Les droits des agriculteurs et le marché mondial des gènes( Télécharger le fichier original )par Monia BRAHAM epse YOUSSFI Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis II - DEA en Droit de l'Environnement 2006 |
§ 2- La divulgation d'origine : pour un brevet généralisé sur le vivant :La divulgation d'origine des ST et des RG est une moralisation du système du brevet appliqué au vivant. Elle s'insère dans le cadre des tentatives de généraliser la protection par brevet à la matière vivante. La protection des variétés végétales par le brevet est reconnue dans les systèmes anglo-saxons486(*), consacrée par l'article 27-3b de l'Accord ADPIC, en tant qu' alternative aux systèmes sui generis de protection des variétés végétales. Une forte opposition à la protection des variétés végétales par le brevet est exprimée par les pays en développement (pays africains spécialement dans la loi modèle de l'OUA)487(*) . L'exclusivité et le monopole conférés par le système de protection par brevet sont de nature à accentuer la dépendance des agriculteurs face aux semenciers et la possibilité de produire la semence de ferme par les agriculteurs se trouve anéantie. Elle est même considérée comme un acte de contrefaçon pour lequel on peut introduire les agriculteurs devant la justice. Plus flexible, le système de l'UPOV reconnaît le privilège du fermier. Ce privilège est facultatif et doit être reconnu et réglementé par la loi nationale : La version 1991 de l'UPOV traduit le renforcement du système de protection par les COV et son rapprochement au système du brevet488(*). Par ailleurs, la protection de l'invention biotechnologique par le brevet acceptée après un grand débat dans le cadre du droit communautaire Européen traduit une adaptation du système du brevet à l'invention biotechnologique. La double protection d'une variété végétale par brevet et COV reconnu par le système UPOV suscite des problèmes réels quant au monopole exercé par l'obtenteur. L'étude des systèmes actuels de protection des variétés végétales par le brevet (A) devrait être complétée par l'analyse de l'évolution des différents systèmes de protection des variétés végétales par les DPI (B). A- Systèmes actuels de la protection des variétés végétales par le brevet : Conformément à l'article 27-3-b de l'accord ADPIC, les variétés végétales peuvent être protégées soit par le brevet, soit par un système sui generis efficace, soit par la combinaison des deux systèmes. La protection des variétés végétales par brevet est consacrée par le Droit Américain (I), le brevet est accepté en Droit Européen pour la protection de l'invention biotechnologique (II). I- La protection des variétés végétales par le brevet en Droit Américain : Aux Etats Unis, l'obtenteur dispose de trois formes de DPI pour la protection des variétés végétales : 1. Le droit d'obtenteur reconnu par la loi sur la protection des obtentions végétales (Plants Variety Protection Act (PVPA)), 2. Le droit de brevet reconnu en vertu de la loi sur les brevets de plantes (Plant Patent Act (PPA))? 3. Le droit de brevet (pour les inventions) dans le cadre d'un brevet d'utilité consacré par la loi sur les brevets d'utilité (Utility Patent Act (UPA))489(*). En vertu de la loi sur les brevets de plante (PPA), des brevets de plantes peuvent être délivrées pour les plantes nouvelles obtenues par multiplication asexuée. Les demandes doivent comporter un nom de cultivar pour la variété revendiquée. Le déposant doit clairement mentionner les caractères nouveaux de la variété faisant l'objet de la demande de brevet de plante. Une revendication unique est autorisée et des photographies ou des dessins doivent souvent être communiquées pour apporter la preuve des différences revendiquées. « Le déposant doit jurer que l'obtention végétale a fait l'objet d'une multiplication végétative et que la plante a été trouvée sous une forme cultivée. Les plantes sauvages présentées dans une zone délaissée par l'homme, ne peuvent pas faire l'objet d'un brevet de plantes »490(*). Par ailleurs, des brevets d'utilité peuvent être délivrées aux Etats Unis pour toute plante nouvelle à la création de laquelle l'homme a contribué. Dans la demande de brevet d'utilité, le déposant doit indiquer de façon exhaustive comment définir, réaliser et utiliser l'invention revendiquée. La Jurisprudence Américaine a reconnu la possibilité de protéger une variété végétale à la fois par un COV délivré en vertu de la loi des Etats Unis relative à la protection des obtentions végétales et de revendications dans une demande de brevet d'utilité. Divers aspects d'une invention relative à une plante peuvent être revendiqués dans