-C- L'inscription au registre national des marques :
L'inscription au registre national des marques est la
dernière étape du processus de l'enregistrement de la marque.
Cette inscription fera l'objet d'une publication dans le bulletin mensuel
officiel de l'I.NNORPI (MOUWASSAFAT) durant les douze mois
suivant la date du dépôt, le tout moyennant le paiement des
redevances prescrites.
L'accomplissement de toutes ces formalités permet au
déposant d'obtenir un certificat d'enregistrement de la marque qui lui
servira de véritable titre de propriété sur la marque pour
les produits et services qu'il a désignés lors du
dépôt.
Il est à noter que l'admission d'une marque à
l'enregistrement ne certifie pas sa validité au fond et ce pour deux
raisons. En premier lieu, l'I.NNORPI ne procède qu'à un examen
incomplet du moment qu'il ne vérifie pas la nouveauté de la
marque, d'autant plus que son appréciation de la validité au sens
des articles 2, 3 et 4 n'a point l'autorité de la chose jugée.
En second lieu, la loi permet sous certaines conditions de
contester aussi bien, la validité de la marque à travers une
action en nullité au sens de l'article 33, ainsi que la validité
de l'enregistrement par le biais d'une action en revendication au sens de
l'article 15 de la loi n°36- 2001 afin de récupérer
le droit sur la marque usurpée par un dépôt frauduleux
1 ou obtenu en violation d'une obligation légale ou
conventionnelle.
L'action en revendication se prescrit par trois ans à
compter de la date de publication de l'enregistrement à moins que le
déposant ne soit de mauvaise foi, dans ce cas, la demande de la
radiation de la marque sera toujours recevable en dehors de tout
délai.
Au sujet de l'indifférence des délais relatifs
à l'action en revendication en cas de dépôt frauduleux ou
de mauvaise foi, on peut légitimement s'interroger sur l'admission du
propriétaire légitime de la marque à invoquer ses droits
après l'écoulement d'une période de quinze ans à
compter de la date du dépôt frauduleux.
L'article 402 du code des obligations et des contrats, droit
commun de prescription extinctive, dispose que « toutes les
actions qui naissent d'une obligation sont prescrites par quinze ans, sauf les
exceptions ci-après et celles qui sont déterminées par la
loi dans les cas particuliers ».
Confirmée par l'article 115 al. 2 du C.O.C relatif
à la prescription de l'action en responsabilité civile en
matière délictuelle, la règle générale de
l'article 402 s'oppose en principe à la pérennité de
l'action en revendication peu importe que la faute sur laquelle se base
l'action soit d'origine délictuelle ou contractuelle.
Par ailleurs, la loi n°36-2001 ne peut déroger au
droit commun que dans la mesure où elle fixe un délai
déterminé qui soit inférieur ou supérieur à
celui prescrit par l'article 402 C.O.C. Or, l'article 15 2 de la loi
n°36-2001 ne prévoit aucun délai en ce sens.
1 Sur les modalités du dépôt frauduleux,
voir CA, Tunis, arrêt n°83724 du 6 février 2002. (non
publié) voir annexe n°4 ; CA, Tunis, arrêt n° 60 537 du
16 février 2000. Voir annexe n°5. Sur la recevabilité de
l'action en revendication de la marque enregistrée frauduleusement voir,
CA, Tunis arrêt n°2703 du 11 avril 2000, voir annexe n°6. Dans
cet arrêt la cour a mis en oeuvre la règle de
l'indifférence des délais du recours en annulation à
l'égard d'un dépôt de marque obtenu frauduleusement.
2 L'article 15 alinéa 2 est ainsi
formulé : « à moins que le déposant ne soit de
mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à
compter de la date de publication de l'enregistrement ».
De même, on peut estimer que l'imprescriptibilité
de l'action en revendication contredit directement l'esprit du principe
général du droit édicté par l'article 560 C.O.C
selon lequel « en principe, chacun est présumé libre
de toute obligation jusqu'à preuve du contraire ».
Ceci dit, si le principe est que l'on est libre de toute
obligation, l'exception serait donc que l'on soit tenu par une obligation qui
n'est jamais présumée ni éternelle. Or, si l'action en
revendication demeure ouverte à tout jamais, le déposant de
mauvaise foi demeurera indéfiniment débiteur de l'obligation de
restituer la marque à son légitime propriétaire
et c'est justement là où l'imprescriptibilité de l'action
en revendication contredit l'article 560 C.O.C.1
Ainsi et afin de préserver la sécurité
des situations juridiques, il semble opportun d'appliquer l'article 402 C.O.C
à la prescription de l'action en revendication du dépôt
frauduleux de marque.
On note enfin qu'une « Exception est
apportée à la règle, selon laquelle l `enregistrement est
seul constitutif du droit sur la marque. Cette exception
bénéficie à la marque, qui est notoire
».2 La protection renforcée de la marque notoire
3 est due en raison de sa seule notoriété qui se
substitue à l'exigence de l `enregistrement. Cette protection est
établie en droit conventionnel des marques par l'article 6 Bis de la
Convention d'Union de Paris.
Concernant l'inobservation des conditions de forme, la seule
sanction prévue dans la loi n°36-2001 est celle du rejet de la
demande d'enregistrement, bien entendu, l'appréciation de
l'irrégularité revient à l'I.NNORPI sur la base des
conditions objectives prévues par la loi.
Selon l'article 8, le rejet est la sanction qui frappe la
demande d'enregistrement incomplète et qui n'a pas fait l'objet d'une
régularisation dans les délais prescrits à cet effet,
cependant, « Lorsque les motifs de rejet n'affectent la demande
d'enregistrement qu'en partie, il n'est procédé qu'à son
rejet partiel », du reste, le dépôt sera reconnu
valable. A ce stade, la question qui se pose est celle de savoir quels sont les
motifs du rejet partiel ?
La réponse n'est pas fournie ni par la loi
n°36-2001 ni dans le décret n°2001-1603 du 11 juillet 2001.
Ainsi, la détermination de ces motifs semble relever du pouvoir
d'appréciation de l'I.NNORPI, néanmoins, « s'il
s'agit de mentions substantielles déterminant l'étendue des
droits du déposant, les tiers s'en tiendront alors à ce qui a
été réellement enregistré ». 4
Sur la base de tous ces développements, on constate que
la constitution d'une marque valable est une opération complexe et
soumise à de multiples conditions de fond et de forme.
Si l'on a insisté sur l'importance capitale du respect
de ces conditions de validité, c'est parce que, seule une marque valable
permet à son titulaire de se prévaloir de la protection
renforcée qu'accorde le droit des marques. Mieux encore, la
contrefaçon n'est qualifiée comme telle que parce qu'elle
constitue une atteinte aux droits conférés par l'enregistrement
d'une marque valable.
Par ailleurs, pour se prévaloir utilement de la
protection accordée par la loi, il ne suffit pas que la marque soit
valable, encore faut-il que les droits qui s'y rattachent demeurent opposables
aux tiers.
1 Le texte arabe de l'article 560 C.O.C semble plus
explicite que le texte français dans la mesure où il
évoque la présomption du caractère indemne, sain ou intact
du patrimoine.
2 MATHELY (P) : « Le nouveau droit
français des marques » éditions J.N.A. 1994. p. 157.
3 Concernant la définition et le régime
juridique de la marque notoire, voir infra. P. 65 et sui.
4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
n°1061, p. 612.
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