Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
Partie 2 : La place du maire dans la libre administration par des conseils élusUne fois qu'un tel tableau de la gestion locale a été dressé. Il semble évident qu'une réforme de l'administration territoriale devait pointer à l'horizon. Et ce fut le cas avec la codification des textes de l'administration territoriale en 2021. A travers cette codification, il est tout de même intéressant de rechercher la nouvelle place qui est désormais celle du maire. En effet, ce code a procédé à de profondes mutations dans l'organisation et le fonctionnement des collectivités béninoises en réponse aux difficultés éprouvées. D'un point de vue organique, le code a instauré un conseil de supervision et un secrétaire exécutif : deux nouveaux organes communaux. Le décret N° 2022-303 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes a également consacré un organe rattaché à la Présidence de la République et qui se charge de contrôler la gestion des communes. C'est dire qu'il y a désormais de nouveaux acteurs dans le paysage institutionnel des collectivités. Là où l'ancienne loi faisait du maire « l'organe exécutif de la commune »115(*), le nouveau code le dépossède de cet attribut et fait du secrétaire exécutif l'ordonnateur du budget communal. En réalité, les réformes contenues dans ce nouveau code ne sont pas anodines, elles s'inscrivent dans une certaine logique de nouvelle gestion publique axée sur la performance. Cette dernière, pluridimensionnelle, postule notamment une séparation entre les fonctions de décisions et d'exécutions : plus simplement, entre les fonctions politiques et celles technico-administratives. Mais à l'arrivée, la séparation des fonctions de décisions et d'exécutions dans les collectivités a entrainé la désignation par la voie de la nomination du secrétaire exécutif, ce nouvel organe exécutif de la commune. Au lieu de la voie de l'élection qui est celle traditionnellement appliquée, on assiste donc désormais à la nomination de l'organe exécutif local. De plus, à l'analyse, ce n'est pas uniquement la nouvelle gestion publique qui est à la base de toute la réforme de la décentralisation. Car, si c'était le cas, l'on pouvait se reposer sur les démarches de la performance effectuées par des pays comme la France ou l'Allemagne. Mais il y avait une quête de performance qui devait reposer sur la bonne gouvernance. Les réalités béninoises sont difficilement comparables à celles d'outre-mer. La réforme apparue n'a pas eu vocation à régler le problème de la bureaucratie propre à l'administration wébérienne, mais a voulu faire de l'administration locale un outil de développement bien géré et au service du peuple et non d'un groupuscule d'individus. L'apparition dans le paysage institutionnel de la commune du secrétaire exécutif ayant contribué à minorer les fonctions du maire, la réforme organique a été parfois critiquée, taguée de nuire à la démocratie locale et donc aux bases constitutionnelles de la décentralisation. Plusieurs autres arguments font que cette réforme institutionnelle axée sur la performance, bien que bienvenue (chapitre 1), n'a pas manqué de susciter des interrogations et des controverses (chapitre 2). * 115 Loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l'administration territoriale de la République du Bénin, art. 24. |
|