un brevet d'utilité. Les demandes de brevets relatives à des plantes transgéniques (OGM) comprendront des revendications portant sur les plantes transgéniques, semences des plantes, gènes clonés et les vecteurs d'expression nouveaux, ainsi que sur les méthodes utilisables pour la production de la plante transgénique c-à-d des procédés. II- le brevet du vivant dans le système Européen : Le brevet est largement reconnu comme système de protection de la propriété intellectuelle sur la matière vivante dans le système Européen. La protection des variétés végétales par brevet formellement exclue, est consacrée en Droit communautaire491(*) de manière indirecte (a). L'articulation entre le droit de brevet et la protection de la biodiversité a été légèrement reconnue à travers la divulgation de l'origine géographique des ressources génétiques, sans reconnaître pour autant cette obligation dans le cadre du droit de brevet (b). a- le brevet sur la variété végétale en droit Européen :
Exclues formellement de la brevetabilité (1), les variétés végétales sont protégées par un système qui se rapproche du brevet et consacre largement le brevet sur l'invention biotechnologique (2). 1- exclusion formelle de la brevetabilité des variétés végétales : Cette exclusion découle de l `application de l'article 53 b de la Convention de Brevet Européen, son interprétation par la jurisprudence a ouvert la voie pour la consécration de la brevetabilité de vivant au niveau de la directive européenne de 1998 sur la protection de l'innovation biotechnologique492(*). L'article 53 b de la convention du brevet européen prévoit « les brevets européens ne sont pas délivrés pour ....b)- les variétés végétales ou les races animales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, cette disposition ne s'appliquant pas aux procédés mico-biologiques et aux produits obtenus par ces procédés » L'article 53 b de la CBE ( convention du brevet européen) exclut de la brevetabilité des produits et des procédés. Pour les variétés végétales, l'exclusion de celles ci d'une protection par brevet est doublée de l'exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques d'obtention des végétaux. L'article 64(2) de cette convention prévoit « si l'objet du brevet européen porte sur un procédé, les droits conférés par le brevet s'étendent aux produits obtenus directement par ce procédé ». L'application de cet article est susceptible de contourner l'exclusion des variétés végétales prévues à l'article 53b « tout dépend de ce que l'office entend par « directement » issu du procédé »493(*). L'OEB renvoie à l'interprétation des juges nationaux, car cette question intervient au stade de l'action en contrefaçon et non pas au stade de la délivrance. S'agissant de la brevetabilité des variétés végétales, la chambre des recours techniques de l'OEB dans la décision T 49/83 de 26 juillet 1983 « CIBA GEIGY » pose le principe de l'interprétation stricte des exceptions à la brevetabilité. Dans les faits d'espèces, la société CIBA GEIGY a mis au point un traitement chimique à l'auxine appliqué sur le matériel de reproduction de n'importe quelle plante cultivée pour protéger la plante contre l'action cytotoxique de ces produits chimiques employés dans l'agriculture. La revendication sur le procédé lui même ne posait pas de problèmes, par contre les revendications portant sur les semences traitées peuvent appartenir à des variétés protégées ou connues. Or les variétés végétales étant exclues de la brevetabilité au titre de l'article 53b, la revendication doit être rejetée. Par ailleurs, l'OEB en se reportant à la définition de la variété végétale telle qu'elle ressort du système UPOV, semble vouloir restreindre l'exclusion de la brevetabilité aux seules variétés végétales remplissant les critères DHS « les variétés végétales comprennent tous les cultivars, clones, lignées, souches et hybrides susceptibles d'être cultivés, satisfaisant à la condition de pouvoir être nettement distingués de toute autre variété, d'être suffisamment homogènes et d'être stables dans leurs caractères essentiels ». Le but recherché par l'office est de ne laisser aucune invention dans le domaine du vivant végétal sans protection: Si la variété ne peut pas faire l'objet d'une protection par COV, alors elle pourra faire l'objet d'un brevet « les inventions qui ne sont pas accessibles à la protection des variétés végétales demeurent brevetables dans les conditions générales ». La conséquence pratique de cette décision est la reconnaissance de la coexistence possible, sur un même matériel végétal d'un COV et d'un brevet. Quant est il de la protection des variétés végétales transgéniques ?
