5.8 Expérience 10
Jusqu'à présent, les résultats
obtenus sur les différentes tâches de poursuite continue
réalisées dans le Chapitre 4, ne parviennent pas à
mettre en évidence un apprentissage implicite du segment
répété. A contrario, toutes les expériences
réalisées dans le présent chapitre, et utilisant une
tâche de TRS plus ou moins modifiée, révèlent
clairement l'existence d'un tel apprentissage. En effet, l'introduction de
diverses modifications dans une tâche de TRS standard (introduction
de séquences aléatoires, changement de
périphérique, ajout d'une contrainte de précision,
déplacement « autonome » de la cible) n'empêchent pas
l'apparition d'un apprentissage implicite de la séquence
répétée.
L'objectif de cette expérience est de comprendre si
l'échec à obtenir un apprentissage moteur implicite dans les
tâches de poursuite continue relève d'un problème
d'apprentissage
en tant que tel, ou plutôt d'un problème de
performance.
En supposant qu'il s'agisse d'un problème d'apprentissage,
il est possible de penser que
la réalisation d'une tâche de poursuite continue
implique un volume d'informations à traiter
qui est bien plus élevé que celui
impliqué dans une tâche discrète de TRS. Par
conséquent, cela rendrait la détection et l'extraction de
l'information pertinente bien plus difficiles à effectuer dans ce
type de situations continues. Pour pallier cette difficulté, la
solution envisagée dans cette dernière expérience est de
changer les conditions expérimentales de la tâche de poursuite
continue afin de faciliter la détection de la séquence
répétée. Pour cela, les sujets réalisant la
tâche de poursuite vont uniquement pratiquer sur une seule et
même séquence qui se répète tout au long de
l'expérience (comme c'est le cas dans une tâche de TRS
classique). En plus, ils vont être explicitement informés,
dès le début de la tâche, de la présence de la
séquence répétée, afin de focaliser encore
plus leur attention sur cette régularité.
Parallèlement, la même démarche est appliquée
à la tâche de TRS : les sujets sont informés de la
présence d'une régularité concernant l'apparition de la
cible sur l'écran.
Une autre possibilité est de supposer que cet échec
à obtenir un apprentissage implicite dans les tâches de poursuite
continue relève plus d'un problème de performance. Dans ce
cas,
si nous obtenons un apprentissage de la séquence
répétée dans la tâche de TRS mais pas dans
la tâche de poursuite, ceci indique que le fait d'informer
explicitement les sujets de l'existence
d'une répétition n'est pas bénéfique
dans le cas d'une tâche continue. Il est donc possible de
penser que l'échec à obtenir un apprentissage
implicite dans les tâches continues reflète plus
un problème de performance ou de mesure
de cette performance qu'un problème d'apprentissage. Autrement
dit, il est tout à fait possible que les sujets
perçoivent les régularités mais qu'elles ne leur
servent à rien dans la performance. Au contraire, si nous
obtenons un apprentissage de la séquence répétée
aussi bien en discret qu'en continu lorsque
les sujets sont au courant de la présence d'une
répétition, cela signifie que l'information donnée
aux sujets leur a permis de détecter et d'apprendre les
régularités. Ainsi, l'absence d'apprentissage dans les
tâches continues réalisées antérieurement
indique que, sans information explicite, les sujets ne semblent pas
capables d'extraire l'information pertinente leur permettant de repérer
la régularité.
Nous allons donc de comparer l'évolution des performances
obtenues par les sujets dans
ces deux conditions expérimentales. De plus, par
souci méthodologique, deux groupes contrôle
supplémentaires sont créés. Les sujets du premier groupe
de contrôle réalisent une tâche de poursuite continue sur
des segments totalement aléatoires, alors que ceux du second groupe
effectuent une tâche de TRS sur des séquences
aléatoires.
