Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
2 : En FranceEn revanche, dans certains systèmes juridiques, et notamment en droit français, le juge constitutionnel a toujours saisi la perche pour éclairer les zones d'ombres qui pouvaient persister autour de la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus chaque fois qu'il a été sollicité. Ainsi dès 1979, le Conseil constitutionnel a consacré pour la première fois la libre administration comme un principe à valeur constitutionnelle71(*). Cela voulait dire que cette liberté est constitutionnellement garantie et que le législateur ne peut y porter atteinte. Le Conseil Constitutionnel s'est également prononcé sur les principes fondamentaux de la libre administration. En se basant sur l'article 24 de la Constitution française - qui trouve son répondant à l'article 98 de la Constitution béninoise - le juge constitutionnel français avait également fait remarquer que seul le législateur est compétent pour intervenir chaque fois qu'une mesure touche aux principes fondamentaux de la libre administration72(*). En outre, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'autonomie financière des collectivités en reconnaissant qu'il revient au législateur de déterminer les ressources des collectivités, qu'il s'agisse de celles transférées par l'Etat ou de leurs ressources propres73(*). En conséquence, le juge constitutionnel n'a pas hésité à clarifier que l'autonomie financière n'implique en aucun cas une autonomie fiscale et que les collectivités ne disposent pas d'un véritable pouvoir fiscal74(*). Cependant le législateur ne saurait entraver la libre administration des collectivités en restreignant à un tel point les ressources globales de ces entités ou la part des recettes fiscales dans ces ressources75(*). Enfin, s'agissant de l'élection des assemblées, le Conseil Constitutionnel a rappelé que le législateur ne pouvait faire prolonger anormalement le mandat des élus. Les élections devaient être organisées et à bonne date pour que les électeurs puissent exercer « leur droit de suffrage pour la désignation des membres des conseils élus des collectivités territoriales selon une périodicité raisonnable »76(*). Plusieurs autres décisions du Conseil constitutionnel qui protègent la libre administration ainsi que ces principes fondamentaux des incursions du pouvoir législatif ou exécutif pourraient également être évoquées ici sans qu'elles soient dépourvues de pertinence. Mais, l'exercice ici ne consiste pas pour nous à faire une liste exhaustive des incursions du Conseil Constitutionnel dans la définition du contenu et des limites de la libre administration. * 71Voir décision 79-014 DC du 23 mai 1979 relative au territoire de Nouvelle-Calédonie (France) * 72 Voir Décision 88-154 L du 10 mars 1988 (France) * 73 Voir par exemple Décision 91-291 DC du 6 mai 1991 relative au Fonds de solidarité des communes (France) * 74 Voir utilement en ce sens le considérant 64 de la Décision 599 DC du 29 décembre 2009 et la décision 90-277 DC du 25 juillet 1990 relative à l'établissement d'impôts directs locaux. (France) * 75 Voir les décisions 91-298 DC du 24 juillet 1991 concernant les dispositions fiscales rétroactives ; 98-405 DC du 29 décembre 1998 sur la Loi de finances rectificative pour 1998 et 2000-432 DC du 12 juillet 2000 sur la Loi de finances rectificative pour 2000. (France) * 76 Voir en ce sens les décisions 93-331 DC du 13 janvier 1994 sur le Renouvellement triennal des conseillers généraux et 90-280 DC du 6 décembre 1990 sur la Concomitance des élections régionales et cantonales (France) |
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