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Les droits des agriculteurs et le marché mondial des gènes

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par Monia BRAHAM epse YOUSSFI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis II - DEA en Droit de l'Environnement 2006
  

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§2- les droit des agriculteurs : Un concept à repenser sur le fondement d'un droit au développement :

La disparition de la diversité biologique et de la diversité culturelle menace les droits des individus et de populations entières : « D'un côté, certains groupes veulent forcer les populations à abandonner leurs coutumes ancestrales pour participer à ce qu'ils qualifient de progrès. D'un autre côté, certains sont disposés à priver les populations autochtones des bienfaits de la vie moderne et à les figer dans le temps pour qu'elles puissent entretenir des biens utiles à l'humanité tels que le matériel phyto-génétique»616(*), ces deux positions extrêmes pose la problématique du développement des populations locales et autochtones.

L'approche actuelle du droit au développement marqué par une dualité de perception droit de l'homme, droit des peuples617(*) est-elle capable d'instaurer un droit au développement au profit des communautés agricoles et plus spécialement pour les population locales et autochtones?

Les difficultés de rattacher l'amélioration des conditions socio-économiques des communautés agricoles à une vision globale du droit au développement nous amène à le situer par rapport au droit à l'Environnement. Ce droit de 3éme génération, se présente également comme un droit de solidarité tantôt parfaitement intégrée à une approche de développement, tantôt invoqué à son encontre. C'est pourquoi l'analyse du concept des « droits agriculteurs » nécessite en premier lieu une recherche sur les rapports entre Environnement-Développement dans le cadre d'un droit de l'homme au développement.

Par ailleurs, une approche qui tente de rapprocher le Droit International Général et le Droit de l'Environnement vise à repenser les droits des communautés sur les ressources naturelles dans le cadre d'une vision patrimoniale à travers le concept « droits de l'humanité »618(*).

A la lumière de ces divergences des visions portant sur les rapports environnement développement, on peut tenter de situer le concept « droits des agriculteurs » dans le cadre de l'analyse du droit au développement dans le sens du droit de l'homme (A), les difficultés de rattachement du « concept des droits des agriculteurs à une telle approche nous amène à le repenser dans le cadre de cette nouvelle vision axée sur « les droits de l'humanité » (B).

A- les droits des agriculteurs à la lumière des droits de l'homme619(*):

Au même titre que la régulation des échanges, l'utilisation des espaces d'usage international et la gestion des ressources de l'humanité, la promotion du développement est considérée comme un domaine et une finalité du Droit International620(*).

Contrairement à ceux qui pensent que « la question de la biodiversité a été diluée dans les problèmes de pauvreté à Johannesburg »621(*), la montée en puissance de cette question cruciale dans les résultats du sommet sur le développement durable622(*) a renouvelé l'intérêt accordé à la promotion des pauvres en milieu rural, le plan d'action recommande aux Etats la promotion des économies rurales : « Mettre en place des infrastructures de base, de diversifier l'économie et d'améliorer l'accès aux marchés et de crédits des pauvres en milieu rural afin de favoriser l'agriculture et le développement rural durable »623(*).

Il est également intéressant de souligner la recommandation faite aux pays participants à cette conférence « de concevoir des politiques et des moyens pour améliorer l'accès des populations autochtones et de leurs collectivités aux activités économiques, de leur assurer d'avantages de possibilité d'emploi en appliquant, selon les besoins, des mesures telles que la formation, l'assistance technique et le crédit, compte tenu du fait de leur dépendance traditionnelle et directe à l'égard des ressources renouvelables et des éco-systèmes, notamment les formes écologiquement rationnelle de récolte, demeure essentiel pour leur bien être culturel, économique et physique »624(*).

En effet, si l'élimination de la pauvreté appelle à la mobilisation de la communauté internationale625(*) « la promotion Etatique des pauvres fait du problème international un problème social posé internationalement : Le grand mouvement qui, depuis des décennies, pousse les peuples à l'égalité des conditions par la correction des disparités originelles, quelles soient imputable à l'arbitraire de l'homme ou même au hasard de la nature, entretient la permanence d'une revendication généralisée des Etats en développement »626(*).

