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Les droits des agriculteurs et le marché mondial des gènes

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par Monia BRAHAM epse YOUSSFI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis II - DEA en Droit de l'Environnement 2006
  

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§2- Un concept à rattacher à l'approche bilatérale de la CDB :

Conformément à l'approche bilatérale de la CDB, les pays en développement peuvent se prévaloir de leurs droits souverains sur la biodiversité à travers les contrats qui peuvent encadrer des activités de bio- prospection ou même porter sur l'accès aux RPG.

La convention sur la diversité biologique a  prévu des principes régissant l'accès aux ressources génétiques (A) qui ignorent formellement le concept « des droits des agriculteurs » tel que prévu dans le système multilatéral de le FAO mais qui s'inspirent de sa formulation dans le régime de l'Engagement international.

Les Lignes Directrices de Bonn sur l'accès et la répartition des avantages ont été élaboré selon une vision qui intègre les droits communautaires à l'approche contractuelle de la CDB, quel serait l'apport de cet instrument non contraignant par rapport à la précision du contenu normatif du concept "droits des agriculteurs" (B).

A- Les principes régissant l'accès aux RPG dans le cadre de la CDB :

L'accès aux ressources génétiques, le transfert des technologies et les activités de bio-prospection ont été au centre du compromis des pays signataires de le CDB au cours du sommet de la terre de Rio.

L'analyse du rattachement du concept "droits des agriculteurs à l'approche contractuelle de la CDB part d'une hypothèse de départ: Le concept des droits des agriculteurs dans sa formulation initiale dans le régime de la liberté d'accès aux RPG a survécu au changement de paradigme imposée par la vision mercantile de la biodiversité? Sa formulation dans le système de la FAO n'est que réductrice des revendications initiales.

En adoptant la même logique qui justifiait le concept des droits agriculteurs dans le cadre du régime de la liberté d'accès, la convention a établi en vertu de l'article 15 un contrat entre le Nord et le Sud aux termes duquel l'accès aux RG est facilité contre le transfert des technologies (Ï). La bio-prospection a été également encadrée dans le cadre de la convention (I), celle-ci peut être analysée à la lumière du code international de conduite pour la collecte et le transfert du matériel phyto-génétique.

I- Les principes juridiques régissant la bio-prospection :

En reconnaissant les droits souverains des Etats sur leurs ressources génétiques, la Convention sur le Diversité Biologique prévoit que  « le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources génétiques appartient aux gouvernements et est régi par la législation nationale. ».

Il est à noter que même en l'absence d'une loi qui règlemente l'accès aux RG à travers les activités de bio-prospection, l'article 15-5 précise que « l'accès aux ressources génétiques est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause de la partie contractante qui fournit les dites ressources, sauf décision contraire de cette partie ».

Chaque pays fournisseur doit par conséquent soumettre l'accès à ces ressources à son consentement préalable et « mettre en place une procédure à cet effet »329(*). L'application de ce principe revêt une importance réelle vu le développement des activités de bio-prospection menées par des compagnies spécialisées qui procèdent à l'exploration des RPG pour leur utilisation commerciale330(*).

A vrai dire, la bio-prospection est une pratique ancienne qui remonte même aux Egyptiens qui avant JC ont organisé en 1495 une expédition pour rapporter de l'Ethiopie 31 arbres de Boswellia,  recherchés pour leur résine adorante « La manie des collections » apparu à l'antiquité331(*) s'est poursuivie au cours des siècles pour prendre la forme d'expédition et de voyage scientifique depuis le 16ème siècle et surtout le 18ème où ils ont pris une forme plus organisée.

La tolérance des pays en développement face aux compagnes de botanistes durant la période coloniale a instauré selon certains auteurs un code de conduite, en vertu du quel « les prospecteurs demandaient une autorisation aux Etats fournisseurs, travaillaient de concert avec des scientifiques locaux et souvent avec les villageois, prélevaient ce qui les intéressaient et fournissaient un double du matériel collecté aux autorités scientifiques des pays »332(*).