Au final, cette expérience va nous permettre de comparer
les performances des sujets dans les quatre situations suivantes :
É tâche continue, comprenant un même segment
répété, pour laquelle les sujets sont informés de
sa présence,
É tâche continue, comprenant uniquement des
segments aléatoires différents les uns des autres, pour laquelle
aucune information n'est donnée aux sujets,
É tâche discrète, comprenant une même
séquence répétée, pour laquelle les sujets sont
informés de sa présence,
É tâche discrète, comprenant uniquement des
séquences aléatoires différentes les unes des autres, pour
laquelle aucune information n'est donnée aux sujets.
5.8.1 Méthode
Sujets
Vingt-huit sujets (22 filles et 6 garçons) inscrits en
première année de Psychologie ont participé volontairement
à cette expérience. Aucun de ces sujets n'avait participé
aux études antérieures. Tous avaient une vision normale ou
parfaitement corrigée.
Les participants sont aléatoirement répartis en 2
groupes de 14 sujets, selon la nature des informations qui leur sont
données lors de l'exécution des taches de poursuite et de TRS.
Matériel
Pour les deux tâches discrètes et continues
proposées aux sujets, la présentation des stimuli,
l'enregistrement des données (temps sur cible dans les deux cas) sont
implémentés
sur un ordinateur de type PC équipé d'un
écran couleur de « 14 pouces » avec une résolution
de 1024 x 768 pixels.
Concernant la tâche de poursuite de cible, le
matériel est identique à celui employé lors
de l'expérience 1 (cf. paragraphe 4.1, page 47). Un
logiciel est chargé de calculer la position
de la cible, de l'afficher sur l'écran et d'enregistrer
les mouvements du pointeur de la souris à une fréquence de 200
Hz.
Concernant la tâche de TRS, le matériel est
similaire à celui utilisé lors de l'expérience
8 (cf. paragraphe 5.6, page 93). Quatre carrés sont
positionnés horizontalement au milieu de l'écran d'ordinateur et
restent affichés tout au long de l'expérience. La cible peut
apparaître
au milieu de chaque carré pendant un temps
prédéfini de 600ms, avant de disparaître pour
réapparaître ensuite à une nouvelle position,
et ceci à un rythme indépendant du comportement du
sujet. Un programme informatique est chargé d'afficher la cible, de
mesurer
le temps sur cible et d'enregistrer les données pour un
traitement ultérieur.
Stimuli
Concernant la tâche de TRS, des séquences
comprenant 12 essais sont générées automatiquement
par le programme en reprenant la plupart des critères
utilisés par Shanks (2003). En effet, chaque position de la cible
parmi les quatre possibles apparaît trois fois dans
la séquence de 12 essais. De plus, toutes les
transitions possibles sont représentées une seule fois (par
exemple 1-2, 1-3, etc.). Par contre, les transitions de second ordre
diffèrent toutes pour deux séquences distinctes. A titre
d'illustration, dans les séquences « 1 - 3 - 4 - 3 - 1 - 2 -
3 - 2 - 4 - 2 - 1 - 4 » et « 4 - 3 - 2 - 1 - 2 - 4 -
1 - 3 - 1 - 4 - 2 - 3 », nous constatons que dans la première
séquence, « 1 - 3 » est suivi par « 4 » tandis que
dans l'autre séquence « 1 - 3 » est suivi par « 1
».
Les stimuli utilisés pour la tâche de poursuite
continue sont générés à partir de la série
sinus cosinus employée dans les expériences décrites dans
le Chapitre 4. Cependant, au lieu d'employer des essais composés de 3
segments (c'est-à-dire un segment répété
entouré par deux segments aléatoires), nous utilisons
uniquement un seul segment (soit aléatoire, soit
répété) par essai. Afin de faciliter l'enchaînement
des essais et de ne pas faire apparaître de discontinuités, chaque
essai débute et se termine toujours au centre de l'écran (en se
servant
ici de la période entière de la fonction sinus
cosinus).
