Chapitre 6 : LES EFFETS NEFASTES DES ACTIVITES DU
TRANSPORT URBAIN
La forte croissance économique de la Côte
d'ivoire des années 60-70 s'est traduite par un développement
rapide des modes de transport (transports routier, aérien, maritime, et
fluvio-lagunaire). L'effort d'équipement des villes qui en est suivi
s'est répercuté sur le développement des transports
urbains surtout le transport privé collectif. Cet effort a
entrainé une augmentation du parc automobile du pays en
général et de la ville de Bouaké principalement à
cause de la libéralisation des importations des engins de
mobilité. Ainsi, avec l'importation des engins d'occasion souvent
très âgés, le trafic routier urbain est devenu dans la
ville de Bouaké l'une des principales sources de nuisances
environnementales.
En fait, la surexploitation de ces engins de mobilité
et surtout des véhicules d'occasion dans l'activité du transport
collectif engendre une augmentation des effets néfastes du transport sur
l'environnement. En effet, il est certain que ces véhicules d'occasion
représentent une source importante de rejets de polluants dans
l'atmosphère, compte tenu de leurs âges et leur état
mécanique, comme illustrent les épaisses fumées noires que
drainent derrière eux le plus souvent les « gbakas » et les
« taxis-ville ».
Aussi, à Bouaké, la prolifération des
moyens de transport collectif dans la ville suscite de nombreuses
inquiétudes sur le devenir de l'espace urbain, sur sa transformation et
surtout sur un éventuel désordre. En effet, avec
l'avènement des motos-taxis, l'utilisation du carburant de contrebande
est légion, car on note un nombre élevé de stations
clandestines dans la ville. À cela, il faut ajouter la proportion
élevée d'utilisation de gaz butanes par les taxis-ville. Ainsi,
les activités de transport menacent de façon négative
d'une manière ou d'une autre l'espace urbain. Ces menaces
environnementales s'accentuent avec les ateliers mécaniques de carcasses
de véhicules, la brûlure des pneus, épandage de l'huile de
vidange, etc. Les déchets, le comportement tapageur de certains
chauffeurs (coups de klaxons intempestifs) et les bruits engendrés par
les motos-taxis qui pour un rien se mettent dans les rues à klaxonner et
occupe les rues de façon impunie sont causes de nuisance au quotidien
dans la ville. Ce chapitre se structure autour de deux (2) points, savoir : en
un (1) les nuisances liées aux activités de transport et en deux
(2) la décomposition spatiale de la ville de Bouaké.
105
6-1 LES NUISANCES LIEES AUX ACTIVITES DE TRANSPORT
Parmi les préoccupations croissantes de la
durabilité, les systèmes de transport posent tout un
éventail de problèmes environnementaux. C'est
particulièrement le cas du transport routier qui a pris plus
d'importance par rapport aux autres modes de transport. Le bruit et la
pollution de l'air causés par la congestion du trafic et l'augmentation
du dioxyde de carbone (CO2) et d'autres émissions des véhicules
font partie de ces problèmes. À Bouaké en particulier, ce
problème d'émission de gaz est causé par des gbakas
à cause de leur état (des véhicules âgés) et
les taxis-motos qui utilisent en majorité les carburants des stations
clandestines.
Les problèmes environnementaux et sécuritaires
dans les villes sont les principaux mobiles qui inspirent les
réglementations et législations relatives au transport collectif.
En effet, les multiples activités du transport urbain (collectif ou
personnel) participent à la transformation de l'espace urbain
traditionnel. Ces activités se produisent en général en
marge de toutes règles en vigueur, d'où la qualification du
transport urbain par KASSI, (2007) de transport informel. Il n'est donc pas
surprenant de voir que ce type de transport soit l'une des principales sources
des nuisances dans les villes. Selon plusieurs études, le
phénomène de la pollution atmosphérique a un impact
sensible et croissant sur la santé publique et sur la qualité de
l'environnement urbain. La consommation d'énergies intelligentes
(essence de qualité, énergies renouvelables) par les transports
des pays en développement en général et du transport
urbain de ces pays en particulier, constitue l'un des défis les plus
difficiles à relever.