En entérinant « Le refus de l'éventuelle coutume internationale du libre accès aux RG c-à-d de la liberté de prospection »333(*), la Convention sur la Diversité Biologique a conditionné l'accès par le consentement préalable donné en connaissance de cause de la partie contractante fournisseur de le dite ressource (a). L'accès aux ressources ainsi que le partage des avantages qui en découlent s'effectuent selon des conditions convenues d'un commun accord (b).

a- Le consentement préalable donné en connaissance de cause :

L'accès au matériel génétique d'origine animale, végétale, microbienne ou autre contenant des unités fonctionnelles de l'hérédité nécessite conformément à ce principe d'une part l'instauration d'un système d'autorisation ou de permis334(*) et une procédure spécifique pour que l'autorisation soit effectivement donnée en connaissance de cause.

Le consentement préalable donnée en connaissance de cause est soit accordé en vertu d'un contrat (1), soit d'un permis de collecte (2) au sens du code international de conduite pour la collecte et le transfert de Matériel phyto-génétique adopté par le FAO en 1993335(*). Dans les deux cas, l'accès autorisé, est fondé sur une volonté éclairée du pays fournisseur.

1- La contractualisation de l'accès aux RG :

L'accès aux ressources génétiques en vertu d'un contrat qui encadre la prospection et la collecte des échantillons des RG est une pratique qui était en plein essor »336(*).

Plusieurs contrats ont été singés entre des firmes Etrangères et des pays Africains tels que le contrat entre le Ghana et le firme Galaxo, le Cameroun et les institutions de Recherche des Pays bas (Tropendos), La Grande Bretagne et la France, entre le Nigeria et North industry337(*), mais le contrat le plus connu c'est celui qui a été signé entre Merck et le Costa Rica. Il servait à la fois de modèle et de fait d'annonce 338(*)pour l'approche contractuelle de la CDB.

En effet, il est probable que  « ce n'est pas sans arrière pensée que l'opération a été divulguée à quelques mois de la conférence de Rio. Elle pouvait passer pour un modèle partagé par les pays en développement et les entreprises ». Juridiquement, le contrat entre Merck et l'institut de recherche Imbio accorde au premier le droit exclusif pour faire le " screening" des organismes collectés par Imbio, et ce contre un montant initial de un million de dollars, augmenté par la suite de 50 à 60% des redevances qu'il touchera s'il concède une licence de brevet du produit dérivé339(*). L'intérêt de ce contrat est que la prospection et la collecte sont effectuées par les nationaux qui préservent le droit de contrôle de l'opération contrairement aux permis de prospection et de collecte.

La bio-prospection qui s'insère dans le cadre de la contractualisation des rapport entre fournisseurs et demandeurs des RG ne manque pas de susciter l'inquiétude dans les PED en raison des lacunes en matière de technologie, du manque de compétences dans les négociations et l'élaboration des arrangements équitables et de l'inexistence d'un cadre législatif et institutionnel adéquat, « il n'est pas donc étonnant que l'on assiste sous couvert de la bio-prospection à la piraterie des gènes susceptibles d'application industrielle »340(*).

2- Les permis de prospection et de collecte :

Il s'agit d'instaurer une procédure permettant de fournir les informations nécessaires pour qu'une autorisation soit effectivement donnée en connaissances de cause. On exige dans le système de l'autorisation de fournir les informations sur « de quelles ressources il s'agit, de la quantité du matériel requis, de la source envisagée (y compris les lieu et la méthode de prélèvement) s'il s'agit d'une ressource in situ341(*) ».

Pour une meilleure compréhension de ce système, on peut analyser le code international de conduite pour la collecte et le transfert de matériel phyto-génétique de la FAO, ce code volontaire, qui pourrait éventuellement servir de modèle pour réglementer l'accès aux RPG à l'échelle nationale342(*)a retracé comme objectif « la promotion de la collecte dans leur habitat ou milieux naturels, la conservation et l'utilisation des RPG, d'une manière qui respecte l'environnement, les traditions et les cultures locales343(*) ».

L'intérêt de ce code, qui constitue un élément du système mondial de la gestion de RPG, réside outre le système de permis de collecte qui l'instaure, en l'intérêt qu'il accorde conformément au concept des droits des agriculteurs344(*) à assurer une répartition des avantages qui profite également aux agriculteurs et ce en respect des lois nationales, des coutumes et des réglementations locales qui s'appliquent.

Conformément à ce code, une autorité compétente pour la délivrance des permis de collecteurs devrait être désignée pour se prononcer sur les demandes de permis qui émanent des collecteurs ou des promoteurs, elle est appelée à octroyer les permis conformément à l'article 8. Ces permis précisent les conditions à remplir pour procéder à la collecte.