2- Consécration indirecte de la brevetabilité des variétés végétales : Les demandeurs de brevet sur les variétés végétales, dans leurs revendications par rapport à un gène isolé, introduit dans une plante, étendent les droits revendiqués à « tous les végétaux dans lesquels le gène a été introduit ». Les revendications dites larges ou fonctionnelles ne portent pas en fait sur des variétés végétales prises individuellement, elles se placent à un niveau supérieur dans la classification taxonomique et tentent de détourner l'exclusion légale de l'article 53b? Devant l'impossibilité de résoudre la problématique des revendications larges qui englobent les variétés végétales transgéniques, la chambre des recours de l'OEB a préféré adopter une position prudente, et reconnaît le décalage entre la règle juridique et la demande sociale en terme de protection : « Il n'entre pas dans les fonctions normales d'un juge de contourner des interdictions prévues par la loi, même pour répondre à un changement dans domaine d'application de la loi consécutifs à des développements majeurs, tels que le génie génétique, cela relève de la compétence du législateur de prendre des dispositions pour répondre à une situation non prévue par la convention sur le brevet européen initiale, cela reviendrait à dire qu'une instance crée par la convention à savoir les chambres de recours, qui ne peuvent agir que dans le cadre des compétences qui leurs sont conférées par la convention, en étendrait la portée au delà de ce qui a été initialement convenu. Cela relève toutefois d'une conférence des Etat contractantes conformément à l'article 171 (1) CBE ». Face à l'énigme posé par les revendications larges englobant les OGM (organismes génétiquement modifiés), c'est la Directive Européenne de 1998 qui a essayé d'apporter la réponse à travers l'article 3.1 « Sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle, même lorsqu'elles portent sur un produit composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter, ou d'utiliser la matière biologique ». Partant de la distinction entre découverte et invention la clarification apportée par la directive « aboutit à une réduction importante de la notion de découverte au profit de celle de l'invention »494(*) . Par ailleurs, la directive européenne précise que les inventions portant sur les plantes et les animaux ne sont brevetables que « si la faisabilité technique de l'invention n'est pas limitée à une variété végétale ou à une race déterminée »495(*), le considérant 32 prévoit l'exclusion de la brevetabilité d'une nouvelle variété végétale « si l'invention porte uniquement sur une modification génétique d'une variété végétale » Ainsi, la directive reprend l'exclusion traditionnelle des variétés végétales, des races animales et des procédés essentiellement biologiques pour l'obtention de végétaux et d'animaux, mais elle réduit cette exclusion à sa forme la plus étroite, en établissant d'une part une dissociation des variétés végétales et des races animales par rapport aux végétaux inventés et d'autre part une extension du brevet sur le procédé ou produit obtenu par ce procédé. La directive européenne présente également le mérite de tenter d'articuler le droit du brevet et du droit de la biodiversité. b- la divulgation de l'origine géographique des RG: Le considérant 27 de la Directive Européenne sur l'invention biotechnologique prévoit la divulgation d'une information sur l'origine géographique des RG (1), sans reconnaître une obligation de divulgation au niveau du Droit des brevet (2).Ainsi, le droit de brevet consacre une autonomie/adaptation496(*) par rapport au Droit de la biodiversité 1- une information sur l'origine géographique des RG : Il s'agit d'une simple information à insérer dans la demande de brevet, le considérant 27 prévoit « si une invention porte sur une matière biologique d'origine végétale ou animale ou utilise une telle matière, la demande de brevet devrait le cas échéant, comporter une information sur l'origine géographique de cette matière, que ceci est sans préjudice de l'examen des demandes de brevet et de la validité des droits résultant des brevets délivrés ». Il est permis de se demander sur l'utilité d'insérer une information sur l'origine géographique de la RG, si elle n'a aucun impact ni sur les formalités à accomplir, ni sur le droit matériel du brevet. La référence à l'origine géographique de la RG simple information au niveau de la demande de brevet semble s'insérer dans le cadre de la divulgation de l'invention pour le public et non comme une règle de transparence par rapport à l'application d'un régime juridique d'accès aux RG ou pour l'acquisition de la matière biologique en question. Par cet aspect, l'information requise n'a aucun impact sur le Droit du brevet. 