2.5.2. Le test de cointégration de
Johansen(1988)
Cette partie d'étude est consacrée
à l'application de la méthode de cointégration. En effet,
la littérature empirique de la finance offre un très grand
cumul
de travaux empiriques qui ont tenté de définir les
théories de détermination du taux de change en tant que relations
d'équilibres stables de long terme. Cette voie de recherche
a été encouragée par le développement
de l'économétrie des séries temporelles et de la
théorie de cointégration.
La technique de cointégration constitue
une analyse qui génère des estimations
empiriques pour le trajet de long terme de taux de change
réel tout en tenant compte de l'évolution des séries
temporelles des fondamentaux. Selon la théorie de cointégration,
deux séries xt et yt sont dites co-intégrés
d'ordre d et b, pour 0<b<d, s'il existe un vecteur
co-intégrant (á, â) tel que :
Zt = á xt + â yt est intégré
d'ordre (d - b).
On distingue dans la littérature les
travaux employant les procédures de test de cointégration en
deux étapes de Engel et Granger (1987) des autres utilisant la
cointégration multidimensionnelle de Johansen (1988) et la
cointégration d'Engel
et Joyeux (1990).
Johansen propose une estimation de
l'espace des vecteurs co-intégrants d'un processus vectoriel
autorégressif co-intégré par la méthode
de maximum de vraisemblance. C'est pour cela qu'il a proposé
un test de rapport de vraisemblance (LR) pour déterminer les
vecteurs co-intégrants qui traduisent le mieux les relations
co-intégrantes. Donc, l'avantage de cette méthode
est qu'elle offre plus qu'un vecteur
co-intégrant.
Soit le modèle vectoriel
autorégressif (VAR) d'ordre p suivant :
Xt = 1 Xt-1 + 2 Xt-2 + ... + k Xt-k +ut
(2.34)
K représente l'ordre de retard du
modèle choisit suivant le rapport de vraisemblance.
Xt contient n variables toutes intégré d'ordre 1 I
(1).
Si on écrit cette relation sous une forme
de correction d'erreur pour un vecteur
à : n variables Xt = (x1t, ..., xnt) on a :
Xt = 1 ?Xt-1 + 2 ? Xt-2 + .... + k ? Xt-k + Ð
Xt-k + åt (2.35)
Où åt est supposé un
vecteur de perturbations normales.
S'il existe r relations de cointégration
(0< r< n) entre les composantes de Xt, la matrice Ð est de rang (n -
r) et peut être décomposée sous la forme Ð = á
.â, avec á
et â de dimension (n, r). Dans ce cas, si on note ë
= (ë1, ..., ën) le vecteur des valeurs propres associés
à la matrice des corrélations canoniques entre ? Xt et
Xt-k et V = (v1,..., vn) la matrice des vecteurs propres associés
à ë, alors seules les r plus grandes
propres (ë1, ..., ën) sont
significatives et â = (v1,..., vn) est
constitué des r premiers
vecteurs propres.
L'étape suivante consiste à
tester des vecteurs co-intégrants. Pour cela, Johansen a
utilisé deux statistiques basées sur le rapport de vraisemblance
(LR) :
Test de la trace : LR1 = T
N
log(1 - i )
i =q +1
(2.36)
Les ëi représentent
les corrélations canoniques entre les séries ? Xt et
Xt-k. LR1
teste l'hypothèse nulle r q contre
l'hypothèse alternative r = q + 1, où r est le nombre
des vecteurs co-intégrants.
La deuxième statistique est :
Test de la valeur propre : LR2 = T log
(1- ëq+1) (2.37)
LR2 teste l'hypothèse nulle r = q contre
l'hypothèse alternative r = q + 1.
De ce fait, le nombre des vecteurs
co-intégrants est déterminé en comparant la valeur de LR1
ou de LR2 aux valeurs critiques pour des seuils de 1%et de 5%
tabulées
par Johansen (1988).