Par ailleurs, le code décrit les responsabilités des collecteurs avant, pendant et après la collecte (article 9,10 et 11), celles qui incombent aux promoteurs, aux conservateurs et aux utilisateurs de RPG.

Enfin, le code prévoit un mécanisme de suivi de son application qui permet à la commission des ressources phyto-génétiques de la FAO d'assurer moyennement les rapports présentés par les gouvernements l'évaluation de son application. Les gouvernements devraient également informer la commission de toute décision prise afin d'interdire ou de limiter les missions de collecte.

L'Etat peut conformément au principe de la souveraineté sur les ressources biologiques interdire la prospection et la collecte ; Celles-ci une fois accordées, devraientt s'effectuer selon des conditions convenus d'un commun accord.

b- L'accès à des conditions convenues d'un commun accord :

La Convention sur la Diversité Biologique soumet l'accès aux RPG à l'acceptation par l'Etat des conditions convenues de commun accord, impliquant la négociation et la conclusion d'accords d'accès, mais ne spécifie pas quels sont les acteurs de cette négociation (comment les agriculteurs et leurs communautés peuvent être associés à une telle négociation demeure une problématique à résoudre).

Logiquement, les parties à la transaction sont le demandeur et la partie qui a juridiquement autorité pour fournir le matériel végétal en question, dans l'hypothèse ou une procédure d'autorisation a été instituée, l'Etat qui a autorisé l'accès en tant que tel joue un rôle dans l'établissement des conditions de l'accès (conformément au permis de prospection ou de collecte accordé).

Ces conditions dépendent largement de la législation nationale si elle existe mais en l'absence d'une loi nationale, on peut penser « à l'établissement par l'Etat de lignes directrices, sous forme, par exemple de contrat type»345(*) ou même à  « l'établissement des conditions minimums à respecter de façon obligatoire »346(*).

Par ailleurs, le partage des avantages résultant de cet accès s'effectue en principe selon des modalités mutuellement convenues et l'on ne peut dissocier dans ce cas de figure entre les conditions de l'accès et de la répartition des avantages lorsque le fournisseur est l'Etat. Toutefois, la convention est muette sur la répartition des avantages entre l'Etat fournisseur et ceux qui normalement devraient découler des accords d'accès pour les parties à ces accordes (lors qu'il s'agit d'une communauté autochtone par exemple).

A cet effet, l'Etat pourrait être associé à cette négociation ou à une négociation qui s'effectue en deux temps (entre l'Etat et le communauté en premier temps, puis entre l'Etat et le demandeur de la ressource).

Mis à part ces aspects qui relèvent de la technique juridique, l'accès aux RG est perçu par le CDB en étroite relation avec l'accès aux technologies innovatrices y compris les biotechnologies.

Ï- Le principe accès aux RG contre transfert des technologies :

En reconnaissant les DPI sur le matière vivante, la Convention sur la Diversité Biologique a essayé d'établir un équilibre entre les pays du Nord et les pays du Sud, ces derniers fournisseurs des ressources génétiques, les premiers disposent des technologies innovatrices : « tel est le sens du contrat accès aux gènes contre accès à la technologie »347(*).

Conformément à l'article 15-7 de la CDB « Le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages résultant del'utilisation commerciale et autre des ressources génétiques est établi conformément à «un accord mutuel ».

Au delà de ce contrat « ressources génétiques contre transfert de technologie », l'article 16 prévoit le principe d'un accès «à des conditions justes et les plus favorables y compris à des conditions de faveur et préférentielles » s'il en est ainsi mutuellement convenu.

On peut déduire que l'accès préférentiel aux technologies dépend largement de la force de négociation des pays fournisseurs des RG , or ceux-ci se trouvent en réalité désarmés devant la tendance à protéger les technologies innovatrices par des droits de brevets d'autant plus que l'article 16-2 prévoit expressément que « lorsque les technologies font l'objet de brevets et d'autres DPI, l'accès et le transfert des technologies sont assurés selon des modalités qui reconnaissent les droits de propriété intellectuelle et sont compatibles avec leur protection adéquate et effective ».

