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L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie

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par Kaïs Berrjab
Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004
  

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Paragraphe 3 : La déchéance des droits sur la marque

Une fois que la marque est enregistrée, le propriétaire voit la persistance de son droit sur la marque subordonnée au respect de certaines obligations dont le non-respect est sanctionné au sens de la loi n°36-2001 par la déchéance des droits sur la marque.

La déchéance, selon l'article 35, est prononcée par le juge suite à une demande formulée par toute personne intéressée que ce soit à titre principal ou reconventionnel, c'est dire qu'elle ne joue pas de plein droit. Ainsi, toute marque demeure opposable aux tiers jusqu'à ce que son titulaire soit déchu de ses droits par une décision de justice.

La sanction de déchéance est une sanction particulièrement grave compte tenu de son effet absolu. Une fois déchu, le propriétaire de la marque se trouve dépouillé de ses droits et c'est alors qu'il ne sera plus admis à agir utilement en contrefaçon. Quant à la marque, elle devient res nullius, et donc susceptible d'appropriation par tout intéressé.

1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1089, p. 630.

Par ailleurs, on note que le législateur a placé la déchéance sur le même pied que la nullité tant sur le plan de son effet absolu que sur celui de son étendue qui peut être partiel ou total selon qu'il touche tout ou partie des produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée.

D'après les articles 34 et 36 de la loi du 17 avril 2001, on constate que le législateur frappe par la déchéance le propriétaire de la marque qui oppose son inertie face à trois obligations de faire. En effet, encoure la déchéance, le propriétaire qui n'exploite pas sa marque (A) ainsi que celui qui en fait d'elle un usage de manière à la rendre déceptive (B) ou usuelle (C).

-A- La déchéance pour défaut d'exploitation de la marque :

Sous l'empire du décret de 1889, ce type de déchéance n'avait pas de raison d'être car il suffisait à l'intéressé d'exploiter la marque pour en acquérir la propriété ou encore l'enregistrer pour en revendiquer la propriété exclusive sans pour autant avoir à l'exploiter obligatoirement. Sur la base d'un tel régime, le propriétaire de la marque pouvait conserver son droit grâce au renouvellement du dépôt, alors même qu'il n'a jamais exploité la marque.

Avec la loi n°36-2001, l'exploitation de la marque a regagné d'intérêt puisqu'elle pèse en tant qu'obligation sur le propriétaire. En effet, il n'y a aucune raison à reconnaître perpétuellement un monopole légal sur une marque qui n'est même pas exploité car « La marque n'est pas un signe pris en lui-même : c'est un signe pris dans son application à des produits ou à des services, et dans la fonction de les désigner en référence à leur origine. Or la marque ne se réalise que par l'usage qui en est fait. Une marque non-exploitée n'exerce pas la fonction qui est la sienne ; Par conséquent elle cesse en vérité d'être une marque, au sens juridique et économique du mot ».1

Conformément à ses engagements internationaux,2 le législateur tunisien a entouré la déchéance de garde-fous, en ce sens, tout en retenant l'exception de juste motif, la loi n°36-2001 subordonne la déchéance pour défaut d'exploitation à plusieurs conditions.

En effet, le titulaire de la marque peut invoquer un juste motif afin d'éviter la sanction de la déchéance. Bien qu'il ne soit pas définit dans l'article 34 al, le juste motif s'entend, au sens de l'article 19 de l'accord ADPIC, de toutes « circonstances indépendantes de la volonté du titulaire de la marque qui constituent un obstacle à l'usage de la marque, par exemple des restrictions à l'importation ou autres prescriptions des pouvoirs publics visant les produits ou les services protégés par la marque». Bien évidement, il revient au juge d'apprécier la justesse du motif susceptible d'exonérer le propriétaire de la sanction de déchéance.

Concernant la période de non-usage après laquelle la déchéance pourra être retenue, elle est fixée à cinq ans selon l'article 34. Par ailleurs, au sens de l'alinéa 3 du même article, la déchéance pour défaut d'exploitation ne peut être invoquée à l'encontre d'une marque qui a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux, il est donc indispensable que la durée de non- exploitation s'étale d'une manière ininterrompue pendant cinq ans.

1- MATHELY (P): op. cit. p. 243.

2 Conformément à l'article 5-C-1 de la Convention d'Union de Paris, « L'enregistrement ne pourra être annulé qu'après un délai équitable et si l'intéressé ne justifie pas des causes de son inaction ». Dans le même ordre d'idée, l'accord sur les ADPIC dans son article 19 ordonne aux états signataires de subordonner la radiation de l'enregistrement à l'écoulement d'une « période ininterrompue de non-usage d'au moins trois ans, à moins que le titulaire de la marque ne donne des raisons valables reposant sur l'existence d'obstacles à un tel usage ».

Toutefois, l'article 34 al. 2 ne compte sauver de la déchéance que la marque ayant fait l'objet d'une exploitation sérieuse du même ordre que les exemples qu'il cite à titre indicatif.

Il est à noter que l'article 34 al. 4 n'admet pas le caractère sérieux de l'usage entrepris dans les trois mois précédent la présentation de la demande de déchéance car un tel usage dans cette période suspecte tend manifestement à frauder la sanction de la déchéance.

Par ailleurs, au terme de l'article 34 al. 3, le décompte de la période de non-exploitation de cinq ans commence à partir du jour de la présentation de la demande de déchéance.

Néanmoins, il est une situation intéressante à envisager, il s'agit en effet de la demande de déchéance d'une marque enregistrée depuis cinq ans et qui n'a jamais été exploitée, dans ce cas, les délais commenceront-ils à courir à partir de la date du dépôt ou de la date de la publication de l'enregistrement de la marque ?

Il semble opportun d'adopter la date de publication de l'enregistrement de la marque comme point de repère car c'est à cette date là -et non pas à celle du dépôt-1 que les tiers, y compris le demandeur en déchéance, seront informés de l'existence de la marque.

En définitive, si le titulaire de la marque objet d'une demande en déchéance ne parvient pas à prouver par tous les moyens une exploitation propre à éviter la sanction, le tribunal prononcera alors la déchéance avec un effet absolu. Par ailleurs, la déchéance prend effet à partir de la date de l'expiration du délai de cinq ans conformément à l'article 35 alinéa 3.

Toutefois, la perte des droits ne sera que partielle lorsque la déchéance est retenue pour certains produits ou services à l'exclusion des autres pour lesquels la marque a été enregistrée, ainsi, la marque demeure opposable aux tiers pour les produits non concernés par la déchéance.

Par ailleurs, tant que la marque n'a pas été enregistrée par un tiers, le propriétaire déchu pourra alors utilement l'exploiter et l'enregistrer à nouveau pour son propre compte.

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