Peut-on penser dés lors à la nécessité d'instaurer un droit au développement au profit des communautés agricoles et/ou autochtones ?

La réponse n'est pas aisée vue les incertitudes qui entourent déjà la notion de droit au développement627(*) et la distinction entre les titulaires et les bénéficiaires potentiels de ce droit : Etats, peuples, communautés agricoles, populations locales et autochtones.

Si «  le droit au développement est une notion récente née de la réflexion suscitée par les échecs de l'aide au développement et de la nécessité de repenser la coopération internationale dans un cadre moins mercantiliste »628(*), l'analyse du concept des droits des agriculteurs à la lumière du droit au développement défini à l'échelle internationale comme « un droit inaliénable de l'homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés et de bénéficier de ce développement »629(*)présente un intérêt certain lorsqu'il s'agit de repenser le concept des droits des agriculteurs dans le cadre d'une vision de régulation humaine des relations économiques internationales.

A travers l'analyse du concept des « droits des agriculteurs » à la lumière d'un droit au développement, on tente de rattacher dans une première étape les droits des populations locales et autochtones et des communautés agricoles à un droit de l'homme au développement, dans cette hypothèse, on peut se demander si ces droits traduisent une vision de droit au développement au sens de droit de la personne ou de droit des peuples (I). La réponse nécessite également l'analyse du concept « des droits des agriculteurs » par rapport à un droit à l'environnement (II).

I- droit de la personne/droit des peuples:

Le droit au développement est un droit de troisième génération630(*), il est considéré par la doctrine comme « un droit sui generis »631(*) et comme « un droit somme »632(*). On peut penser que ce droit découvert633(*)est une simple formulation de droits déjà énoncés et juridiquement reconnus : « On peut dire qu'il entreprend la globalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il s'oppose à leur émiettement et à leur hiérarchisation »634(*).

Il est également appréhendé par la doctrine comme « une prérogative reconnue à chaque peuple et à chaque individu de pouvoir satisfaire ses besoins en accord avec ses aspirations dans toute la mesure que permet la jouissance des biens et services produits par la communauté »635(*).

Dans cette logique mettre les besoins des hommes en terme de développement au devant de la scène revient en définitif à mettre le droit au service de la justice économique et sociale selon une nouvelle approche de l'aide au développement qui prend en considération « la dimension culturelle et la reconnaissance du fait indigène sans devoir passer par des processus administratifs et Etatiques qui reproduisent des schémas de contrôle « top-down » et ne facilitent que rarement l'initiative individuelle ou locale »636(*).

La préférence exprimée à l'échelle internationale637(*)pour un modèle de développement bottom-up traduit « une approche non ethno-centriste de l'aide au développement qui impose de penser culture et de reconnaître le fait que toute activité économique est façonnée par celle-ci »638(*)

Reconnaître un droit au développement pour les communautés agricoles pose la problématique de l'hétérogénéité des bénéficiaires de ce droit: (peuples autochtones, populations locales, agriculteurs et communautés agricoles). À cet égard, on peut privilégier une vision de droit au développement en tant que droit de la personne humaine. Seulement ce droit n'est que le prolongement des droits des peuples au développement639(*).

Si « les droits de l'homme se présentent comme un ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux qui s'appliquent partout dans le monde tant aux individus qu'aux peuples et qui ont pour but de protéger les prérogatives inhérentes à tout homme et à tous les hommes pris collectivement en raison de l'existence d'une dignité attachée à leur personne et justifiée par leur condition humaine », le droit au développement, en tant que droit de la personne humaine consacre dans cette vision la dignité humaine et s'oppose à toute discrimination entre les êtres humains qui sont intellectuellement égaux et s'opère contre leur exclusion à l'échelle nationale et à leur marginalisation à l'échelle internationale.

Face aux inégalités structurelles qui caractérisent la société internationale et « le modèle de développement procuré par l'économie des pays de l'OCDE qui a rendu les riches plus riches et les pauvres plus pauvres... Le droit au développement est au premier chef la revendication d'une normativité nouvelle, il est l'expression symbolique d'une frustration et d'un espoir.»640(*)

Dans cette optique, le droit des communautés au développement ne peut être rattaché a priori qu'à la vision dominante du modèle de développement. Une vision humaniste mais dont la dérive est l'acculturation de ces populations par la diffusion d'un modèle de développement standardisé et d'un mode de vie externe à leurs traditions et pratiques ancestrales.

