Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
B : Une culture de l'impunitéDans ce contexte de prévalence d'une forme d'impunité, il est aisé d'anticiper un fait : les dérives au niveau local se multiplieront. Avant 2016, il y avait très peu de condamnation dans les cas avérés de mauvaise gestion. L'exemple le plus connu est sans doute celui de l'ex-maire Mathias Gbèdan dans la gestion d'une affaire domaniale à la mairie de Sèmè-Kpodji. S'il est l'exemple le plus connu, c'est parce qu'il y a globalement une absence de sanction réelle pour des fautes professionnelles graves. Et pour preuve, avant Mathias Gbèdan, les maires étaient quasiment intouchables. Cela s'explique par la faiblesse des mécanismes de sanction (2), mais surtout par la nature du contrôle effectué (1). 1 : La nature du contrôleLe contrôle de la gestion des communes se faisait principalement par l'autorité de tutelle qui devait contrôler la légalité des actes émis par le conseil communal. Ce contrôle s'étendait à l'approbation du budget communal. Il apparait évident qu'un tel contrôle n'est qu'un contrôle de procédure. De même, le contrôle financier qu'opère le comptable public n'est qu'un contrôle sur pièce et n'empêche pas les éléphants blancs. Sans revenir sur les autres contrôles tels que celui de l'Inspection Générale des Finances, il convient de statuer que le contrôle local n'est pas véritablement poussé. Il peut être envisagé que cela est dû à la volonté de protéger l'autonomie locale. Pourtant c'est bien par le contrôle que les manquements seront situés. L'absence de contrôle en profondeur sur l'efficacité de la gestion locale a donc sérieusement mis à mal les résultats de l'expérience de la décentralisation béninoise. Au-delà de leur nature, les contrôles sont souvent influencés et orientés par les jeux de relation. Certaines personnes ne peuvent tout simplement pas être contrôlées ou sanctionnées, car toute sanction à leur égard soulèverait directement un torrent de protestations ou d'interventions. Ces interventions et protestations en faveur de la personne sanctionnée sont faites au nom de la solidarité, de la pitié, ou plus souvent en fonction des rapports de force de patronage ou de clientélisme qui sont en lien ou non avec le parti politique. Le pire qui puisse arriver est en général une affectation quand il s'agit d'agents ou une destitution quand il s'agit d'élus114(*). 2 : Les mécanismes de sanctionsAinsi, les mécanismes de sanctions comme nous l'évoquions ne sont pas de nature à décourager suffisamment la survenance et la répétition des dérives. Avec les premières lois sur la décentralisation au Bénin, les sanctions économiques et pénales qui sont issues de décisions judiciaires n'étaient pas vraiment mises en avant. Les sanctions administratives, plus courantes que les autres sanctions, étaient systématiquement critiquées, car jugées trop souvent utilisées comme des instruments politiques pour écarter l'opposition de la gestion locale. Elles visaient en ce sens, bien trop souvent les maires faisant partie de l'opposition. Pourtant, l'importance des mécanismes de sanctions associés à un régime de responsabilité cohérent n'est plus à démontrer. Il faut pouvoir prévoir les fautes et définir les sanctions proportionnelles pour garantir la bonne gouvernance locale. L'effectivité de la sanction, l'exhaustivité et la périodicité du contrôle sont primordiales pour une gestion locale saine et transparente. Partie 2 : Le redimensionnement de la place du maire dans la libre administration par des conseils élus * 114 OLIVIER DE SARDAN Jean-Pierre, « État, bureaucratie et gouvernance en Afrique de l'Ouest Francophone Un diagnostic empirique, une perspective historique », In Politique africaine, N° 96 2004/4, Éditions Karthala, pp. 147-148 |
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