Dimension de l'espace de
cointégration
Les valeurs propres calculées ainsi que
les statistiques du ratio de maximum de vraisemblance (LR) sont
résumées dans le tableau suivant :
Tableau 2.16 Résultat du test de
cointégration de Johansen
Relation de
cointégration
|
Relation de
cointégration
|
Statistique
LR
|
Valeurs critiques
|
Seuil 1%
|
Seuil 5%
|
LTCR=F (LDIP,
LDDM)
|
0
1
2
|
27.13
13.26
3.58
|
29.75
16.3
6.51
|
24.31
12.53
3.84
|
Les résultats des tests de
cointégration de Johansen (1988) nous permettent de
détecter des relations de cointégration.
En effet, la valeur de la statistique
(LR), pour la relation de cointégration,
inhérente à l'hypothèse (0 relation
de cointégration et 1 relation de cointégration) (27.13,
13.26) est supérieure à la valeur critique (24.31, 12.53) et ce,
pour un seuil de significativité de 5. Ce résultat nous conduit
à accepter l'hypothèse de présence d'au moins 2 vecteurs
de cointégration.
D'autre part, cette même
statistique afférente à l'hypothèse (2 relation de
cointégration) admet une valeur calculée de 3.58
inférieure à la valeur tabulée pour un seuil de
significativité de 5%. Ce résultat nous conduit à
l'affirmation de présence de 2 relations de cointégration.
Commentaires
Les résultats contradictoires entre les
deux approches de cointégration à savoir celle de Engle et
Granger et celle de Johansen peut être expliquées par
plusieurs
facteurs.
· En présence de coûts de transaction, la
vitesse d'ajustement vers
l'équilibre varie directement avec l'étendue de
l'écart par rapport à la cible de long terme. Les
coûts de transaction impliquent différents régimes de
transaction. Il existe une " bande de transaction" à
l'intérieur de laquelle aucune transaction n'a lieu, même si le
taux de change n'est pas à sa parité. A l'extérieur
de la bande, c'est-à-dire une fois que la déviation du change
a dépassé le seuil déterminé par les coûts de
transaction, l'arbitrage international sur les marchés des marchandises
redevient profitable et assure la convergence du taux de change vers sa valeur
d'équilibre de long terme ;
· Les fondamentaux eux-mêmes sont sujets
à des variations susceptibles d'être incompatibles avec un
ajustement linéaire des taux de change ;
· Le caractère inefficient des marchés
de changes. En effet, la dynamique du taux de change dépend des
anticipations que font les investisseurs sur les fondamentaux
économiques ; et
· La dynamique du taux de change est soumise
à des rigidités. Il
peut s'agir de rigidités liées au
fonctionnement des marchés
(rigidités des prix), à la politique
économique (les gouvernements
ne défendent les parités que si les
écarts dépassent un certain seuil), aux comportements des
agents (en raison des coûts de transaction, il existe des seuils en
deçà desquels il est trop coûteux d'acheter ou de
vendre).
Au total, de nombreux arguments
économiques permettent de justifier les contraductions entre les
résultats de la méthode de cointégration en deux
étapes de Engle et Granger et celle de Johansen. Ces
éléments ont des implications importantes
au niveau économétrique. Il est difficile de
rendre compte du caractère persistant des écarts du taux de
change en retenant le cadre empirique des modèles basés
sur l'hypothèse de cointégration linéaire avec retour
à la moyenne rapide vers la cible de long terme. Les arguments
évoqués précédemment conduisent plutôt
à se poser la question de l'introduction d'une dynamique avec
mémoire longue. Il convient alors
de s'attacher aux modèles reposant sur la
cointégration fractionnaire.
Dans la section suivante, nous tentons de
vérifier si le processus d'ajustement
du taux de change réel vers sa valeur
fondamental exhibe un phénomène de persistance et s'il y
a une relation de cointégration fractionnaire entre le taux de
change et les fondamentaux.
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