En dépit de ces dérives, cette vision semble moins dangereuse qu'un rattachement des droits des communautés locales et autochtones à un droit au développement au sens d'un droit des peuples, ce dernier risque de fragiliser la souveraineté nationale. En effet, le droit des populations agricoles locales et autochtones au développement considéré comme un droit des peuples risque de remettre en cause la cohésion au sein des Etats indépendants et d'exacerber les revendications ethniques et minoritaires pour le contrôle des ressources naturelles.

En vertu de ce droit, des modalités de gestion et de répartition des ressources naturelles devraient être conçues afin de contenir ces revendications et de les encadrer juridiquement, ici on souligne la spécificité du problème autochtone reconnue au niveau du Droit International.

En retraçant l'historique des revendications autochtones, on peut affirmer qu `il s'agit plutôt d'une lutte pour le contrôle de leurs territoires, et que ceux ci ont été relayé par des revendications par rapport à la protection d'un patrimoine indigène ou autochtone, donc d'une diversité culturelle au sein de l'Etat qui se matérialise à travers de préservation des identités et des cultures spécifiques.

L'échec des revendications par rapport au contrôle des territoires et de leurs ressources naturelles n'a pas été soldé par le renforcement de la souveraineté sur ces ressources. Les visions fondées sur l'interdépendance entre diversité biologique diversité culturelle a permis d'entretenir les revendications sur les ressources naturelles à travers la notion de patrimoine (patrimoine indigène, patrimoine autochtones) et moyennant une fiction juridique : STARG (Les savoirs Traditionnels associés aux Ressources Génétiques).

On a pu démontrer que les autochtones, en s'intégrant dans un système international de la protection de la propriété intellectuelle traditionnelle, risquent de voir leur patrimoine passer définitivement sous le contrôle des multinationales sans pour autant réaliser leurs aspirations par rapport au développement économique et social.

Cette nouvelle alliance entre les multinationales et les populations autochtones vise en réalité à briser toute intégration de ces populations par rapport à une stratégie nationale de développement et la reconnaissance de la diversité culturelle à l'échelle internationale à travers les mouvements des ONG risque de remettre en cause la cohésion sociale et la solidarité intra-étatique. Cette alliance qui se construit parfois au détriment des intérêts indigènes et nationaux est de nature à perdurer la logique de la liberté d'accès aux ressources naturelles y compris les ressources génétiques au profit du pouvoir transnational.

Le droit de l'environnement a joué à cet égard un rôle important pour imposer une certaine vision du développement économique mais intimement liée à la question écologique. L'apparence d'une harmonie entre le développement économique et la protection de l'environnement (spécialement pour la question de la biodiversité)  en constitue une illustration qui suscite l'intérêt d'analyser ces rapports conflictuels sous l'angle droit au développement/droit à l'environnement.

II- droit au développement/droit à l'environnement :

Au delà des proclamations d'un droit de l'homme à l'environnement , en tant que droit de solidarité, inclus dans le cadre de la troisième génération des droits de l'homme et de la problématique épineuse de son effectivité, les rapports entre le développement et la protection de l'environnement semblent au centre des droits des agriculteurs indépendamment de l'analyse précédente s'agissant des droits des communautés locales et autochtones, le droit à l'environnement apparaît comme un droit proclamé le plus souvent en corrélation avec le développement, ses conséquences risquent paradoxalement de freiner les efforts en terme de développement.

Les premières tentatives d'intégrer l'environnement dans l'objectif de développement remontent à 1968 : La convention d'Alger (la convention africaine sur la protection de la nature et des ressources naturelles) illustre pour les ressources naturelles une vision plutôt de patrimoine national et consacre le principe de souveraineté nationale sur les ressources naturelles y compris les ressources biologiques.