6-1-1 La pollution atmosphérique de l'environnement
urbain
Nul n'ignore les effets de la pollution des engins
motorisés dans les grandes villes subsahariennes. À
Bouaké, tous les gbakas enquêtés (19 gbakas) utilisent le
gasoil. Et pourtant ce carburant est à l'origine des fumées
noires, particules fines de carbones émises principalement par la
combustion de ce composant chimique. À cela, on note une très
grande proportion de taxis-ville utilisant le gaz butane comme carburant. Sur
les 55 taxis que nous avons pris comme échantillon, 37 soit 67,27%
d'entre eux avouent rouler au gaz (Photo 19). Ils justifient ce comportement
par le prix réduit du gaz (2 500 F. CFA/ 6litres contre 3 690 F. CFA
pour le même nombre de litres de gasoil), alors que par jour un taxi de
Bouaké prend en moyenne 18 litres de carburants. Ce qui
représente au bas mot une réserve financière de 3 570 F.
CFA. Ce phénomène s'est amplifié avec l'arrivée des
motos-taxis, qui à part les taxes
106
communales ne soumis à aucun contrôle ni autres
taxes étatiques. Ce fait est considéré par les acteurs des
taxis comme un obstacle, car tous sont sur le même terrain de la
concurrence. Pour les acteurs des taxis, toutes les différentes taxes
(municipales, assurances, patente etc.) auxquelles ils sont soumis est l'une
des principales causes d'utilisation massive du gaz butane, parce que cela leur
permet d'amortir les dépenses liées à ces taxes. À
cette réalité, s'ajoute l'utilisation massive d'essence de
contrebande à Bouaké et comme dans la plupart des villes de
l'ex-zone CNO.
Photo n°19 : Chargement d'un taxi au gaz butane au
quartier Air-France2
Clichés KALOU BI K Didier, 2014
Le manque des données spécifiques sur
l'état de pollution causé par les moyens de transport en
général et du transport collectif à Bouaké est un
obstacle majeur à la connaissance des impacts du
phénomène. Nul ne doute que du fait de l'âge des
véhicules et de leur état technique précaire, beaucoup
plus de polluants sont rejetés dans l'atmosphère. En effet, selon
les données de la CERTU de 200212, les transports collectifs
ne représentent pas moins de 50% des émissions de polluants dans
les villes ivoiriennes et ils assurent plus de 70% de la mobilité sur de
longues distances dans les villes où ils existent. Aussi, les
transports
12 Cité par I KASSI, 2007
107
apparaissent comme les principaux émetteurs du monoxyde
de carbone (CO), de HC qui sont des composé organique contenant du
carbone et de l'hydrogène issus de la combustion incomplète de
carburant pétrolier et de plomb, qui sont tous trois polluants
caractéristiques des véhicules à essence.
Les transports collectifs émettent aussi une part
importante d'oxyde d'azote (NOX) (pollution mixte des moteurs à essence
et diesel) et des PM10 (pollution caractéristique des moteurs diesel).
Ces polluants constituent l'une des conséquences majeures de la
pollution de l'air qui touche naturellement la santé publique. À
ce jour, de nombreuses études démontrent clairement les effets
sanitaires de la pollution urbaine sur la population. Selon ces études,
les effets de cette situation se feront plus sentir dans les années
à venir dans les grandes villes des pays en voie de développement
comme Bouaké. Ils constitueront à long terme, les principaux
facteurs de risques pour les maladies respiratoires chroniques comme :
l'asthme, les troubles cardiovasculaires, les cancers de poumon etc. À
court terme, on peut évoquer certaines pathologies respiratoires
à caractère irritatif, allergique ou infectieux. Le tableau 28
ci-dessous énumère les impacts sanitaires connus de quelques
principaux polluants émis par les moyens de transport.
Tableau n°23 : Principaux polluants et leurs
effets sanitaires
Origine
|
Pollution générée
|
Effets sur la santé
|
Le dioxyde de soufre (SO2)
Combustion des
combustibles fossiles
contenant du soufre : fuel, charbon.
En présence d'humidité, il forme de l'acide
sulfurique qui contribue au phénomène des pluies acides et
à la dégradation de bâtiments.
