3.2- Les études économétriques
D'autres approches, plus positives que
normatives, cherchent à évaluer le taux
de change d'équilibre au moyen d'équations
réduites. Ces travaux s'appuient sur les relations de long terme
existant entre le taux de change réel et diverses variables
macroéconomiques influençant les équilibres interne et
externe. La mise en évidence
de telles relations de long terme fait dès lors appel
à la théorie de la cointégration et à l'estimation
de modèles à correction d'erreur (voir notamment Stein [1994],
McDonald
[1995, 1997], Clark et McDonald [1998], Aglietta et al.
[1998]). Ces diverses études
se situent ainsi dans une perspective plus
économétrique que les travaux précédemment
cités. Notons que cette approche économétrique
constitue l'approche adoptée pour estimer les taux de change
réels d'équilibre selon l'approche microéconomique. En
effet, face aux difficultés résultant de la mise en
oeuvre d'un modèle d'équilibre général inter
temporel, les travaux empiriques se sont principalement attachés
à mettre en évidence plusieurs déterminants fondamentaux
des taux de change réels d'équilibre. Ceci peut donc se
faire grâce à la théorie de la cointégration
en mettant en avant l'existence de relations de long terme entre le taux de
change réel et divers facteurs structurels; les écarts de court
terme du change observé
au change d'équilibre résultant de facteurs
cycliques, spéculatifs ou monétaires.
Edwards [1989] a ainsi estimé le taux de
change réel d'équilibre d'un ensemble
de pays en voie de développement. L'auteur a
mis en avant l'existence d'un certain nombre de déterminants du
change réel tels que les termes de l'échange, le
progrès technique, l'accumulation du capital, le niveau de la
répartition des dépenses publiques entre les biens
échangeables et les biens non échangeables et divers
indicateurs du contrôle des changes. Halpern et Wyplosz [1996]
ont cherché à déterminer les fondamentaux du change
réel des pays en transition de l'Europe de l'Est et ont mis en exergue
l'importance de la productivité apparente du travail, des termes de
l'échange
et du taux de participation sur le marché de l'emploi.
Parikh et Kahn [1997] appliquent quant à eux la théorie de la
cointégration au taux de change de l'Afrique du Sud. Leurs
résultats montrent que le taux de change réel
d'équilibre de long terme est fonction d'un certain nombre de
fondamentaux tels que les prix de l'or, la croissance de la
productivité, les coûts de transport et les termes
de l'échange. A court terme, le poids
de la dette extérieure et intérieure influence
le comportement du taux de change réel. Leur analyse montre en outre que
la croissance de la productivité en Afrique du Sud a pour
conséquence une appréciation du taux de change réel
contre le dollar à long terme, alors qu'à court terme
elle ne semble avoir aucun effet. Signalons enfin les travaux de
Abimanyu [1998] analysant, pour l'Indonésie, la relation entre le taux
de change réel effectif, le taux de change réel
d'équilibre et diverses variables macroéconomiques. Son
étude montre que deux déterminants expliquent l'évolution
du change réel : la consommation publique et le déficit fiscal.
Une augmentation de ces deux variables entraîne ainsi une
appréciation du change réel, ce qui remet en cause
l'équivalence ricardienne.
Aglietta et al. [1998]
considèrent quant à eux un modèle de taux de change
réel d'équilibre prenant en compte l'effet Balassa, la
soutenabilité de la position extérieure nette et un terme
représentatif de la compétitivité hors prix. L'effet
Balassa est pris en compte par le biais du rapport des prix relatifs entre les
biens échangeables et les biens
non échangeables : lorsque ce rapport augmente plus vite
dans un pays A que dans un pays B, le taux de change réel du pays A
relativement au pays B tend à se déprécier.