En effet, comme l'on a pu démontrer précédemment, ces technologies sont verrouillés par les brevets et relativement par les droits d'obtentions végétales qui rend illusoire toute revendication d'un accès préférentiel aux innovations technologiques même dans le cadre d'un contrat régissant l'accès aux ressources génétiques.

Après l'échec de la revendication de l'accès préférentiel à la technologie à travers le concept des droits des agriculteurs, l'on peut se demander ce qui avait pu ranimer la flamme sachant que le véritable objectif des pays en développement était d'obtenir un accès préférentiel aux biotechnologies actives, c'est-à-dire des techniques « permettant la sélection de variétés végétales, de lignés animales et de médicaments ».  

L'article 16 porte selon l'expression de Mme Hermitte la marque de ce conflit, il tient compte dans le vocabulaire choisi des revendications des pays en développement, tout en ne cédant rien sur le respect du droit de la propriété industrielle »348(*).

Outre la volonté exprimée par les parties contractantes de faciliter l'accès aux technologies par le secteur privé des pays développés aux profit des institutions gouvernementales dans les pays en développement (article 16-4 CDB), le transfert des technologies est effectué dans le respect des droits de le propriété intellectuelle .

L'article 16-5 exhorte les parties contractantes à coopérer pour le transfert des technologies, en reconnaissant que « les brevets et autres droits de propriété intellectuelle peuvent avoir une influence sur l'application de la convention », celle-ci invite les parties contractantes « à coopérer sans préjudice des législations nationales et du droit international pour assurer que ces droits s'exercent à l'appui et non l'encontre de ses objectifs ».

En effet, la protection des innovations technologiques par les DPI conformément au droit national et International portant sur ces droits risquent de porter atteinte à l'objectif même de la protection de le biodiversité déclaré dans le préambule comme la préoccupation commune de l'humanité.

Les DPI constituent un élément du système de L'OMC et « les principes de libre échange issus de l'OMC confortent l'esprit mercantile qui imprègne la convention de 1992 réduisant encore l'idéologie moribonde du dialogue Nord-Sud au seul profit de le loi du marché »349(*).

Ainsi, on peut dire que face aux obstacles imposés par les DPI au transfert des technologies, les pays en développement n'ont comme alternative que d'imposer un verrouillage de l'accès aux gènes or cette éventualité n'est ni juridiquement défendable, ni économiquement soutenable, c'est pourquoi la stratégie des PED vise paradoxalement à assurer la répartition des avantages issus de la biodiversité en se situant sur le terrain des revendications attachées à la création des conditions de marché pour la biodiversité alors les vrais acteurs du "marché mondial des gènes" préfèrent une régulation marchande à travers les DPI.

Partant de ce constat quel serait l'apport des Lignes Directrices de Bonn sur l'accès et la répartition des avantages par rapport à la Convention sur la Diversité Biologique.

B- L'apport des Lignes Directrices de Bonn sur L'accès et la répartition des avantages :

La Convention sur le Diversité Biologique a érigé la répartition des avantages comme l'un des trois objectifs de la convention : « les objectifs de la présente convention...sont la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques ».

Le paragraphe 44 du plan d'action de Johannesburg appelle les participants à ce sommet à « négocier dans le contexte de la convention, compte tenu des principes directeurs de Bonn, un régime international propre à promouvoir et à assurer un partage juste et équitable des bénéfices découlant de l'utilisation des ressources génétiques ».

Ce texte fait expressément référence aux Lignes Directrices de Bonn sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation qui est un instrument non contraignant adopté par les parties contractantes à la CDB en Avril 2002.

L'analyse des principes juridiques régissant la répartition des Avantages au profit des agriculteurs pose le problème de l'articulation du TIRPGAA avec les Lignes Directrices de Bonn. Quoique non contraignant, ce texte a déjà prévu les relations à entretenir avec les régimes internationaux pertinents: «  Les lignes directrices devraient être appliquées de manière cohérente et en soutien mutuel avec les travaux des institutions et accords internationaux pertinents. Elles sont sans préjudice des dispositions sur l'accès et le partage des avantages du traité international sur les ressources phyto-génétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO. En outre, il faudrait tenir compte des travaux de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur ces questions relatives à l'accès et au partage des avantages pour l'application des lignes directrices, il faudrait aussi prendre en compte la législation et les accords régionaux existants sur l'accès et le partage des avantages  ».