Gaz irritant qui peut provoquer des troubles respiratoires
(toux, gênes respiratoires, baisse de la
capacité respiratoire chez l'enfant, crise
d'asthme).
|
Le plomb (Pb)
Il contribue aux pluies acides ainsi qu'à l'effet de
serre.
Principalement les véhicules. L'utilisation d'essence
sans plomb permet d'obtenir des concentrations dans l'air bien en dessous des
seuils de nuisance. Certains procédés industriels.
L'ozone (O3) Contrairement aux autres
polluants, l'ozone n'est pas émis par une source particulière,
mais il est issu de réactions chimiques, initiées par le
rayonnement solaire, entre les oxydes d'azote et les hydrocarbures. Ses
précurseurs sont le trafic routier et l'industrie.
Le monoxyde de carbone (CO) Combustion
incomplète des combustibles et carburants. Forts taux de CO :
- moteur tournant dans un espace clos (garage, tunnel,
parking, ...) ;
- mauvais fonctionnement appareil de chauffage
(chauffe-eau,...).
|
Toxique neurologique,
hématologique, le plomb peut entraîner des troubles
du développement cérébral et des difficultés
d'apprentissage chez l'enfant.
C'est un gaz agressif qui pénètre facilement
jusqu'aux voies respiratoires les plus fines. Il provoque, dès une
exposition prolongée de 150 à 200 ìg/m3, des irritations
oculaires, de la toux et une altération pulmonaire, surtout chez les
enfants et les asthmatiques. Les effets sont accentués par l'exercice
physique et sont variables selon les individus
Il se fixe à la place de l'oxygène sur
l'hémoglobine du sang, conduisant à un manque
d'oxygénation du système nerveux, du coeur et des vaisseaux
sanguins. Il peut être à l'origine de céphalées,
vertiges, asthénie ou vomissements. En cas d'exposition
prolongée, il peut être mortel ou laisser des
séquelles neuropsychiques irréversibles
|
Les oxydes d'azote (NOx)
Combinaison à hautes températures de
l'oxygène et de l'azote présents dans l'air ou dans les
combustibles. Ils sont émis par les moteurs (environ 75%) et les
installations de combustion (centrales énergétiques, ...).
Ils interviennent dans la formation de l'ozone de basse
atmosphère et contribuent au phénomène des pluies acides
(formation d'acide nitrique en présence d'humidité).
Le dioxyde d'azote pénètre dans les voies les
plus fines de l'appareil respiratoire et entraîne : - une hyper
réactivité de l'asthmatique ;
- une augmentation de la sensibilité des bronches des
enfants aux infections microbiennes.
108
Sources : KOFFI, Licence « Population et santé
» (2009-2010) ; ZAH, Master1 « Problématique de la
mobilité dans les métropoles » (2012-2013) et KASSI,
(2007)
109
110
Les conséquences de ces pollutions sont aussi
écologiques. La surexploitation de ces engins (motos et automobiles)
d'occasion dans les activités de transport partout en Afrique engendre
inévitablement une augmentation de la concentration des gaz à
effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique. Même
si l'ampleur du phénomène est causée par de grandes
industries et entretenue par les politiques occidentales, l'intense utilisation
des véhicules trop âgés fera des villes peu
industrialisées d'Afrique, à long terme, des zones urbaines
très polluées avec tous les risques écologiques qui s'en
suivront. Or, le continent africain est probablement le plus vulnérable
au réchauffement de la terre et est celui qui est confronté aux
plus grands défis d'adaptation : Sécheresses récurrentes,
diminution du rendement des cultures, la famine, plusieurs villes du continent
pourraient être partiellement englouties par les eaux. Les ressentes
inondations d'Abidjan et l'avancée de la mer à Lahou-Kpanda en
Côte d'Ivoire sont quelques exemples.
En somme, les impacts des activités de transport (la
brûlure des pneus, l'épandage des huiles de vidange, l'utilisation
des carburants contrefaits, du gaz butanes etc.) peuvent être dramatiques
au plan environnemental sans oublier les conséquences
économiques, sociales et humanitaires en Afrique en
générale et particulièrement en Côte d'Ivoire.
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