La position extérieure nette est définie
par le solde cumulé de la balance courante : plus un pays a
accumulé d'excédents, plus sa position extérieure nette
est élevée et plus son taux de change réel
d'équilibre s'apprécie. Enfin, à la suite des travaux de
Aglietta
et Baulant [1994], la variable représentative de la
compétitivité hors-prix est constituée des
dépenses en recherche et développement : une augmentation
de la compétitivité hors prix engendre une
appréciation du taux de change réel d'équilibre. Ce
modèle
est appliqué aux taux de change réels
bilatéraux du dollar par rapport à trois monnaies
européennes : mark, franc et lire sur la période 1973.1 à
1996.4. Les tests effectués par Aglietta et al. [1998]
montrent que les séries de taux de change réels sont
intégrées d'ordre un et mettent en avant l'existence d'une
relation de cointégration entre les taux
de change réels et les variables fondamentales
du modèle pour tous les pays considérés.
L'estimation de modèles à
correction d'erreur montre en outre que les écarts de
taux d'intérêt jouent un rôle important dans
la dynamique du taux de change, de même
que le mésalignement 20 constaté
à la période précédente. Les auteurs
agrègent ensuite
les trois monnaies considérées selon leur
poids dans l'ECU afin de construire une proxy du taux de
change d'équilibre de l'euro contre le dollar. Les
résultats obtenus font ressortir le fait que le mésalignement
est croissant depuis 1983, la surévaluation réelle du dollar par
rapport à l'euro dépassant 40% en 1985. Depuis 1986, le taux de
change réel d'équilibre du dollar contre l'euro suit une tendance
légèrement baissière.
En étudiant les contributions des diverses variables
fondamentales à la détermination
du taux de change réel d'équilibre, les auteurs
montrent que l'impact de la recherche- développement, bien que
significatif, joue très faiblement. En revanche, les rapports de prix
relatifs et les positions extérieures nettes apparaissent
comme étant deux déterminants fondamentaux dans la formation
du taux de change réel d'équilibre.
Concernant à présent l'approche
en termes de besoin de financement des nations, la plupart des
études (voir Cadiou [1999]) suppose qu'à moyen terme
la
balance des capitaux s'ajuste à la balance
courante, c'est à dire au besoin (ou
à la
capacité) de financement des différents pays.
Dans ce cadre, Masson et al. [1996]
et Stein [1995] estiment des équations d'investissement et
d'épargne et s'appuient sur la différence entre l'épargne
et l'investissement pour définir les cibles de balance courante
à moyen terme. Stein [1995] réalise alors une
application empirique concernant le taux
de change du dollar contre les autres monnaies des pays du G7. Le
taux de change réel
du dollar ne dépend à long terme que des
préférences pour le présent des Etats Unis
et des pays du G7, définies comme la propension
moyenne des agents domestiques privés et publics à
consommer le revenu national. L'auteur montre qu'il existe une relation
de cointégration entre le taux de change réel et les propensions
à consommer.
20 Bien évidemment, ce mésalignement de
la période antérieure représente le résidu (en t-1)
de la relation de cointégration précédemment
estimée
Plus précisément, le dollar se
déprécie lorsque la préférence pour le
présent
augmente aux Etats Unis en raison de l'aggravation du
déficit extérieur et de la baisse
du stock d'avoirs extérieurs net à long
terme. La balance commerciale doit dès lors s'améliorer
pour répondre aux paiements d'intérêts vis à vis des
pays du G7. A plus court terme, le change réel s'apprécie
en raison de l'augmentation du différentiel d'intérêt
entre les Etats Unis et les pays du G7 afin d'assurer l'équilibre de la
balance
des paiements.
Conclusion
Même si la théorie de la
parité des pouvoirs d'achat constitue une référence
utile
à long terme pour les taux de change nominaux,
nous avons mis en avant ses inconvénients lorsque l'on raisonne en
termes de taux de change réels. En particulier, cette théorie,
postulant la constance ou la stationnarité du change réel, fait
abstraction
de toute considération d'équilibre
macroéconomique : elle ne permet pas de relier le taux de change
réel à la situation économique d'un pays et, en
particulier, à sa position extérieure. Face à ces
insuffisances théoriques et aux nombreuses difficultés
empiriques soulevées par cette théorie, nous nous sommes
tournés vers d' autres approches de détermination du taux de
change réel d'équilibre notamment : l'approche
macroéconomique et l'approche NATREX.
Ces approches nous ont explicité les
fondamentaux et les déterminants du taux
de change réel d'équilibre .La question qui
se pose alors est de savoir s'il y a une rupture entre le taux de
change et ses fondamentaux.
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