6-2 LA DECOMPOSITION SPATIALE DE LA VILLE DE
BOUAKE
La mauvaise organisation du transport dans les villes
ivoiriennes et la mise en oeuvre de stratégies de survie des citadins
ont permis le développement des moyens du transport collectif dans ces
villes. Spécifiquement à Bouaké, la spatialisation des
gares de certains moyens de transport comme les taxis-motos dans les quartiers
et l'urbanisation lâche des quartiers ont favorisé la
décomposition de l'espace urbain. Le rôle important des transports
collectifs ou individuels est reconnu dans l'urbanisation diffuse (KASSI,
2007). Ainsi, les gares spontanées qui se créent dans les
quartiers ou en bordure des artères ou encore aux différents
carrefours deviennent des pôles d'activités informelles mais aussi
des endroits de la décomposition de l'espace naturel de la ville. Si ces
gares se sont autant multipliées c'est bien parce qu'elles constituent
une manne financière aussi bien pour les collectivités locales
que pour une frange importante de la population dont l'activité de
transport représente la principale source de revenu.
La croissance urbaine actuelle est le résultat d'un
nouveau type de relations entre les divers acteurs sociaux qui modèlent
l'espace urbain, dans un contexte où la pression démographique
impose de nouveaux choix en matière de transport. Pour leur part, au fur
et à mesure que le processus d'étalement urbain progresse, les
services collectifs se développent. Les lignes communales se multiplient
et viennent chercher leurs passagers dans les secteurs reculés. Aussi,
à Bouaké, au niveau des gbakas, on note un dédoublement
des lignes. Alors que certaines lignes sont supprimées ou
regroupées, d'autres sont créés, ce qui est un facteur de
la perpétuelle désorganisation et du dynamisme du circuit des
gbakas. Le marquage spatial réalisé par les moyens de transport
collectif est ainsi remarquable dans la ville. Bouaké est
entièrement recouverte par les moyens de transport. Cependant, le manque
d'organisation interne et collective du transport collectif de la ville ne
permet toujours pas à la population de bénéficier de ce
maillage territorial. Aussi, devant la concurrence et la course à la
clientèle, chaque acteur du transport collectif participe à la
décomposition de l'espace urbaine de Bouaké sans le vouloir
expressément par l'occupation spatiale qu'il fait du territoire.
111
6-2-1 Les inconvénients de l'accroissement des
activités du transport collectif à Bouaké
La prolifération des acteurs ainsi que l'immobilisme
des services de la mairie et l'absence des certaines institutions
étatiques (AGETU, OSER etc.) alimentent le désordre dans le
secteur du transport collectif urbain de Bouaké. Cette
prolifération interroge sur la capacité de gestion et
d'organisation des transports locaux par les pouvoirs centraux et
décentralisés. En effet, en l'absence d'une volonté
politique de prise en compte à la fois des modèles de gestion
importés et des pratiques locales, l'occupation spatiale anarchique des
villes ivoiriennes par le transport s'est accentuée depuis les
années 1990 (KASSI, 2007).
En fait, à Bouaké, les motos-taxis
préoccupés par leurs clientèles préfèrent
ignorer très souvent les règles d'urbanisme et d'occupation des
parcelles pour s'installer avec deux ou trois motos, n'importe où et
surtout à des carrefours. L'utilisation anarchique de ces carrefours par
les motos-taxis comme gare, cause de graves problèmes de circulation.
Ces gares spontanées des motos-taxis sont réputées pour
leurs désordres à cause du nombre très élevé
de jeunes (l'âge moyen est de 18 voire 20 ans) qui y travaillent. Aussi
certaines pratiques des conducteurs de motos-taxis (conduite sans respect du
code de la route et la production des bruits de n'importe quel genre pendant
des cérémonies « mariage »), font de Bouaké une
ville « de désordre ». En plus, du fait de leur
stationnement sauvage, ces motos-taxis empêchent une bonne circulation
automobile, qui se retrouve très réduite en certains endroits.
L'absence de gares fixes des taxis-ville est aussi source
d'obstruction à la fluidité du trafic routier urbain de
Bouaké. De même que les stationnements sur les trottoirs des
gbakas sont une entrave à la circulation piétonne. Par le manque
de véritable gare de gbakas, les lignes de gbakas de Dar es Salam et de
Belleville sont obligées d'installer leurs gares sur des trottoirs,
notamment le trottoir de la rue qui mène au marché d'oignon
« gare de Dar es Salam » (photos 20 et 21), et les abords de
l'état civile de la mairie « gare de Belle ville » (photos 22
et 23). Ces implantations désordonnées de ces gares posent de
graves problèmes car source d'anarchie au niveau du transport urbain qui
s'est répandue dans la ville. En tout état de cause, les
règles d'occupation des domaines publiques sont bafouées par les
opérateurs du transport urbain collectif. Ces transgressions aboutissent
souvent à des dysfonctionnements auxquels les pouvoirs publics se
trouvent obligés d'ajouter nécessairement une dose de la
régulation et de la réglementation afin de limiter les
dérives.
112
La gare des gbakas de Dar es Salam au quartier
Dougouba
Photo n°20 Photo n°21
Clichés KALOU BI K Didier ,2014
La gare des gbakas de Belleville en face de l'état
civil de Bouaké au quartier Commerce
Photo n°22 Photo n°23
Clichés KALOU BI K Didier, 2014
Au terme de ce chapitre, il faut retenir qu'aujourd'hui dans
le tout monde entier et particulièrement dans les grandes
agglomérations des pays en développement, le transport et
principalement le transport terrestre est à un degré non
négligeable responsable d'émission de
113
gaz polluants. Dans le cas de Bouaké et comme dans
presque toutes les villes ivoiriennes, bien que l'on ne dispose pas de
données relatives à l'impact de la pollution automobile sur la
santé des hommes, force est d'admettre que cette pollution est
réelle par les rejets de fumées noires émises par les
différents moyens de transport collectif. Ce phénomène
s'aggrave de plus en plus avec l'exploitation des véhicules
âgés appelés « France au revoir ». Aussi,
à Bouaké, en plus des conséquences éventuelles de
pollution atmosphérique, s'ajoutent les nuisances sonores et
l'occupation anarchique des espaces publics par les moyens de transport (gbakas
et taxis-motos). Ici, l'on est à mesure de se demander, s'il existe un
droit de regard véritable des autorités sur la régulation
du transport urbain de Bouaké.
|