En droite ligne de la déclaration de Stockholm sur l'environnement de 1972, dont le premier principe reconnaissant à l'homme un droit fondamental à « des considérations de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien être », la charte Africaine des droits de l'homme et des peuples prévoit dans son article 24 « tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global propice à leur développement ». Cette consécration précoce d'un droit à l'environnement par la charte africaine a une valeur emblématique et a eu un effet déclencheur dans la création normative641(*).

Il est à noter que le droit à l'environnement a été proclamé indépendamment du droit au développement : « Tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel, dans le respect strict de leurs libertés et de leur identité et à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité.

Les Etats ont le devoir séparément ou en coopération, d'assurer l'exercice du droit au développement »642(*).

Ce droit se présente plutôt comme un droit fondamental à contenu imprécis et un droit des peuples à la justiciabilité incertaine643(*) .

Il ressort de l'analyse du concept des droits des agriculteurs aussi bien par rapport à l'objectif de la conservation que par rapport à son ancrage dans le cadre du marché que les préoccupations environnementales constituent parfois des obstacles au développement. On peut penser que la protection de la biodiversité dans la vision européenne de la multi-fonctionnalité de l'agriculture constitue un ralentissement par rapport à l'objectif de développement agricole dans les PED et vise à proliférer la vision des pays de sud comme réservoir de gènes et à imposer une répartition au niveau des marchés internationaux des denrées alimentaires au détriment des intérêts de développement dans ces pays.

Le concept des droits des agriculteurs a été forgé à l'appui de cette vision qui sous le prétexte d'instaurer un régime international de la répartition des avantages issu de la biodiversité et dont les incertitudes nous amènent à conclure aux difficultés d'assurer la transition du modèle de l'agriculture traditionnel au modèle de l'agriculture industrialisée et à la primauté des marchés mondiaux des denrées alimentaires.

Par conséquent, les intérêts de commerce et la dépendance des PVD par rapport au reste du monde pour assurer leur sécurité alimentaire constitue un enjeu de taille et empêchent toute tentative de repenser le concept des « droits des agriculteurs » par rapport à un droit au développement conforme à une certaine vision de l'équité qui dépasse les préoccupations en terme de répartition des avantages issus de la biodiversité à celle d'une répartition équitable des richesses et un partage des connaissance techniques et du progrès scientifique à l'échelle planétaire.

On peut penser que la globalisation environnementale constitue une contrainte supplémentaire pour les économies émergentes qui s'additionne aux injustices de la globalisation économique, ainsi, on considère l'environnement dans une vision purement « conservationniste » comme un obstacle au développement agricole dans les PED.

Les intérêts de commerce sont au centre des politiques agricoles régionales telle que la PAC (politique agricole commune) dont l'objectif de la cohésion sociale constitue un pilier important afin d'assurer le développement de l'Europe et son équilibre sociétal au détriment des intérêts légitimes de développement dans les PED. Préserver les marchés des denrées alimentaires dans les PED permet à l'Europe de continuer à subventionner les exportations agricoles et à soutenir les activités de production afin de maintenir les populations sur l'espace rural.

Le processus d'industrialisation de l'agriculture a permis au nom de la protection de la biodiversité (spécialement dans les pays en développement) de privilégier les intérêts de commerce sur ceux d'un développement solidaire et équitable entre le Nord (notamment l'Europe) et le Sud. L'opposition aux OGM menée par les mouvements des agriculteurs européens et qui tend à exacerber la méfiance des PED par rapport au modèle de l`agriculture industrielle en invoquant la dépendance accrue des agriculteurs par rapport aux semenciers et aux monopoles agro-biotechnologiques ont pour effet le ralentissement des efforts des PED sur la voie du développement agricole.

Cette analyse qui situe le concept « des droits des agriculteurs » dans les conflits environnement/développement nous permet de conclure à une logique renversée : « les droits des agriculteurs » équivalent à des droits pour le développement économique du Nord largement au détriment de ceux revendiqués au Sud. La préservation par le Sud des ressources phyto-génétiques pour l'intérêt de l'humanité risque d'être non conforme à un droit au développement.