Procédure
L'expérience débute par une tâche de
poursuite continue comprenant 14 blocs de 4
segments, d'une durée de 9 secondes par segment. Les
participants doivent poursuivre la cible
qui se déplace horizontalement sur l'écran
au moyen de la souris. Lorsqu'ils positionnent correctement le pointeur
de souris à l'intérieur de la cible, celle-ci change de
couleur et devient rouge. Au sein d'un bloc, les quatre segments
s'enchaînent sans interruption. Une pause, autogérée par
les sujets, sépare l'ensemble des blocs. A la fin de cette
première tâche,
les sujets sont soumis à un test de
reconnaissance comprenant 6 segments (3 déjà vus et 3
complètement nouveaux). Ils doivent indiquer, sur une
échelle de 0 à 9, leur degré de reconnaissance.
Par la suite, ces mêmes sujets réalisent une
tâche de TRS comprenant 14 blocs de 4
séquences de 12 essais. Durant un essai, la cible reste
affichée à l'écran pendant une durée
prédéfinie de 600 ms, puis disparaît, avant de
réapparaître 200 ms plus tard dans une autre position. Il s'agit,
pour les sujets, de réagir aussi rapidement que possible à
l'apparition de la cible sur l'écran en positionnant le pointeur de
souris à l'intérieur de celle-ci. Là aussi, la cible
change de couleur dès que le pointeur de souris est correctement
positionné. Les blocs de 48 essais sont séparés les uns
des autres par une pause gérée par les sujets. Après avoir
réalisé cette tâche de TRS, un test de
reconnaissance composé de 6 séquences de 12 essais (3
séquences vues et 3 séquences non vues) est proposé aux
participants.
Afin de tester l'impact de l'information donnée aux
sujets, deux groupes distincts sont constitués :
É Dans le premier groupe, les sujets
réalisent une tâche de poursuite continue comprenant
uniquement des segments aléatoires pendant les 14 blocs de pratique.
Ensuite, ils effectuent une tâche de TRS composée de la
répétition d'une même séquence, dont ils sont
explicitement informés. Cette séquence est
présentée du bloc
1 au bloc 12. Au bloc 13 (bloc de transfert), une nouvelle
séquence est présentée. Finalement, la séquence
répétée est réintroduite lors du dernier bloc (bloc
14).
É Inversement, les sujets du second groupe
effectuent tout d'abord la tâche de poursuite continue
composée, cette fois, d'un segment répété
dont ils connaissent l'existence dès le début. Ce segment
répété est présenté aux sujets pendant les
12 premiers blocs. Il est remplacé au bloc 13 par un segment
aléatoire avant d'être réutilisé au bloc 14. Dans
un second temps, les participants réalisent la tâche de TRS
ne comprenant ici que des séquences aléatoires
différentes, présentées pendant les
14 blocs de l'expérience.
Dans la suite de ce travail, nous parlerons de «
condition aléatoire » pour se référer à toute
tâche (poursuite continue ou TRS) s'effectuant sur des segments ou
séquences aléatoires pour lesquels les sujets ne
reçoivent aucune information. A l'opposé, nous emploierons
le terme « condition répétée » lorsqu'il s'agit
d'une tâche s'exécutant sur un même segment ou
sur une même séquence répétée
pour lesquels les sujets ont été informés de la
présence de cette répétition.
Le tableau ci-dessous résume la procédure
employée dans cette expérience.
Condition continue
|
Groupe 1
|
Groupe 2
|
Non informé
Bloc 1 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 2 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 3 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 4 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 5 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 6 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 7 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 8 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 9 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 10 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 11 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 12 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Test de Reconnaissance
3 segments vus et 3 segments non vus
Informé
Bloc 1 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 2 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 3 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 4 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 5 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 6 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 7 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 8 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 9 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 10 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 11 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 12 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Répété Répété
Répété Répété
Test de Reconnaissance
3 séquences vues et 3 séquences non vues
|
Informé
Bloc 1 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 2 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 3 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 4 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 5 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 6 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 7 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 8 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 9 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 10 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 11 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 12 Répété Répété
Répété Répété
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Répété Répété
Répété Répété
Test de Reconnaissance
3 segments vus et 3 segments non vus
Non informé
Bloc 1 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 2 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 3 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 4 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 5 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 6 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 7 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 8 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 9 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 10 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 11 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 12 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Bloc 14 Aléatoire Aléatoire Aléatoire
Aléatoire
Test de Reconnaissance
3 séquences vues et 3 séquences non vues
|
Condition discrète
|
5.8.2 Résultats
Jusqu'à présent, dans les tâches continues
réalisées antérieurement, l'apprentissage du segment
répété était mesuré au moyen d'analyses
statistiques portant sur une comparaison de performances entre segments
répétés et aléatoires au fil de la pratique.