2- une divulgation sans impact sur le droit des brevets : La divulgation de l'origine géographique n'est pas instituée comme une obligation ni au niveau du Droit du brevet, ni en dehors de ce droit. Le considérant 27 est express sur cet aspect « que ceci est sans préjudice de l'examen des demandes de brevet et de la validité des droits résultant des brevets délivrés ». Ce considérant est un ajout du parlement européen « dont l'objectif étant de permettre, en conformité avec la convention de Rio, aux gouvernements nationaux de conserver le contrôle des ressources biologiques et qui disposait d'un brevet ne pouvait pas être accordé si l'inventeur n'a pas indiqué l'origine géographique des RG » La portée de cette disposition exprime dans le cadre de la neutralité du brevet, une désarticulation entre le droit du brevet et le droit de la biodiversité. Cette désarticulation entre le Droit du brevet et la convention sur la diversité biologique dans la position européenne dénote d'un désengagement de l'Europe par rapport à cette convention et l'on peut légitimement penser que les ratification des pays de l'UE de celle ci n'équivaut pas dans ces conditions et à la lumière de la directive étudiée au refus des USA, résolu sur le chemin de la brevetabilité, de ratifier cet instrument. A vrai dire, la divergence entre les deux systèmes n'est qu'une apparence en faveur d'une régulation qui tend moyennant ce débat acharné sur la brevetablité du vivant à imposer une vision favorable à la protection de la propriété intellectuelle traditionnelle dans le sens de l'application du droit coutumier. La brevetabilité du vivant en tant que débat est déroutante : Elle risque de désorienter les pays en développement de la problématique essentielle qui est la protection juridique des ST, la réflexion en cours à l'OMPI sur un système international de la protection de la propriété intellectuelle traditionnelle est indissociable des tentatives d'imposer un brevet généralisé sur le vivant. B- la généralisation du brevet sur le vivant : Quelle dérive ? Un brevet généralisé sur le vivant, tel que formulé dans les travaux de l'OMPI (I) est indissociable d'une obligation de divulgation de l'origine instituée à l'échelle internationale, il pose la problématique de la brevetabilité du vivant pour les PED (II). I- Un brevet généralisé sur le vivant : Est-il une dérive ? La brevetabilité du vivant est un débat qui s`est cristallisé en Europe avec l'adoption de la directive européenne 98/44 vue les enjeux d'ordre éthique, économique et sociaux de cette option, et même ceux qui sont relatifs à la diffusion des connaissances497(*). A l'échelle internationale, les travaux de l'OMPI sur la mise en place d'un nouveau système mondial des brevets visent à avancer sur la voie de l'harmonisation des règles de base des brevets. Cette harmonisation devrait être effectuée à travers le traité sur le Droit positif du brevet (Substantive Patent Law Treaty) : SPLT. Contrairement à l'accord ADPIC qui ne définit que des règles minimales de protection pour les législations nationales sur le brevet, le traité SPLT qui est en phase de négociation, s'attache à préciser davantage les critères de la brevetabilité. Contrairement à l'accord ADPIC, le SPLT est orienté vers un brevet généralisé sur le vivant. Soutenus par les représentants industriels (comme l'organisation de l'industrie des biotechnologies), les USA se sont opposés à toute exception sur la brevetabilité du vivant et ce contrairement à la position exprimée par les PED et l'Europe. L'OMPI a seulement incorporé au texte une disposition qui permet aux pays qui souhaiteraient incorporer les dispositions de l'article 27-3-b à leurs législations nationales498(*). On a pu constater le rapprochement entre le système de protection du vivant par le brevet en Droit américain et Européen, par ailleurs la version de 1991 a déjà franchi un grand pas par rapport au rapprochement des deux systèmes : « la protection impose aux deux catégories le recours à des solutions qui sans être identiques, se révèlent très proches...sous deux angles : l'accès à la protection puis les droits qu'elle confère »499(*). Par conséquent, un brevet généralisé sur le vivant reconnu à l'échelle internationale est en voie de consacrer des orientations lentes mais certaines vers un brevet généralisé sur le vivant. Le débat sur l'impact de cette option sur l'agriculture est complexe, l'une de ses facettes est l'articulation entre l'innovation officielle et l'innovation non