B- les droits des agriculteurs à la lumière des « droits de l'humanité »:

Si la doctrine s'accorde à reconnaître la différence entre l'humanité et la communauté internationale644(*), la reconnaissance des droits de l'humanité ne fait pas l'unanimité, l'humanité, notion controversée n'a pas comme d'ailleurs la nation de personnalité juridique645(*) et les droits qui y sont attribués semblent à priori utopiques.

L'humanité qui « désigne l'ensemble des peuples de la terre, abstraction faite de leur répartition en Etats, et non seulement les peuples d'aujourd'hui mais également de demain, les générations futures, l'humanité c'est le genre humain dans sa perpétuation »646(*)est perçue par la doctrine « comme englobée, comme englobant, comme transcendance »647(*)

L'humanité est englobée dans l'enclos planétaire mais vue de l'extérieur elle apparaît non plus dans ses éléments constitutifs mais comme une entité « elle entend, à cet égard, contrôler le contour de la planète et promouvoir la paix mondiale, la pureté de l'environnement global, les communications spatiales, l'exploitation des ressources naturelles dans la justice »648(*), elle a « le droit à s'accomplir, ce qui suppose le droit à son intégralité, le droit à la survie...et si les hommes refusent les droits de l'humanité, ils se nient comme existants »649(*), elle désigne non seulement la totalité des êtres humains mais aussi la qualité ou la dignité de ceux ci650(*).

On peut dés lors penser que dans cette vision l'homme est considéré au centre de la préoccupation écologique651(*) et que l'humanité et la dignité correspondent parfaitement avec le concept Kantien de l'humanité dont le trait le plus élémentaire est l'égale dignité des êtres humains en quelque lieux qu'ils vivent ou à quelque moment du temps qu'ils appartiennent »652(*) et conclure ainsi à la nécessité de « garantir à toute l'humanité les conditions objectives d'un développement qui satisfasse aux exigences de la vertu d'humanité »653(*).

Dans cette optique les droits de l'humanité se présentent également comme des droits de solidarité aussi bien par rapport aux ressources naturelles que par rapport à un patrimoine à protéger pour sa transmission trans-générationnelle, ainsi ils ne sont concevables qu'à travers une répartition équitable des ressources naturelles communes et traduisent le fondement solidariste de l'environnement-patrimoine mondial654(*)d'où l'on peut se demander sur les liens à entretenir entre cette vision et le concept des droits des agriculteurs.

Le concept « droits de l'humanité » tel que présentée par une certaine doctrine655(*) constitue le renouvellement de la vision patrimoniale des ressources naturelles y compris les ressources phyto-génétiques (II), il a été construit par cette doctrine sur la base d'une distinction entre les ressources vitales et les ressources économiques (I).

I- distinction ressources économiques, ressources vitales :

Contrairement aux ressources économiques pour lesquelles on accepte aussi bien l'appropriation Etatique que l'appropriation privative, les ressources vitales de l'humanité sont considérées comme les éléments essentiels de la vie sur la terre tels l'eau, l'air, l'atmosphère et la biodiversité et justifient l'instauration des droits de l'humanité à une jouissance égale de ces ressources dans les deux dimensions trans-temporelle et trans-spatiale.

Les tentatives d'introduire l'humanité comme sujet de droit risque de remettre en cause sur le plan politique la souveraineté de l'Etat-nation : « La représentation nationale cesserait d'être la seule admise en Droit International puisque la notion d'humanité, transcendant les frontières territoriales et temporelles, permettrait de représenter à la fois les niveau infra-étatiques (individus, groupes locaux, associations ..) et supra-étatiques (ensemble des habitants de la planète, générations présentes et futures) »656(*).

A vrai dire, la distinction entre ressources économiques et vitales vise à assurer le renouveau du concept du PCH : En conférant aux ressources vitales y compris les ressources génétiques ce statut du PCH, il est possible de perdurer la vision écologique pour la préservation des intérêts économiques du Nord au détriment de l'essor économique du Sud.

Il s'agit d'une approche moins idéaliste que celle reposant sur un esprit de solidarité, elle consiste à rechercher une combinaison entre droits privatifs et intérêt collectif, « elle parait d'autant plus importante que les propositions présentant la propriété privée et le marché comme des moyens pour préserver l'environnement »657(*).