Dans ce cas, l'apprentissage doit se traduire par une évolution
différente des performances sur les deux
types de segments. A l'opposé, dans les
tâches de TRS présentées précédemment,
cet
apprentissage était mesuré en introduisant
un bloc de transfert aléatoire après une longue phase de
pratique de la séquence répétée. Ici,
l'apprentissage se manifeste par une diminution drastique des performances sur
le bloc de transfert comparativement aux blocs adjacents.
L'expérience réalisée ci-dessus
nous permet de comparer ces deux mesures de l'apprentissage au
sein de chaque tâche. Premièrement, ceci nous
conduit à évaluer l'apprentissage dans une tâche de
TRS en comparant l'évolution des performances sur les deux types
de séquences présentés tout au long de la phase de
pratique. Deuxièmement, cela nous offre également la
possibilité de mesurer l'apprentissage dans la tâche de poursuite
en introduisant une séquence aléatoire de transfert.
Quelle que soit la tâche réalisée par
les sujets, la variable dépendante mesurée est le temps
sur cible. Dans le cas de la tâche de poursuite continue, le temps sur
cible est mesuré
sur toute la durée d'un segment
(c'est-à-dire 9 secondes). Concernant la tâche de TRS, la
durée d'apparition d'une cible à l'écran est de 600 ms. Le
temps sur cible correspond ici à la durée pendant laquelle le
pointeur de souris se trouve sur cette cible. De part la nature même des
tâches, on s'attend à ce que le temps sur cible soit plus long
pour la poursuite continue comparativement à la tâche de TRS.
Cependant, nous nous intéressons ici aux variations du temps sur cible
en fonction de la pratique et du transfert et de fait, la mesure absolue du
temps
sur cible n'est donc pas informative en tant que telle.
Phase de pratique pour la tâche de
poursuite
Une première analyse de variance (ANOVA) est
réalisée sur le temps sur cible, avec la variable Blocs (14)
comme facteur intra sujets, sur les données issues du groupe
de participants effectuant la tâche de poursuite dans la condition «
aléatoire ».
En observant la courbe de performance sur la Figure 5.6, nous
constatons qu'il n'existe aucune évolution majeure du temps sur cible au
fil des 14 blocs de pratique. Cette observation
est confirmée par une absence d'effet
significatif des blocs (F(13,169)=.91; p=.544). Ce résultat
s'explique naturellement par le fait que, dans cette condition
expérimentale, les sujets sont en permanence soumis à des stimuli
aléatoires et ne peuvent en aucun cas apprendre quoi
que ce soit. Dès lors, il est inutile de comparer les
résultats obtenus sur le bloc 13 de transfert
avec ceux obtenus sur les deux blocs 12 et 14 qui l'entourent.
6000
5500
Temps sur cible (ms)
5000
4500
4000
3500
3000
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13
b14
Blocs
Figure 5.6 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de poursuite continue, selon la condition
aléatoire, dans l'expérience 10.
A l'opposé, nous pouvons nous attendre à ce que les
sujets du second groupe, effectuant
la tâche de poursuite dans la condition «
répétée », obtiennent d'une part, des performances
croissantes tout au long de la phase de pratique, et d'autre part,
soient perturbés par l'introduction d'une séquence
aléatoire au bloc de transfert. Nous observons une telle
tendance sur la Figure 5.7 qui laisse apparaître une légère
amélioration des performances sur
les douze premiers blocs de pratique suivie d'une faible
diminution du temps sur cible sur le bloc de transfert. Les performances
augmentent à nouveau sur le dernier bloc, atteignant le niveau qu'elles
avaient sur le bloc 12.