La lecture de ce texte nous amène à conclure que ses dispositions sont parfaitement en cohérence avec les textes internationaux portant sur la matière. D'ailleurs, certains auteurs pensent que Les Lignes Directrices de Bonn comme une manière de concevoir la nature d'un régime international sur la répartition des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques: «  ce régime pourrait s'articuler autour d'un protocole à la Convention sur la Diversité Biologique. Ce protocole rependrait les Lignes Directrices de Bonn et en ferait un accord juridiquement contraignant pour les parties  »350(*).

Les négociations internationales ne semblent pas s'orienter vers cette voie. En effet, l'entrée en vigueur du TIRPGAA a pour effet de doter l'agro-biodiversité d'un régime juridique spécifique celui de l'accès aux RPG dans le cadre d'un système multilatéral, ce texte reconnaît à l'instar des Lignes Directrices de Bonn les droits communautaires des populations locales et des peuples autochtones par rapport aux RPG.

I- Les communautés locales et autochtones partie permanente aux Arrangements de partage des avantages :

Les avantages qui découlent de la commercialisation des RPG sont la contrepartie d'un droit d'accès accordé par l'Etat souverain en tant que fournisseur d'une RPG à un demandeur. L'article 15 de la CDB précise qu' « étant donné que les Etats ont droit de souveraineté sur leurs ressources naturelles, le pouvoir de déterminer l'accès au RG appartient au gouvernement et est régi par la législation nationale ».

La répartition des avantages entre les deux parties contractantes s'établit selon la procédure de l'information préalable et en connaissance de cause et selon les conditions convenues de commun accord. Le plus souvent, se sont les pratiques contractuelles qui déterminent les conditions d'accès et les modalités de la répartition des avantages issus des RPG. Les droits d'accès accordés peuvent porter sur une RPG ou constituer des contrats de bio-prospection.

En plus des pratiques contractuelles, l'Etat souverain est compétent pour réglementer l'accès à ses RPG et prévoir dans sa législation nationale les modalités de répartition des avantages aussi bien avec les demandeurs qu'avec les dépositaires des RG. D'ailleurs les lignes directrices de Bonn propose de «  fournir des éléments pour la mise au point et l'élaboration de mesures législatives, administratives ou de politique générale sur l'accès et le partage des avantages, eu égard des dispositions des articles 8 j , 10 c , 15, 16, 19 ainsi que de contrats et autres aménagements à des conditions convenues d'un commun accord pour l'accès et le partage des avantages  ». 

Quoiqu'ils sont le monopole de l'Etat fournisseur de la ressource en question, les avantages «  devraient être partagés de manière juste et équitable entre tous ceux qui ont été identifiés comme ayant contribué à la gestion de la ressource et au processus scientifique et/ou commercial. Il peut s'agir d'organismes gouvernementaux, d'organismes non gouvernementaux ou d'établissements universitaires et des communautés locales et autochtones ».

Les avantages devraient être répartis de manière à promouvoir la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique.  Ces précisions apportées par les Lignes Directrices de Bonn à l'article 15 CDB sont parfaitement cohérentes avec l'esprit du TIRPGAA qui vise à travers le système de répartition des avantages au profit des agriculteurs à instituer une incitation à la conservation des RPGAA.

En application de l'article 15 CDB, «  chaque partie contractante prend les mesures législatives, administratives ou de politique générale appropriées conformément aux articles 16 et 19, et le cas échéant, par le biais du mécanisme de financement crée en vertu des articles 20 et 21 pour assurer le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages résultant de l'utilisation commerciale et autres des ressources avec la partie contractante qui fournit ces ressources. Ce partage s'effectue selon des modalités mutuellement convenues ».

Ce partage entre fournisseur et demandeur des RPG devrait être appréhendé dans la logique de l'article 8j de la convention : Etant donné que ces ressources génétiques sont le fruit de pratiques ancestrales de conservation et d'amélioration et constituent un élément important dans le système de connaissances des communautés locales et autochtones et constituent à cet effet des innovations, l'article 8j «  encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques.

L'insertion des droits des populations autochtones et locales dans la procédure du consentement préalable et en connaissance de cause implique l'accord et la participation des populations locales et autochtones en tant que dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques pour toute application de leurs savoirs sur une plus grande échelle conformément à l'article 8j de la CDB.