Rappelant que le statut du PCH a été conféré aux ressources phyto-génétiques pour assurer la survie de la coutume internationale de la liberté d'accès à ces ressources considérées désormais par cette doctrine comme vitales, la distinction entre l'économique et le vital est trop risquée : Dans le clivage entre le Nord et le Sud, le vital à protéger risque de contredire l'économique à valoriser.

En effet, la conservation par le Sud des ressources vitales pour l'humanité tout entière risque comme on l'a déjà conclu de profiter en premier lieu au Nord, un tel risque devrait être analysé plus profondément que d'ailleurs les risques liés à l'exclusion des ressources génétiques de la catégorie ressources économiques658(*).

Par conséquent, les droits de l'humanité par rapport aux ressources vitales présente des inconvénients par rapport aux potentialités de développement du Sud, elle consacre également une vision « conservationniste » à l'encontre d'autres visions fondées sur le commerce équitable et le développement économique solidaire.

Ainsi analysé, l'idée de « droits de l'humanité » se heurte à des difficultés conceptuelles pour s'imposer: La controverse par rapport au statut juridique de l'humanité additionnée aux difficultés d'assurer le renouvellement de la notion PCH sur le plan théorique659(*) minimise l'impact de la construction du concept « droits de l'humanité » en Droit positif.

II- vision patrimoniale des ressources vitales:

Les partisans de la vision patrimoniale des ressources vitales, largement consacrée dans le cadre du Droit de l'Environnement privilégient la transmission trans-générationnelle comme fondement de la conservation d'un patrimoine à protéger. L'idée de la solidarité entre les générations justifie la priorité accordée à la protection par rapport à l'exploitation des ressources vitales dans le cadre du développement économique.

Certains auteurs pensent que le patrimoine de l'humanité est « une généralisation inopérante d'une notion qui ne prend consistance que rapportée à un cas précis à une matière déterminée » et qu'il convient d'envisager certaines ressources « comme un patrimoine national d'intérêt écologique commun ou mondial »660(*).

Le patrimoine en question est nécessairement mondial, les ressources vitales nationales sont considérées dans cette vision comme un patrimoine parfaitement articulé au patrimoine mondial : Une vision qui coïncide certes avec le statut actuel des RPG considérées plutôt comme un bien mondial mais risque d'être excessive par rapport à la cohérence entre le patrimoine national (multiplicité des stratégies d'appropriation) et patrimoine mondial (diversité des acteurs).

Si l'on part de l'hypothèse que le patrimoine mondial est hétérogène et sujet de rivalité, et que le patrimoine national est en discordance avec le patrimoine mondial, on ne peut que conclure à une articulation difficile, celle ci n'est qu'un idéal à atteindre au détriment de l'appropriation et l'optimisation du patrimoine national.

« Loin d'être le fruit d'une rêverie juridique utopique, le modèle patrimoine apparaît comme un sursaut néguentropique, un formidable effort de rationalité d'une humanité qui n'entend pas être privée de son avenir »661(*), cette rationalité ne semble pas consacrer ce qui est également crucial pour l'humanité c-a-d une répartition équitable des ressources de la nature.

En effet, la patrimonialisation des ressources vitales relève d'avantage « d'une valeur devant servir de référence à tout comportement humain : Elles traduisent la prise de conscience que les éléments vitaux viennent à manquer, justifiant ainsi le devoir de chacun de les protéger dans l'intérêt de tous, passés, présents et à venir »662(*).

Seulement deux limites de la notion protéiforme du patrimoine peuvent être invoquées : Elles relèvent de « deux horizons diamétralement opposés : soit que de point de vue de la protection de l'environnement, on la juge ambiguë et trop marqué par l'esprit gestionnaire, soit que de point de vue de la défense du marché, on estime désastreuse l'idéologie communautaire qu'il véhicule »663(*) .

En définitive, instituer des « droits de l'humanité » sur les ressources vitales n'a pour conséquence que de proliférer cette vision patrimoniale et de privilégier la conservation sur le développement économique avec les conséquences fâcheuses déjà invoquées. Partant de ce constat la question posée et qui demeure sans réponse c'est : Comment peut-on repenser « les droits de l'humanité » dans l'intérêt du Sud ?