Une ANOVA identique à la précédente (S14
* B14) est réalisée sur le temps sur cible pour ce groupe.
L'amélioration observée au fil de la pratique se confirme par la
présence d'un effet significatif des Blocs (F(13,169)=3.59; p<.001).
Ce résultat laisse penser qu'il existe un apprentissage de la
séquence répétée. Afin de s'en assurer, nous avons
réalisé une deuxième ANOVA avec la variable Blocs
(Bloc 13 de transfert vs Blocs 12-14 moyennés) comme
facteur intra sujets. Toutefois, malgré la tendance
observée, cette ANOVA échoue à atteindre
le seuil de significativité (F(1,13)=3.19; p=.097).
6000
5500
Temps sur cible (ms)
5000
4500
4000
3500
3000
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13
b14
Blocs
Figure 5.7 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de poursuite continue, selon la condition
répétée, dans l'expérience 10.
Ces résultats ne laissent pas apparaître un
apprentissage du segment répété dans la tâche
de poursuite continue en condition aléatoire, alors
qu'une tendance tend à se manifester en condition
répétée. Ainsi, la première méthode
d'évaluation de l'apprentissage ne donne pas de résultats
concluants. La deuxième méthode consistant à comparer les
performances des deux groupes de sujets tout au long des 12 blocs de
pratique nous conduit-elle à la même conclusion ?
La Figure 5.8 illustre l'évolution du temps sur cible au
fil des blocs, permettant ainsi de comparer les performances obtenues dans
les deux conditions expérimentales (répétée /
aléatoire). Premièrement, nous constatons, dans la condition
répétée, une faible amélioration des performances
au fil des 12 blocs de pratique, alors que les performances restent stables
dans la condition aléatoire. Deuxièmement, les temps sur cible
sont légèrement plus élevés lorsque les sujets
se trouvent dans la condition « répétée »
comparativement à la condition
« aléatoire ».
6000
5500
Aléatoire
Répété
Temps sur cible (ms)
5000
4500
4000
3500
3000
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12
Blocs
Figure 5.8 : Evolution du temps sur cible au fil des blocs de
pratique dans la tâche de poursuite
continue selon les conditions (répétée /
aléatoire) dans l'expérience 10.
Une ANOVA est réalisée avec les variables
Groupe (répété vs aléatoire) comme variable
inter sujets et sur les Blocs (12) comme variable intra sujets. L'existence
d'un effet significatif des blocs (F(11,286)=2.85, p<.001) confirme
l'amélioration des performances au
fil de la pratique. Cependant, l'analyse échoue
à atteindre le seuil de significativité aussi bien pour le
facteur Groupe (F(1,26)=1.42 ; p=.243) que pour l'interaction Groupe x
Blocs (F(11,286)=1.20; p=.283). Contrairement à nos attentes initiales,
nous ne pouvons donc pas conclure à l'existence d'un apprentissage du
segment répété, bien qu'il existe une tendance à
une évolution différente des performances selon la condition.
Test de reconnaissance pour la tâche de
poursuite
L'objectif de ce test est de comparer le degré de
reconnaissance des sujets sur différents segments qui leur sont
présentés. Dans chacune des deux conditions
expérimentales
(« aléatoire » et «
répétée »), trois segments déjà
pratiqués (vus) et trois nouveaux segments aléatoires (non vus)
sont présentés aux participants. Dans la condition «
répétée », les segments déjà vus
correspondent à l'unique segment qui a été
répété durant la phase de pratique. Dans l'autre
condition, les segments déjà vus sont en fait trois segments
aléatoires
différents tirés au hasard parmi l'ensemble des
segments aléatoires utilisés tout au long de la
phase de pratique (i.e. chacun de ces segments a donc
été vu une seule fois par les sujets).