Cette condition signifie que l'utilisation des savoirs traditionnels devrait être effectuée avec l'accord et la participation des populations locales et autochtones. Une lecture combinée de l'article 15 et de l'article 8j nous amène à considérer ces populations des « parties prenantes »  selon le terme utilisé par les Lignes Directrices de Bonn à la gestion des RPG ce qui justifie une répartition des avantages à leur profit.

D'ailleurs l'article 8j précise que ces pratiques présentent un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et incarne un mode de vie traditionnel d'où l'on peut conclure à la nécessité de leur protection conformément à l'article 10 c) qui prévoit que « chaque partie contractante dans la mesure du possible...c) protége et encourage l'usage coutumier des ressources biologiques conformément aux pratiques culturelles traditionnelles compatibles avec les impératifs de leur conservation ou de leur utilisation durable  ».

La protection de l'usage coutumier des ressources biologiques peut être conçue dans le cadre des possibilités d'articulation entre les technologies nouvelles et la technologie traditionnelle qui présente un intérêt écologique puisqu'elle cadre parfaitement avec la conservation et l'utilisation durable des ressources phyto-génétiques.

Les Lignes Directrices de Bonn proposent d'instituer des modalités de consultation appropriées avec les communautés locales et autochtones « tels que des comités consultatifs nationaux comprenant des représentants des parties prenantes concernées ».

S'agissant de la procédure du consentement préalable donné en connaissances de cause, les Lignes Directrices de Bonn précisent : «  En ce qui concerne les droits légaux établis des communautés autochtones et locales relativement aux ressources génétiques aux quelles il est demandé d'avoir accès ou lorsqu'on demande à avoir accès aux connaissances traditionnelles associées à ces ressources génétiques, le consentement préalable en connaissance de cause des communautés autochtones et locales et l'approbation et la participation des détenteurs des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles devraient être obtenus conformément à leurs pratiques coutumières, aux politiques nationales d'accès et compte tenu des lois internes  ».

La double référence aux législations nationales et aux pratiques coutumières est assez ambiguë, une nébulosité risque de planer sur le cadre juridique de l'accès : S'agit-il de la législation nationale portant sur l'accès ou du droit coutumier de la communauté autochtone ou locale?

La rédaction du point 31 des Lignes Directrices de Bonn vise en l'absence des législations nationales sur l'accès à imposer une référence aux lois coutumières ce qui n'est pas en soi sans risque étant donné qu'il pourrait aboutir à une articulation directe entre les droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques et les droits coutumiers sur les savoirs traditionnels associés à ces ressources et vider le principe de souveraineté nationale sur les ressources biologiques de toute substance.

II- Les droits des communautés une condition convenue de commun accord :

Les Lignes Directrices de Bonn précisent dans le cadre de la liste indicative des conditions typiques convenues d'un commun accord que la «  question de savoir si les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones ou locales ont été respectées, préservées et maintenues et si l'utilisation coutumière des ressources biologiques conformément aux pratiques traditionnelles à été protégée et encouragée » doit être insérée dans le cadre des conditions convenues entre demandeur et fournisseur des ressources génétiques ce qui est de nature à conférer aux demandeurs un droit de regard sur les rapports entre l'Etat fournisseur et ses communautés locales et autochtones.

Par ailleurs, ces dispositions constituent un évolution importante par rapport aux accords bilatéraux de bio-prospection qui sont selon un auteur « la validation juridique d'un bio-piratage commis à l'encontre des communautés locales, parce que se sont les autorités nationales qui empochent l'argent et non pas les propriétaires locaux reconnus dans la CDB »351(*).

Le partage des avantages considéré comme une condition convenue de commun accord passe inévitablement par un mécanisme de répartition des avantages prévu par l'arrangement régissant l'accès aux ressources génétiques et devrait s'effectuer «  de manière juste et équitable entre tous ceux qui ont été identifiés comme ayant contribué à la gestion de la ressource et au processus scientifique et/ou commercial. Il peut s'agir d'organismes gouvernementaux ou d'établissements universitaires et des communautés autochtones et locales ».

Toutefois, ce partage est conditionné par la promotion de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique. L'appendice I des Lignes Directrices de Bonn qui porte sur « les éléments suggérés pour les accords de transfert de matériel » prévoit des avantages monétaires352(*) et non monétaires353(*);

S'agissant des avantages monétaires, le modèle de l'ATM suggéré stipule des droits spéciaux à verser à un fonds d'affectation spéciale en faveur de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique.