Par ailleurs, on peut se demander avec professeur Michel Prieur « la diversité biologique, les équilibres écologiques...les ressources génétiques qui sont des ressources collectives essentielles pour l'humanité sont-ils des biens communs ou un patrimoine commun ? »664(*).

Pour le cas des RPGAA, celles ci ont toujours échappé à la souveraineté Etatique en vertu du Droit International au profit de plusieurs acteurs qui retrace chacun une stratégie pour confisquer la valeur produite à son profit. Les tentatives de la FAO d'instaurer un système de gestion internationale de ces ressources sous ses auspices sont plutôt conforme à une vision de bien commun de l'humanité mais sont réellement sans effet par rapport à un droit de contrôle directe de l'utilisation de ces ressources par les Etats et risquent de superposer conformément au principe de coopération les visions Etatiques à celle de l'Organisation Internationale, celle ci a eu toujours l'ambition de la reprise de la fonction de contrôle de la gestion de ce bien mondial afin de servir les intérêts économiques des PED.

* 616 Ibidem.

* 617 Dupuy (René Jean), ibid, P 225.

* 618 Notamment Paguerot (Sylvie) dans son ouvrage : Le statut des ressources vitales en Droit International. Essai sur le concept de patrimoine commun de l'humanité, Editions Bruylant Collection Mondialisation et Droit International, Bruxelles, 2002.

* 619 Dans les travaux du Groupe Crucible, l'accent a été mis sur l'insertion des droits des agriculteurs dans les droits de l'homme, voir à ce propos Rapport du Groupe Crucible II. Adresse électronique : http://web.idrc.ca/openbook/990-01.

* 620 Dupuy (Pierre Marie), Droit international public, éditions Dalloz, Paris 2000, P 591.

* 621 Michon (Geneviève), «Sciences sociales et biodiversité : Des problématiques nouvelles pour un contexte nouveau », Revue Natures Sciences Sociétés, n° 11, 2003, P 422.  

* 622 Pour plus de détail voir le plan d'application du sommet mondial pour le développement durable, paragraphe 7-13.

* 623 Le plan d'application du sommet mondial pour le développement durable, paragraphe 7 (i), P11.

* 624 Idem, paragraphe 7 (e), P11.

* 625 Notamment à travers un fond mondial pour l'élimination de la pauvreté et la promotion du développement humain et social dans les pays en développement.

* 626 Dupuy (René Jean), op cit, P 107.

* 627 Voir à ce propos l'analyse faite par MBAYE (Keba), « le droit au développement est-il un droit de l'home » in actes de colloque « Droits de l'homme et Droit au développement » du 15 Octobre 1985, Edition Bruylant, Bruxelles, 1989, P38-44.

* 628 MBAYE (Keba), Les droits de l'homme en Afrique, Edition Pedone, Paris, 2002, P 210-211.

* 629 Définition retenue par la Déclaration sur le droit au développement adoptée par l'assemblée générale des nations unies dans la résolution 41-129 du 4 décembre 1986.

* 630 Dans une leçon inaugurale de la dixième session d'enseignement de l'Institut International des Droits de l'Homme, en 1979, Karel VASAK souligne que les droits civils et politiques constituent une première génération, les droits économiques, sociaux et culturels en constituant une deuxième. La troisième génération des droits de l'homme est formée par ce qu'il a appelé les droits de solidarité ; les deux premières générations, selon cet auteur, exigent d'une part l'abstention de l'Etat et d'autre part des prestations de celui ci . Les droits de la troisième génération demandent tant aux Etats qu'à la communauté internationale d'aller au delà de la simple prestation et d'établir entre eux des liens de solidarité mais également entre les individus et les peuples.

* 631 MBAYE (Keba), op cit, P 212.

* 632 Dupuy (René Jean), ibid, P 233. L'auteur avance l'idée que « le droit au développement n'a d'autre portée que celle d'une reliure à l'égard des feuillets qu'elle rassemble...Ainsi il dynamise les droits traditionnels ».