Pour comparer le degré de reconnaissance
attribué aux différents segments, nous avons moyenné les
notes données aux trois segments vus et aux trois segments
aléatoires, ce qui nous permet de réaliser l'ANOVA suivante :
S14 * T2 avec S représentant le nombre de sujets
et T le type de segments avec deux modalités (vus vs
non vus). Cette analyse est effectuée sur
les deux groupes de sujets ayant participé à
l'expérience. Dans la condition « aléatoire », les deux
types de segments obtiennent des notes voisines de 5 (respectivement
5.11 pour les segments vus et 5.09 pour les non vus) alors que,
dans la condition « répétée », les notes
attribuées aux segments déjà vus sont largement
supérieures (8.02) à celles données aux segments non
vus (2.19). Ceci est illustré sur la Figure 5.9 ci-dessous.
Segments Vus
9 Segments Non vus
Degré de reconnaissance
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Aléatoire Répétée
Condition
Figure 5.9 : Degré de reconnaissance des
différents types de segments, dans les deux conditions
(répétée /
aléatoire) dans la tâche de poursuite continue.
Les barres d'erreurs représentent l'écart type de la
moyenne.
Ces observations sont confortées par
l'analyse statistique qui ne révèle aucune
différence significative entre les deux types de segments dans
la condition « aléatoire » (F(1,13)=.001; p=.973). A
contrario, il existe un effet significatif du type de segment pour les sujets
dans la condition « répétée » (F(1,13)=136.78;
p<.001).
Ces résultats prouvent que les sujets sont
parfaitement capables de reconnaître le
segment répété présenté
parmi d'autres segments puisqu'ils y attribuent des notes très
élevées. Cependant, nous nous trouvons face à un paradoxe,
puisque les résultats obtenus lors de la phase de pratique ne
révèlent aucun apprentissage du segment
répété, alors que ceux issus du test de reconnaissance
indiquent la présence de cet apprentissage. Ceci nous
amène donc à supposer que les régularités
sont bien perçues par les sujets (puisqu'elles sont reconnues)
mais qu'elles ne leur sont pas utiles pour améliorer significativement
leurs performances.
Phase de pratique pour la tâche de TRS
De manière identique aux analyses
réalisées précédemment pour la tâche de
poursuite continue, nous effectuons une première ANOVA avec le facteur
Blocs (14) comme variable intra sujets sur les données recueillies
pour les sujets effectuant la tâche de TRS dans la condition
« aléatoire ».
300
250
Temps sur cible (ms)
200
150
100
50
0
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14
Blocs
Figure 5.10 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de TRS, selon la condition
aléatoire, dans l'expérience 10.
La Figure 5.10 illustre l'évolution du temps sur
cible tout au long des 14 blocs constituant la phase de pratique,
dans la condition « aléatoire ». Nous n'observons
aucun
changement important des performances. Ce constat se
confirme avec une absence d'effet
significatif du facteur Blocs (F(13,169)=.75; p=.716) pour
les mêmes raisons que celles expliquées dans la tâche
précédente. Les sujets effectuant la tâche de TRS, dans la
condition
« aléatoire », sont incapables
d'accroître leurs performances tout au long de la phase de
pratique (le temps sur cible moyen est de 103.45 ms pour une cible
affichée pendant 600 ms à l'écran).
Un pattern de résultats opposés s'observe pour la
condition « répétée ». En effet, nous constatons
sur la Figure 5.11 une augmentation régulière du temps sur cible
du bloc 1 au bloc
12. L'introduction du bloc de transfert
entraîne une dégradation très importante des
performances. Finalement, le temps sur cible revient à un niveau plus
important sur le dernier
bloc, lorsque la séquence répétée est
à nouveau présentée aux sujets.
300
250
Temps sur cible (ms)
200
150
100
50
0
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14
Blocs
Figure 5.11 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des
blocs de pratique et du bloc de transfert
dans la tâche de TRS, selon la condition
répétée, dans l'expérience 10.
