Harmonisation de la fiscalité de l'épargne en Europe( Télécharger le fichier original )par Moussa Sidibé université Paris XIII - Master Recherche droit européen et international (droit fiscal) 2006 |
II- Les produits exclus du champ de la directive « épargne » dans le but de répondre à des objectifs de politiques économiques et financières de certains EtatsAu regard de la doctrine sur l'évolution du processus ayant abouti à l'adoption de la directive « épargne »30(*), il s'avère que l'exclusion de certains revenus de l'épargne répond à des objectifs de politiques économiques et financières soulevés par certains Etats31(*), mais aussi la crainte de la commission de ne pas trop retarder l'adoption du texte. Il s'agit toujours de limiter la portée des mesures adoptées aux intérêts versés à un bénéficiaire effectif établi dans un Etat membre mais en provenance d'un autre Etat membre. Le système devrait donc permettre de donner à l'Etat de résidence les moyens d'imposer intégralement les revenus d'épargne de personnes résidentes ayant une épargne investie dans un autre Etat membre.Il peut paraître singulier que les oppositions à de telles mesures soient aussi fortes. Au départ il a été rappelé que le système envisagé reposait sur l'idée d'une retenue à la source minimum de 25% puis de 20%. Ce système consistant à prévoir un seuil minimum d'imposition général, dans l'Etat de source, provenait de l'initiative de pays à forte pression fiscale32(*), cherchant à limiter la fuite des capitaux vers les pays où ladite épargne était moins imposée. Cette harmonisation a maxima rencontra toutefois une vive opposition de la part du Royaume Uni, qui trouva dans le Luxembourg un soutien opportun. En l'espèce, le Royaume Uni, comme d'ailleurs le Luxembourg, avait un motif particulier de s'opposer à ce projet, dans la mesure où il mettait directement en danger le système des Euro-obligations (Euro bonds) qui contribuait au succès de la place financière de Londres. C'est la raison pour laquelle le Royaume Uni chercha par tous les moyens à les faire sortir du champ d'application de la directive « épargne ». D'autres revenus d'épargne ont été exclus, soit qu'ils relèvent d'une autre fiscalité, soit temporairement pour faciliter l'adoption des textes. Il en est ainsi : - des produits d'assurance ; - des pensions. Temporairement, il en est également ainsi des obligations domestiques, internationales et autres titres de créances négociables : « clause grand père ». La Directive « épargne » exclut temporairement de son champ d'application certains intérêts de ces produits afin de ne pas perturber les marchés financiers. En effet, les contrats d'émission de tels titres d'emprunt négociables peuvent comporter une clause de montant brut (dite « gross up ») par laquelle l'émetteur s'engage auprès des investisseurs à leur servir un intérêt net d'impôt en prenant à sa charge les conséquences d'un éventuel changement de législation fiscale. Ces clauses de montant brut sont assorties d'une clause de remboursement afin de permettre à l'émetteur de rembourser l'emprunt par anticipation pour éviter le déclenchement par les émetteurs de la clause en question.
La loi prévoit une clause de « grand père » qui a pour conséquence d'exclure du champ d'application de la directive « épargne » les intérêts des obligations domestiques et internationales et des autres titres de créances négociables lorsque leur émission d'origine est antérieure au 1er mars 2001 ou lorsque leur prospectus d'émission d'origine a été visé avant cette date par les autorités compétentes et à condition qu'aucune nouvelle émission de ces titres n'ait été réalisée à compter du 1er mars 2002. Cette exclusion cessera, en principe, de s'appliquer le 31 décembre 2010. La directive « épargne » prévoit néanmoins une possibilité de prolongement de l'exclusion dans l'hypothèse où la période de transition prévue à l'article 10 de la directive s'achèverait après le 31 décembre 2010. Ces exclusions comportent néanmoins des inconvénients, qu'il convient de mettre en exergue, inconvénients d'ailleurs soulevés par le législateur français dans son rapport sur le projet de Directive33(*). D'abord, il n'est pas logique, du point de vue juridique, que la directive ne concerne pas tous les produits de l'épargne. Deuxièmement, ces dérogations devraient entraîner en pratique des discriminations entre épargnants, en fonction de la composition de leur portefeuille, de même qu'entre certains établissements, en fonction de leur spécialité. Des inconvénients économiques existent également. Cette différence de traitement entre les produits de l'épargne est de nature à favoriser ceux qui ne sont pas couverts par la directive aux dépens des autres. Une telle position peut être un choix s'il s'agit de favoriser les placements directs en actions par rapport aux produits financiers. Mais, pour ces derniers, il vaut mieux que l'orientation de l'épargne résulte, comme c'est économiquement souhaitable, des besoins du marché, plutôt que d'être conditionnée par ces différences de régimes fiscaux. En tout état de cause, assurer une imposition effective des revenus de l'épargne, tel que défini comme l'objectif principal de la directive, implique des acteurs pour l'exécution du mécanisme mis en place. * 30 Dominique Berlin : « La fiscalité de l'épargne dans l'Union européenne ; histoire d'une harmonisation en voie de disparition » Journal des tribunaux de droit européen, Mai 2003 P.162 à 168 * 31 Notamment le Royaume uni. * 32 Au premier rang desquels on retrouvait la France, l'Allemagne et l'Italie * 33 « Vers une fiscalité communautaire de l'épargne : la première pierre », rapport d'information n°1537, Délégation de l'Assemblée Nationale pour l'Union Européenne, Gérard Fuchs (député) |
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