On peut conclure que l'approche bilatérale n'exclut pas le recours à des fonds spéciaux pour la conservation des ressources génétiques. Quoi que ces fonds suggérés doivent être institués à l'échelle nationale à la manière de la loi Indienne, la suggestion semble s'inspirer du concept «  droits des agriculteurs »  à son émergence vu le lien déjà établi entre les fonds affectés et l'objectif de conservation.

Paradoxalement le régime facilité de l'accès selon le système multilatéral de la FAO n'a pas prévu de tels mécanismes et ce en dépit des propositions faites pour la création d'un « trust fund  » pour la réalisation des droits des agriculteurs354(*). Le système multilatéral s'insère plutôt dans une logique marchande qui vise à lever les entraves face à l'accès aux RPGAA et prévoir un mécanisme de régulation favorable à l'objectif de conservation de l'agro-biodiversité.

Il ressort de cette analyse les difficultés de rattacher le concept "des droits des agriculteurs" à l'approche contractuelle de la CDB et ce en dépit de ce qui est prévu par les lignes directrices de Bonn s'agissant du " soutien mutuel et de la cohérence" entre ce texte et le TIRPGAA s'agissant des droits communautaires, le seul point de rattachement du concept à l'approche de la CDB c'est la reconnaissance du droit coutumier.

Le concept des droits des agriculteurs peut être par contre rattaché à ces droits tels qu'ils seront formulés à l'issu des travaux de l'OMPI, Les lignes Directrice de Bonn prévoient à cet effet qu' "il faudrait tenir compte des travaux de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur ces questions relatives à l'accès et au partage des avantages pour l'application des lignes directrices". On peut penser que la protection juridique des connaissances traditionnelles conformément au concept des "droits des agriculteurs" sera au centre des négociations internationales portant sur le régime international de la répartition des avantages issus de la biodiversité dans le cadre des travaux de l'OMPI.

En effet, les schémas de partage des bénéfices sont utilisés pour répondre à des problèmes plus complexes comme la privatisation de la biodiversité, les flux de bénéfices Sud/Nord et les relations entre les systèmes formels et informels de l'innovation ; Partant de ce constat, on peut penser que « des mesures approuvées et relevant d'un contrôle légal au niveau international qui régulent le commerce de la biodiversité, protègent les intérêts des fournisseurs, supportent les besoins des communautés, protègent l'environnement et limitent le champ d'action des corporations sont nécessaires »355(*).

L'étude des travaux de l'OMPI sur le savoir traditionnel va nous permettre de se prononcer partant de l'hypothèse du "marché mondial des gènes" sur les perspectives de la régulation d'un marché émergent sur le fondement des "droits des agriculteurs", ou d'abandonner définitivement cette hypothèse pour affirmer que la précision du contenu normatif du concept des "droits des agriculteurs" dans le cadre du régime international de la répartition des avantages issus de la biodiversité va anéantir toutes les revendications tiers-mondistes attachés au concept "marché mondial des gènes", dans cette perspective peut-on penser à une régulation à travers l'instauration d'un ordre public écologique pour lequel l'articulation entre l'accord ADPIC et les différents textes internationaux relevant du Droit de Développement (sécurité alimentaire,innovation technologique, santé de l'homme, bien être économique et social de l'homme)devrait être assurée?

La réponse à ces interrogations passe inévitablement par l'analyse du concept dans la perspective de la régulation marchande du marché mondial des gènes pour en conclure à la nécessité de sa reconstruction plutôt dans une optique humaine.

* 329 Lavielle (Jean Marc), le convention sur le diversité biologique Revue du droit rural n°305 Août /septembre 2002, P433

* 330 «Recent advances in biotechnology have increased the ability of scientists to investigate organisms at the genetic level and to find ways to commercialize products developed from such investigations. This is recognized by an increasing number of companies involved in so-called « bio prospecting » the exploration for commercially valuable genetic and bio chemical and agricultural industries », voir à ce propos l'article de.Darrell Addison Posey and Graham Duttfield, « Traditional knowledge , biotecknology and IPRS » in Ouvrage collectif, Droit des brevets, éthique et biotechnologie, Edition Brussel, Bruxelles, 1998, P 112.

