Les droits des agriculteurs et le marché mondial des gènes( Télécharger le fichier original )par Monia BRAHAM epse YOUSSFI Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis II - DEA en Droit de l'Environnement 2006 |
Les droits des agriculteursdans la perspective de la régulation marchande :La protection de la biodiversité apparaît dans le discours des ONG et de certains pays en développement comme « le dernier avatar de la croisade anti-impérialiste... condamnant avec véhéminence la marchandisation et l'appropriation du vivant »364(*) ; La rhétorique est extrêmement composite, l'opposition au marché et à la globalisation « se mêlent avec d'autres thèmes tels que la promotion de la démocratie locale, l'auto-détermination, l'affirmation du caractère sacré de la nature, l'apologie de l'altérité, l'exaltation du sauvage mais également la sauvegarde de traditions millénaires et de la transmission »365(*). La revendication pour « les droits des agriculteurs » se cristallise sur la protection des savoirs agricoles par les droits traditionnels en contrepartie de la privatisation du vivant moyennant les DPI, cette revendication se présente paradoxalement comme une régulation du marché mondial des gènes dans une logique plutôt marchande. Dans cette logique marquée par la dualité366(*) , les droits des agriculteurs se présentent tantôt comme des droits d'accès à une ressource naturelle conférés plutôt aux demandeurs des ressources génétiques tantôt comme un système de régulation conçu à la faveur des communautés agricoles locales et autochtones. L'étude des droits des agriculteurs dans le cadre des droits de la propriété intellectuelle devrait être opérée à travers la recherche de l'articulation entre les DPI sur l'innovation officielle367(*), les droits à instaurer sur la propriété intellectuelle traditionnelle368(*) pour la protection des savoirs traditionnels associés aux RG « y compris les droits des agriculteurs »369(*). Les impacts des brevets agricoles obtenus sur les variétés et les cultivars traditionnels, sur la diversité biologique agricole et sur les pratiques traditionnelles doivent être évalués afin d'assurer « la mise en place d'un mécanisme juridique palliant l'effet négatif de ces brevets tirés de variétés traditionnelles sur les paysans sans toutefois porter atteinte au DPI de la personne qui est à l'origine de la variété ou du procédé breveté »370(*). L'articulation recherchée entre les ST et l'innovation technologique reprend la logique du principe de dépendance371(*) tel qu'il ressort de la théorie des DPI à l'instarde la possibilité d'articuler le brevet et un COV sur une nouvelle variété transgénique372(*). La protection recherchée fondée sur l'inclusion d'un gène déterminant dans un support (par exemple une variété traditionnelle) protégeable par un DPI traditionnelle vise à assurer l'accès à ce gène par son isolement puis sa valorisation à travers une recomposition nouvelle dans le cadre d'une structure génétique. L'analyse de la protection de cette forme de l'innovation par un système de protection de la propriété intellectuelle traditionnelle (Section I) devrait être complétée par l'étude de la problématique de l'articulation de la protection juridique des savoirs traditionnels et celle des variétés végétales par les DPI à travers l'étude de la question de la divulgation d'origine des savoirs traditionnels et des ressources génétiques au niveau des demandes des brevets373(*) (Section II). Section I :* 364 Aubertin (Catherine), Boivert (Valérie), Vivien (Frank-Dominique), « Les droits de la propriété intellectuelle au service de la biodiversité, une mise en oeuvre conflictuelle », article précité, P 12. * 365 Idem. * 366 Cette logique s'insère à mon sens dans le double cadre de l'impérialisme biologique et de l'égo-centrisme européen : c'est l'affrontement de ces deux logiques qui est aujourd'hui au centre du débat portant sur le régime international de la répartition juste et équitable des avantages issus de la biodiversité. * 367 Position soutenue par la FAO : la distinction entre innovation officielle et innovation non-officielle ;Voir à ce propos l'analyse faite par les juristes du bureau juridique de la FAO dans « l'accord sur les droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce » :Manuel de référence, série les négociation commerciales sur l'agriculture », Rome, 2001. P33-41. * 368 Sambuc (Henri Philippe), op cit. P207 et suivant. * 369 Ici, on fait allusion à l'article 17-1 de la convention africaine sur la protection de la nature et des ressources naturelles dans sa version révisée. * 370 Recommandation de l'UICN à la 5ème réunion de la conférence des parties à la CDB (Nairobi 15-26- mai -2000) point 23 de l'ordre du jour « accès aux ressources et partage des Avantages », mai, 2000. * 371 Qui signifie qu'une innovation peut être captée par une autre innovation qui constitue un dépassement de la première * 372 On se demande si un gène isolé et purifié est protégé par brevet, introduit dans une variété végétale elle même protégée par un COV : Quelles conséquences peut-on tirer ? * 373 La distinction entre RG et ST au sein de l'OMPI. |
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