officielle à travers une obligation de divulgation reconnue à l'échelle internationale. II- L'obligation de divulgation et la brevetabilité du vivant dans les PED : L'intégration d'une obligation de divulgation de l'origine des RG au niveau des demandes de brevet en tant que condition de délivrance du brevet ou de sa validité touchant aussi bien le droit formel que matériel nécessite la modification des législations nationales afin d'insérer une telle obligation. On a vu les difficultés d'admettre cette obligation en Droit communautaire, un instrument international est-il indispensable pour assurer l'harmonisation des législations nationales portant sur cette obligation ? Dans le cadre des premières négociation du SPLT, plusieurs pays en voie de développement ont revendiqué que figurent dans les demandes de brevet l'origine du matériel génétique et une preuve du consentement du fournisseur pour l'acquisition de ce matériel. Cette revendication constitue à priori, une régulation au profit de l'Etat fournisseur si l'accès est accordé conformément à la CDB. L'obligation de divulgation aura pour effet de stabiliser le régime juridique en gestation sur la protection de la propriété intellectuelle traditionnelle et cristalliser l'option à l'échelle internationale d'un régime internationale de la répartition des avantages issus de la diversité biologique. S'agissant des droits des agriculteurs, ceux ci étant inclus dans la propriété intellectuelle traditionnelle et par référence aux textes régionaux adoptés, la place privilégiée accordée au Droit coutumier constitue une vraie dérive de l'obligation de divulgation de l'origine des RG : Le Droit coutumier précise la transmission du ST d'une génération à une génération des ST et pas nécessairement un système structuré d'appropriation des RG qu'on peut articuler avec le brevet. Par ailleurs, l'opposition des PED à la brevetabilité du vivant en général et au vivant végétal en particulier justifié par l'écart technologique entre les pays développés et ces pays ne semble pas résister à la nécessité d'intégrer le système commercial international500(*) comme c'est le cas de la modification de l'Accord de Bangui501(*) afin de permettre à certains pays Africains (tous des pays moins avancés) d'adhérer au système UPOV avant même l' échéance fixée par l'ADPIC à cet effet (2006)502(*), sachant que l'UPOV dans sa version de 1991 se rapproche du système du brevet, ce qui est également surprenant c'est que ces pays africains n'ont saisi la possibilité d'encadrer juridiquement le privilège du fermier que d'une manière très limitée503(*). Face à cette adhésion, les organisations de la société civile Africaine et mondiale ont signalé que cette décision des pays de l'OAPI « pourrait mettre en danger la sécurité alimentaire de plus de 20 millions d'agriculteurs de subsistance dans les pays concernés...»504(*) ce qui constitue également une renonciation à la loi modèle de l'OUA. Seulement, il y a lieu de relativiser ces propos d'une part, ces pays africains ont saisi l'occasion d'encadrer juridiquement le privilège du fermier, d'autre part, cette adhésion est susceptible de rendre leur espace économique plus attrayant aux investissements et au transfert des technologies. L'analyse du concept des droits des agriculteurs à la lumière des travaux de l'OMPI portant sur la protection des savoirs traditionnels nous permet d'affirmer que la revendication des droits sur les ressources biologiques par les communautés traditionnelles s'intègre parfaitement à la logique d'appropriation privative des RG et des ST qui y sont associés au profit du pouvoir transnational, la protection de la propriété intellectuelle traditionnelle est le prolongement nécessaire de cette logique qui vise à minimiser les coûts d'accès aux RG et aux ST et contrecarrer les revendications d'appropriation Etatique par rapport à une ressource économique nationale. La régulation marchande proposée tend à travers le Droit à légitimer la liberté d'accès aux ressources génétiques, la question de la répartition des avantages ne semble posée que dans le cadre intra-étatique au détriment des intérêts économiques des PED. L'analyse de la question de la divulgation nous permet de conclure à une double dérive : A l'application du droit coutumier s'ajoute éventuellement l'éventualité d'un brevet généralisé sur la matière vivante au détriment des populations agricoles. Comment peut-on au delà des dérives de la globalisation économique et écologique reconstruire le concept « droits des agriculteurs) pour l'essor technologique et économique du Sud ? * 486 Par exemple l'Australie : ( seulement les brevets ordinaires sont acceptés pour le obtentions végétales, les composantes de plantes, le matériel de reproduction les produits issus de plantes et le matériel végétal utilisé dans les procédés industriels, le brevet d'innovation n'est possible que pour les procédés qui utilisent une plante ou des parties de plantes mais qui n'aboutissent pas à la création d'une plante), et la Nouvelle Zélande : ( le matériel végétal en particulier les plantes transgéniques sont considérées comme des inventions brevetables en vertu de brevet d'utilité). Voir à ce propos Henson-Appolo (Victoria), « la protection par brevet du matériel végétal » in La coexistence des brevets et des droits d'obtenteurs dans la promotion des innovations biotechnologiques, Colloque OMPI-UPOV, Genève 25 octobre 2002, P 4. * 487 La loi modèle de l'OUA s'oppose farouchement à toute brevetabilité du vivant : On lit dans le préambule : « considérant que toutes les formes de vie sont à la base de la survie humaine et que, par conséquent la brevetabilité du vivant ou l'appropriation exclusive de toute forme de vie, y compris toute partie ou dérivée, viole le droit fondamental de la personne humaine à la vie » * 488 Sur l'idée du rapprochement voir l'analyse de Clavier (Jean Pierre), op cit, P 189 et suivant. * 489 Henson-Appolo (Victoria), « la protection par brevet du matériel végétal » in La coexistence des brevets et des droits d'obtenteurs dans la promotion des innovations biotechnologiques, Colloque OMPI-UPOV, Genève 25 octobre 2002, P 2-3. * 490 Idem, P 2. * 491 La directive 98/44/CE sur la protection de l'innovation biotechnologique, voir partie annexes. * 492 Brosset (Estelle) « la brevetabilité du vivant, la biodiversité et le Droit communautaire » in L'outil économique en Droit international et Européen de l'environnement sous la direction de Sandrine Maljean Dubois CERIC université Aix Marseille III. L'auteur a écrit à ce propos : « Malgré l'absence de dispositions spécifiques relatives aux inventions biologiques dans les législations nationales et dans la convention sur le brevet européen, exception faite des exclusions prévus à la brevetabilité qui pourraient évoquer l'amorce d'un dispositif concernant la brevetabilité, les juridictions notamment de l'OEB se sont livrés à des interprétations audacieuses, afin de les accueillir dans le champ de la brevetabilité ». P 329. * 493 Poncet (Marie Hélène), mémoire précité, P 42. * 494 Idem. P 27. * 495 L'article 4.2 de la Directive Européenne sur l'invention biotechnologique. * 496 Brosset (Estelle), article précité, P 328. * 497 Voir à ce propos le rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, rédigé par le député Alain Clays. Edition conjointe de l'assemblée nationale et du Sénat. P 68-77. Egalement, « la brevetabilité du vivant » in cahiers Europe environnement, Novembre 2001, à propos du recours des Pays Bas en annulation contre la directive européenne devant la cour Européenne de justice le 19 octobre 1998 rejeté le 9 octobre 2001. * 498 Anne Chétaille, « la protection de la propriété intellectuelle, accès aux ressources génétiques et protection des variétés végétales en Afrique centrale et occidentale» in Dialogue régional sur « Commerce, DPI et ressources biologiques : entre besoins d'intégration au système international et nécessité de préservation des intérêts spécifiques de l'Afrique ». Dakar 30-31 juillet 2002 ICTSD. P14. * 499 Clavier (Jean Pierre), op cit, P 214. * 500 Laurence R.Helfer «Intellectual property rights in plant varieties: An overview with options for national Governments», FAO legal papers online, juillet 2002. P 52. * 501 Zoundjihekpon (Jeanne), « l'accord de Bangui révisé et l'annexe X relative à la protection des variétés végétales» in Dialogue régional sur « Commerce, DPI et ressources biologiques : entre besoins d'intégration au système international et nécessité de préservation des intérêts spécifiques de l'Afrique ». Dakar 30-31 juillet 2002, ICTSD, P 96. Egalement voir « L'OAPI sape les intérêts des paysans en Afrique francophone. Grain, Communiqué de presse du 26 février 2002. * 502 Voir sur la préparation de cette adhésion le Document : Commerce international, environnement et développement : Enjeux et perspectives pour les pays africains. Travaux du séminaire. Cote d'ivoire 6-8 avril 1999. * 503 Rappelant que le privilège du fermier tel que prévu par l'article 30 de l'annexe 10 de l'Accord de Bangui n'est pas reconnu pour les plantes fruitières, forestières et ornementales. * 504 Abou Abass « la position des pays africains sur la brevetabilité du vivant », article précité, P 322. |
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