Une ANOVA identique à la précédente (S14 *
B14) vient confirmer ces observations par
la présence d'un effet significatif des blocs
(F(13,169)=11.31; p<.001). Partant d'un niveau initial de performances quasi
identique à celui observé dans la condition «
aléatoire » (temps
sur cible de 108.6 ms), le temps sur cible atteint son maximum
(271.7 ms) à la fin de la phase
de pratique, puis chute de manière drastique (119.7 ms)
sur le bloc de transfert pour retrouver
un niveau intermédiaire (177.2 ms) sur le dernier bloc.
Dans cette condition, l'apprentissage de la séquence
répétée par les sujets ne fait aucun doute, et il se
trouve confirmé par les résultats d'une seconde ANOVA
S14*B2 avec S représentant le nombre de sujets (14) et B
représentant les blocs (Bloc de transfert 13 vs moyenne des deux
blocs 12 et 14 adjacents). Un effet significatif du facteur Bloc est
présent (F(1,13)=25.80; p<.001), confirmant une différence de
performances sur le bloc de transfert (119.7 ms) comparativement aux blocs
adjacents (224.4 ms en moyenne).
Cette première méthode consistant à
introduire un bloc de transfert après une longue phase de
pratique laisse clairement apparaître l'existence d'un apprentissage de
la séquence répétée. Nous allons maintenant
vérifier si nous aboutissons aux mêmes conclusions en
comparant les performances des sujets tout au long des 12 blocs de pratique
dans les deux conditions « répétée » et «
aléatoire ».
300
Aléatoire
Répété
250
Temps sur cible (ms)
200
150
100
50
0
b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12
Blocs
Figure 5.12 : Evolution du temps sur cible au fil des blocs
de pratique dans la tâche de TRS selon
les conditions (répétée /
aléatoire) dans l'expérience 10.
D'un point de vue descriptif, nous pouvons observer sur la Figure
5.12 que les sujets partent d'un niveau initial de performances
quasi identique dans les deux conditions
expérimentales. Par la suite, les performances des
sujets dans la condition « répétée »
évoluent de manière ascendante tout au long de
la pratique alors que celles des participants dans l'autre condition tendent
à stagner. On peut noter la présence d'un écart de
performances important dès le deuxième bloc de pratique.
Une ANOVA est effectuée avec les variables
Groupe (« répété » vs « aléatoire
») comme facteur inter sujets et sur les Blocs (14) comme
facteur intra sujets. Cette analyse statistique révèle
à la fois un effet simple du facteur Groupe (F(1,26)=34.37; p<.001)
et du facteur Bloc (F(11,286)=7.14; p<.001) ainsi qu'une interaction
significative Groupe x Bloc (F(11,286)=7.02; p<.001). Ces trois
résultats combinés confirment ceux obtenus
précédemment, à savoir qu'il existe un apprentissage
de la séquence répétée puisque les
performances sur les 2 types de séquences évoluent de
manière radicalement différente selon
la condition. De plus, des comparaisons
planifiées ont permis de mettre en évidence une
différence significative entre les conditions «
répétée » et « aléatoire » sur
le bloc 2 (F(1,26)=10.06; p<.004) alors que sur le bloc 1, il n'existe
pas de différence entre les deux (F(1,26)=0.48; p=.492). Une fois
encore, ces résultats confirment le fait que l'apprentissage se
manifeste après une faible quantité de pratique dans les
tâches de TRS.
Test de reconnaissance pour la tâche de
TRS
Lors de ce test de reconnaissance, trois séquences vues
et trois séquences non vues sont présentées aux
participants dans chacune des deux conditions expérimentales. Le
traitement des données collectées est identique à celui
effectué précédemment dans la tâche de poursuite
continue. La comparaison du degré de reconnaissance attribué aux
différentes séquences est évaluée au moyen d'une
ANOVA avec le Type de séquences (Vues vs Non Vues) comme facteur intra
sujets. La Figure 5.13 illustre les principaux résultats obtenus pour
les deux types
de séquences à la fois dans la condition «
aléatoire » et dans la condition «
répétée ».