* 633 MBAYE (Keba), « le droit au développement est-il un droit de l'home » in actes de colloque « Droits de l'homme et Droit au développement » du 15 Octobre 1985, Edition Bruylant, Bruxelles, 1989, P 41.

* 634 Idem.

* 635 MBAYE (Keba), ibid, P 234.

* 636 Sambuc (Henri Philippe), op cit, P 159.

* 637 Notamment l'approche de la banque mondiale.

* 638 Sambuc (Henri Philippe), ibid, P 160.

* 639 Dupuy (René Jean), ibid, P 226.

* 640 Rigaux (Francois), préface des actes de colloque « Droits de l'homme et Droit au développement » du 15 Octobre 1985, Edition Bruylant, Bruxelles, 1989.

* 641 Mekouar (Mohamed Ali). Le droit à l'environnement dans la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, FAO Legal papers on line, Avril 2001.

* 642 Article 22 de la charte.

* 643 Mekouar (Mohamed Ali), article précité.

* 644 Considérée comme la communauté des Etats.

* 645 Charpentier (Jean) « L'humanité : un patrimoine mais pas une personnalité juridique » in Les hommes et l'environnement : quels droits pour de 21ème siècle, Edition Frison-Roche, Paris, 1998, P 17.

* 646 Idem.

* 647 Dupuy (René Jean), op cit, P 258.

* 648Idem, P 258.

* 649 Ibidem, P 261

* 650 Rigaux (Francois), « les peuples entre l'individu et l'humanité » in actes de colloque « Le patrimoine commun de l'humanité, Droits des peuples, culture et nature », Université de Bourgogne, Faculté de Droit et de sciences politiques de Dijon, 6-7 Avril 1995, P 1.

* 651 Attard (Jérome), « Le fondement solidariste du concept « Environnement-Patrimoine Commun » in Revue Juridique de l'Environnement n°2 juin 2003, P 172.

* 652 Ost (Francois), La nature hors la loi : L'écologie à l'épreuve du droit, op cit, P 297.

* 653 Rigaux (Francois), « les peuples entre l'individu et l'humanité », article précité, P 1.

* 654 Attard (Jérome), « Le fondement solidariste du concept Environnement-Patrimoine Commun », l'auteur avance la solidarité devrait se construire non seulement dans le rapport de l'homme à la nature mais dans les rapports entre les hommes.

* 655 Notamment par Paguerot (Sylvie), Le statut des ressources vitales en Droit International. Essai sur le concept de patrimoine commun de l'humanité, Edition Bruylant Collection Mondialisation et Droit International, Bruxelles, 2002.

* 656 Lambert-Habib (Marie Laure), Le commerce des espèces sauvages : entre le Droit International et la gestion locale, op, P 460.

* 657 Attard (Jérome), « Le fondement solidariste du concept Environnement-Patrimoine Commun », article précité, P 165.

* 658 Dans la formulation du concept des droits des agriculteurs, les RPG sont considérées plutot comme ressource économique.

* 659 Fayard Riffiod (Annick), dans sa thèse Le patrimoine commun de l'humanité? Une notion à reformuler ou à dépasser, avance l'idée de la possibilité du renouvellement de la notion PCH sous l'angle du potentiel créatif de l'humanité.

* 660 Kamto (Maurice) « Esquisse d'une doctrine du patrimoine national d'intérêt écologique mondiale », Revue juridique d'Auvergne, numéro spécial, volume 98/4, Edition Les presses Universitaires de la Faculté de Droit de Clermont-Ferrand, P 74-75.

* 661 Ost (Francois), La nature hors la loi : L'écologie à l'épreuve du droit, op cit, P337.

* 662 Attard (Jérome), « Le fondement solidariste du concept Environnement-Patrimoine Commun », ibid, P163.

* 663 Ost (Francois), op cit, P 329.

* 664 Prieur (Michel) « Réflexions introductives sur la notion de patrimoine commun privé », Revue juridique d'Auvergne, numéro spécial, volume 98/4, Edition Les presses Universitaires de la Faculté de Droit de Clermont-Ferrand, P 23.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard