Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
Section 2 : Les fonctions actuelles du maireAutant il est correct d'affirmer que la minoration des pouvoirs du maire a eu comme conséquence une perte d'influence de ce dernier, autant il est inexact de penser que les maires n'ont plus d'influence au sein des communes ou qu'un autre organe est plus influent qu'eux. Le maire aujourd'huia vu son influence se rediriger vers un autre volet de l'administration. Il est toujours le représentant de l'administration centrale. Il n'est certes plus l'organe exécutif,mais conserve certaines fonctions de représentation de la commune. En dehors de ces fonctions, le maire possède également certains attributs qui lui permettent de prendre les décisions stratégiques au sein de la commune et de s'assurer de leur bonne exécution. Ainsi présentées, les fonctions du maire s'articulent globalement autour de la représentation (paragraphe 1), puis de la prise de décision et du contrôle (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les fonctions de représentationLa réforme a tenu à conserver le maire en tant que première autorité de la commune. Le codecontinue à compter sur le maire en ce qui concerne la communication avec l'extérieur« sous réserve des attributions propres du secrétaire exécutif »149(*). Figure phare, le maireparle et agit donc au nom de la commune dans des conditions précises. De plus, sur son territoire, le maire demeure le représentant du pouvoir central. Dans ce cadre, c'est par exemple lui qui assure l'ordre public ou encore la délivrance des cartes nationales d'identité. Les fonctions de représentation dont dispose le maire impliquent nécessairement la représentation de l'administration centrale (A). Mais, elles ne se limitent pas uniquement à ce niveau. Tout comme le secrétaire exécutif, le maire représente également la commune, mais uniquement dans certains cadres. Le maire est donc la figure phare de la communeet à ce titre représente la commune (B). A : La représentation de l'administration centraleLe maire, figure d'autorité, représente l'administration centrale devant ses mandants. L'article 16 de la loi 98-005 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes à statut particulier énumère la liste des compétences incluses dans le pouvoir de représentation de l'administration centrale et dont le maire à la charge. Il est vrai que cette loi est désormais caduque après l'entrée en vigueur du nouveau code de l'administration territoriale. Toutefois, il est intéressant de constater à la lecture de cet article que la représentation de l'administration centrale implique les fonctions d'officier d'étatcivil (1). La représentation de l'administration centrale implique également, au regard du code de procédure pénale, que le maire soit un officier de police judiciaire (2). 1 : La fonction d'officier d'état civilAu titre des fonctions de représentation, en se référant à la loi 98-005 précédemment citée et désormais caduque, l'article 16 énumère que « le maire représente l'État dans la commune dans les domaines suivants : étatcivil, opérations de recensements ; publication et exécution des lois et règlements ; légalisation des signatures ; défense nationale en ce qui concerne le recensement et la défense ». L'une donc des fonctions de représentationque le maire continue d'exercer après la réforme institutionnelle est celle d'officier d'état civil. Cela est vérifié lorsqu'on se réfère à l'article 108 du nouveau code qui dit : « Le maire est officier d'étatcivil. En cette qualité, il reçoit les déclarations de naissance et de décès et procède ou fait procéder à leur enregistrement conformément aux lois et règlements. Il célèbre les mariages. Il procède de même pour tous actes ou jugements affectant l'étatcivil des personnes concernées. Il délivre les extraits des actes d'étatcivil ». Le maire a longtemps été celui qui délivre les actes d'étatcivil.La même loi précise que le maire peut déléguer au secrétaire exécutif ses fonctions d'officier d'état civil. Le secrétaire exécutif « signe les actes d'état civil sur délégation du maire. Cette désignation ne concerne pas la célébration des mariages »150(*). De même, le maire est tenu de prendre les mesures idoines pour le recensement de la population présente sur son territoire. Toutefois, cette disposition du nouveau code de l'administration territoriale doit être tempérée, car elle semble ne pas prendre en compte l'existence de l'ANIP. En effet, le responsable de l'Agence Nationale d'Identification des Personnes a qualité d'officier d'état civil à compétence territoriale nationale151(*). Dans la pratique, c'est ce dernier qui établit, gère et authentifie tous les actes de l'état civil des Béninois. Depuis quelques années, c'est par le biais de cette agence que les personnes physiques peuvent se faire identifier par un numéro personnel d'identification. A partir de ce numéro, l'ANIP peut délivrer la carte d'identité biométrique, le certificat d'identification personnelle, l'acte de naissance sécurisé, l'acte de décès, l'acte de mariage, etc. La disposition de l'article 108 du code de l'administration territoriale peut donc aujourd'hui être considérée comme partiellement ineffective. Une norme est effective « soit lorsque ses destinataires la respectent, c'est-à-dire quand ils accomplissent l'obligation à laquelle la règle les soumet, soit quand les autorités chargées de sa mise en oeuvre, juge inclus, l'exécutent, autrement dit lorsqu'ils contrôlent et sanctionnent ses violations »152(*). * 149 Loi 2021-14, art.110 * 150 Loi 2021-14, article 132 al.2. * 151 Décret 2018-206 portant attributions, organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale d'Identification des Personnes, art.5., voir également le site Internet de l'ANIP https://www.anip.bj/acte-de-naissance/ (consulté le 19 février 2023) * 152 LEROY Yann, « la notion d'effectivité du droit », In Droit et société, Editions juridiques associées, n°79 mars 2011, p.718 |
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