Les participants dans la condition « aléatoire »
attribuent des notes moyennes proches
de la valeur 5, à savoir 5.71 pour les séquences
vues et 4.83 pour celles totalement aléatoires. Par contre, nous
constatons un écart important entre les notes attribuées aux deux
types de séquences pour les sujets placés dans la
condition « répétée ». En effet, les
séquences déjà
vues lors de la phase de pratique obtiennent un score moyen
relativement élevé de 6.83 alors
les séquences aléatoires se voient attribuer un
score moyen très faible de 1.6.
9 Séquences vues
Degré de reconnaissance
8 Séquences non vues
7
6
5
4
3
2
1
0
Aléatoire Répétée
Condition
Figure 5.13 : Degré de reconnaissance des
différents types de séquences, dans les deux conditions
(répétée / aléatoire) dans la
tâche de TRS. Les barres d'erreurs représentent l'écart
type de la moyenne.
Les résultats de l'analyse statistique viennent
renforcer ces observations : aucun effet significatif du type de
séquences n'apparaît dans la condition « aléatoire
» (F(1,13)=1.46; p=.248) alors que cet effet est fortement significatif
dans la condition répétée (F(1,13)=44.93; p<.001).
Au final, ces résultats prouvent une fois de plus
l'existence d'un apprentissage dans le
cas d'une tâche de TRS. Tout d'abord, cet apprentissage a
été mis en évidence dès le début de
la phase de pratique puis, lors de l'introduction du bloc de
transfert. Les résultats obtenus lors
du test de reconnaissance viennent renforcer la preuve de cet
apprentissage, puisque les sujets sont capables de reconnaître
parfaitement la séquence répétée parmi
d'autres séquences aléatoires.
Comparaison de la reconnaissance entre la
tâche de TRS et la tâche de poursuite
continue
Les résultats issus des tests de reconnaissance
effectués précédemment ont montré que
les sujets sont capables de reconnaître les
séquences et les segments déjà vus lors de la phase
de pratique, dans la condition répétée.
Toutefois, les analyses réalisées jusque là ne permettent
pas de savoir si la reconnaissance est meilleure dans une tâche
ou dans une autre. Afin de répondre à cette interrogation,
nous avons réalisé une comparaison de la reconnaissance entre
la tâche de TRS et la tâche de poursuite
continue, dans la condition répétée. Cette
comparaison est illustrée sur la Figure 5.14 qui montre qu'il existe une
légère différence entre
la tâche continue et la tâche discrète, aussi
bien pour les segments vus que pour ceux non vus. Quel que soit le type de
segment, les scores obtenus en reconnaissance sont supérieurs dans le
cas de la tâche continue.
10
Degré de reconnaissance
9 Tâche continue
8 Tâche discrète
7
6
5
4
3
2
1
0
Vu Non Vu
Type de séquence / segment
Figure 5.14 : Degré de reconnaissance dans les
tâches discrètes et continues selon la nature de la
séquence / segment utilisé. Les barres
d'erreurs représentent l'écart type de la moyenne.
Une ANOVA de la forme S14 <T2> * N2 avec T
représentant le type de tâche (continue / discrète) et N
représentant la nature de la séquence ou segment
utilisé (vue / non vue) est effectuée. Un effet quasi
significatif du type de tâche (F(1,26)=4.1125 ; p=0.052) est obtenu,
indiquant qu'il y a une tendance à obtenir une meilleure
reconnaissance dans la tâche continue
comparativement à la tâche discrète.
Nous retrouvons un effet significatif de la condition (F(1,26) = 142.92
; p<.001) prouvant, une fois de plus, que les sujets reconnaissent mieux les
séquences / segments déjà vus. Par contre, nous
n'obtenons pas d'interaction significative type de tâche x nature de
la séquence (F(1,26) = 0.4488 ; p = 0.508). Ce résultat nous
amène à conclure que les sujets reconnaissent de la même
manière, les séquences / segments déjà vus dans la
tâche discrète et dans la tâche continue.
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