-B- La déchéance de la marque devenue
déceptive :
Si l'adoption d'un signe propre à induire le public en
erreur se trouve prohibée au moment de l'enregistrement de la marque,
cette interdiction joue aussi lors de l'exploitation de la marque si cette
dernière est devenue trompeuse.
Au sens de l'article 36 (b), une marque devient trompeuse si
-suite à l'usage qui en est fait par le
propriétaire ou avec son consentement- elle risque
d'induire le public en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la
provenance géographique du produit ou du service. A contrario, l'article
36 (b) semble créer à la charge du propriétaire une
obligation d'exploiter la marque de manière à ce qu'elle ne
devienne pas trompeuse, ainsi, le non-respect d'une telle obligation se trouve
sanctionné par la déchéance des droits sur la marque.
Etant donné qu'elle ne se présume pas, il revient
au juge de prononcer la déchéance une fois ses deux conditions
cumulatives sont réunies. Par ailleurs, l'appréciation de la
déceptivité de la
1 Outre les risques financiers qu'encoure le
déposant, il serait périlleux de s'aventurer à exploiter
une marque dès son dépôt car il est toujours possible que
la demande soit rejetée, qu'un tiers s'y oppose ou revendique la
propriété de la marque ou encore demande l'annulation de
l`enregistrement.
marque est une question de fait qui relève du pouvoir
discrétionnaire du juge, il incombe donc au demandeur de rapporter la
preuve, par tous les moyens, que la marque est devenue en
fait propre à induire le public en erreur.
Le caractère trompeur ne doit pas être
intrinsèque à la marque car dans ce cas elle encoure la
nullité, il doit donc résulter de l'usage que l'on fait de la
marque. En effet, il arrive qu'une marque laisse entendre garantir une
qualité certaine 1 ou une origine géographique
notoire, une telle marque n'est pas blâmable si le produit qu'elle couvre
renferme de telles qualités.
Par contre, s'il est démontré que suite à
l'usage qui en est fait, la marque ne couvre plus des produits de la
qualité qu'elle prétend garantir ou si l'élément
géographique qu'elle évoque ne coïncide plus à
l'origine des produits, le propriétaire encourra alors la
déchéance si la marque est devenue propre à induire le
public en erreur.
Il semble, toutefois, que le changement des conditions de
l'exploitation de la marque, qu'il soit frauduleux ou non, n'induit pas
nécessairement le public en erreur, néanmoins, il suffit au
demandeur en déchéance de prouver que la marque est devenue, au
sens de l'article 36, trompeuse aux yeux du public sans avoir à prouver
une quelconque intention frauduleuse.
Par ailleurs, la déchéance peut être
invoquée à l'encontre d'une exploitation consentie par le
propriétaire de la marque, il peut s'agir de l'usage déceptif
entrepris par un licencié ou encore par le nouvel acquéreur de la
marque.
Concernant le volet procédural de la
déchéance d'une marque devenue trompeuse, en l'absence de
dispositions spéciales en ce sens, il semble nécessaire d'en
« déduire que certaines des règles posées
pour la déchéance pour défaut d'exploitation pourront
s'appliquer, par analogie ».2
Ainsi, on doit admettre que tout intéressé peut
invoquer cette déchéance, qu'elle peut être partielle et
qu'une fois prononcée, elle a un effet absolu. Toutefois, l'analogie
avec les articles 34 et 35 devient inutile s'agissant de la date à
partir de laquelle la déchéance prend effet. Il est
préférable donc que le législateur intervienne pour
combler cette lacune.
En France, sur la base d'un l'article similaire,3
la jurisprudence et la doctrine ont convenu à faire partir la
déchéance de la date de la demande.
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