de la contrefaçon de
marque, ainsi se pose la question de la détermination des manifestations
et des modalités d'intervention de l'acte de contrefaçon.
S'agissant des actes par lesquels elle se manifeste, la loi
n°36-2001 qualifie de contrefaçon des actes tels que la
reproduction, l'usage, l'imitation, l'apposition ou la suppression de la marque
en violation des droits conférés par l'enregistrement et des
interdictions qui en découlent.
Ainsi, et en raison de l'approche analytique adoptée
par le législateur tunisien, on examinera distinctement les
différents actes érigés en délits de
contrefaçon tels que prévus par la loi du 17 avril 2001.
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