* 331 Ouvrage collectif, La diversité biologique : la vie en péril, Dossiers de l'environnement, Editions Georg, Genève, 1992, P 38-39 et 40

* 332 Hermitte (Marie Angèle) ; « La convention sur le diversité biologique », article précité, P 845.

* 333 Idem, P862.

* 334 Burhenne Guilmin (française), « L'accès aux ressources génétiques les suites de l'article 15 de le convention sur le diversité biologique » in Les hommes et l'environnement quels droits pour le 21ème siècle quels droits pour de 21ème siècle, Edition Frison-Roche, Paris, 1998, P555.

* 335 Voir le texte intégral de ce code, partie annexes.

* 336 Kamto (Maurice), droit de l'environnement en Afrique, Edition EDICEF/ AUPELE, Paris, 1996, P124.

* 337 Idem.

* 338 Hermitte (Marie Angèle) , « La convention sur les diversité biologique », article précité, P 847.

* 339 Dans certaines lectures, on présente le contrat Merck Imbio comme un permis de prospection délivré à Merck qui partagerait ensuite les profits de l'exploration.

* 340 Gadji ( Abraham), « Bioprospection et commercialisation des ressources biologiques dans les pays africains : cas de la Côte d'ivoire » in Dialogue régional sur « Commerce, DPI et ressources biologiques : Entre besoins d'intégration au système international et nécessité de préservation des intérêts spécifiques de l'Afrique », Dakar 30-31, ICTSD, 2002, P 171.

* 341 Buheme Gulmin (française). « L'accès aux ressource génétiques les suites de l'article 15 », article précité, P555.

* 342 Voir le préambule du code international de conduite pour la collecte et le transfert de matériel phyto-génétique.

* 343 l'article 1er du code international de conduite pour la collecte et le transfert de matériel phyto-génétique..

* 344 Le code précité rappelle le définition de la résolution 5/89 sur les droits des agriculteurs, appelle à favoriser la participation directe des agriculteurs aux compagnes de collecte ; à la répartition des avantages entre, donateurs et utilisateurs et l'indemnisation des communautés locales et des agriculteurs pour leur contribution à la conservation et au développement des RPG...

* 345 Burhenne Gulmin (française), article précité, P556.

* 346 Idem.

* 347 Hermitte (Marie Angèle) , « La convention sur les diversité biologique », article précité, P 865.

* 348 Idem.

* 349 Kiss (Charles Alexandre), Beurrier (Jean Pierre), Droit international de l'environnement, op cit, P312.

* 350 Morin (Jean Frédéric), «  CDB, quelle pourrait être la nature d'un régime international de partage des avantages ? », article précité, P 4.

* 351 Banos Platiau (Ana Flavia), Vers quel Droit de la protection internationale de l'environnement ? Le développement des régimes internationaux pour la gestion de la biodiversité globale et pour le contrôle des changements climatiques avec la participation brésilienne, thèse précité, P 175.

* 352 Les avantages monétaires prévus dans le modèle de l'ATM annexé aux lignes directrices de Bonn sont :

- droits d'accès / droits par échantillon collecté au autrement acquis.

- paiements initiaux.

- paiements directs.

- paiements de redevances.

- droits de licence en cas de commercialisation.

- Droits spéciaux à verser à des fonds d'affectation spéciale au faveur de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique

- Salaires et conditions préférentiellement s'il en est convenu d'un commun accord.

- Financement de la recherche.

- Coentreprises.

- Copropriété des droits de propriété intellectuelle pertinents.

* 353 Les avantages non monétaires sont :

- partage des résultats de la recherche et de la mise en valeur.

- Collaboration, coopération aux programmes de recherche scientifique et de mise en valeur, notamment aux activités de recherche biotechnologique, autant que possible dans le pays fournisseur.

- Participation au développement de produits.

* 354 Providing Farmer's rights through in situ conservation of crop genetic resources. Etude de fond n° 3 pour la préparation du Traité international sur les ressources phyto-génétiques pour l'alimentation et l'agriculture. Stephen B.Brush. Première session extraordinaire de la commission des ressources phytogénétiques. Rome 7-11 Novembre 1994.

* 355 Biodiversité à vendre: Rétablir la vérité sur le partage des bénéfices. Grain. Avril 2000, P 20.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard