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Organisation du transport dans la ville de Bouake.


par Bi Kalou Didier KALOU
Université Alassane Ouattara - Master Géographie Humaine  2013
  

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Chapitre 6 : LES EFFETS NEFASTES DES ACTIVITES DU TRANSPORT URBAIN

La forte croissance économique de la Côte d'ivoire des années 60-70 s'est traduite par un développement rapide des modes de transport (transports routier, aérien, maritime, et fluvio-lagunaire). L'effort d'équipement des villes qui en est suivi s'est répercuté sur le développement des transports urbains surtout le transport privé collectif. Cet effort a entrainé une augmentation du parc automobile du pays en général et de la ville de Bouaké principalement à cause de la libéralisation des importations des engins de mobilité. Ainsi, avec l'importation des engins d'occasion souvent très âgés, le trafic routier urbain est devenu dans la ville de Bouaké l'une des principales sources de nuisances environnementales.

En fait, la surexploitation de ces engins de mobilité et surtout des véhicules d'occasion dans l'activité du transport collectif engendre une augmentation des effets néfastes du transport sur l'environnement. En effet, il est certain que ces véhicules d'occasion représentent une source importante de rejets de polluants dans l'atmosphère, compte tenu de leurs âges et leur état mécanique, comme illustrent les épaisses fumées noires que drainent derrière eux le plus souvent les « gbakas » et les « taxis-ville ».

Aussi, à Bouaké, la prolifération des moyens de transport collectif dans la ville suscite de nombreuses inquiétudes sur le devenir de l'espace urbain, sur sa transformation et surtout sur un éventuel désordre. En effet, avec l'avènement des motos-taxis, l'utilisation du carburant de contrebande est légion, car on note un nombre élevé de stations clandestines dans la ville. À cela, il faut ajouter la proportion élevée d'utilisation de gaz butanes par les taxis-ville. Ainsi, les activités de transport menacent de façon négative d'une manière ou d'une autre l'espace urbain. Ces menaces environnementales s'accentuent avec les ateliers mécaniques de carcasses de véhicules, la brûlure des pneus, épandage de l'huile de vidange, etc. Les déchets, le comportement tapageur de certains chauffeurs (coups de klaxons intempestifs) et les bruits engendrés par les motos-taxis qui pour un rien se mettent dans les rues à klaxonner et occupe les rues de façon impunie sont causes de nuisance au quotidien dans la ville. Ce chapitre se structure autour de deux (2) points, savoir : en un (1) les nuisances liées aux activités de transport et en deux (2) la décomposition spatiale de la ville de Bouaké.

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6-1 LES NUISANCES LIEES AUX ACTIVITES DE TRANSPORT

Parmi les préoccupations croissantes de la durabilité, les systèmes de transport posent tout un éventail de problèmes environnementaux. C'est particulièrement le cas du transport routier qui a pris plus d'importance par rapport aux autres modes de transport. Le bruit et la pollution de l'air causés par la congestion du trafic et l'augmentation du dioxyde de carbone (CO2) et d'autres émissions des véhicules font partie de ces problèmes. À Bouaké en particulier, ce problème d'émission de gaz est causé par des gbakas à cause de leur état (des véhicules âgés) et les taxis-motos qui utilisent en majorité les carburants des stations clandestines.

Les problèmes environnementaux et sécuritaires dans les villes sont les principaux mobiles qui inspirent les réglementations et législations relatives au transport collectif. En effet, les multiples activités du transport urbain (collectif ou personnel) participent à la transformation de l'espace urbain traditionnel. Ces activités se produisent en général en marge de toutes règles en vigueur, d'où la qualification du transport urbain par KASSI, (2007) de transport informel. Il n'est donc pas surprenant de voir que ce type de transport soit l'une des principales sources des nuisances dans les villes. Selon plusieurs études, le phénomène de la pollution atmosphérique a un impact sensible et croissant sur la santé publique et sur la qualité de l'environnement urbain. La consommation d'énergies intelligentes (essence de qualité, énergies renouvelables) par les transports des pays en développement en général et du transport urbain de ces pays en particulier, constitue l'un des défis les plus difficiles à relever.

6-1-1 La pollution atmosphérique de l'environnement urbain

Nul n'ignore les effets de la pollution des engins motorisés dans les grandes villes subsahariennes. À Bouaké, tous les gbakas enquêtés (19 gbakas) utilisent le gasoil. Et pourtant ce carburant est à l'origine des fumées noires, particules fines de carbones émises principalement par la combustion de ce composant chimique. À cela, on note une très grande proportion de taxis-ville utilisant le gaz butane comme carburant. Sur les 55 taxis que nous avons pris comme échantillon, 37 soit 67,27% d'entre eux avouent rouler au gaz (Photo 19). Ils justifient ce comportement par le prix réduit du gaz (2 500 F. CFA/ 6litres contre 3 690 F. CFA pour le même nombre de litres de gasoil), alors que par jour un taxi de Bouaké prend en moyenne 18 litres de carburants. Ce qui représente au bas mot une réserve financière de 3 570 F. CFA. Ce phénomène s'est amplifié avec l'arrivée des motos-taxis, qui à part les taxes

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communales ne soumis à aucun contrôle ni autres taxes étatiques. Ce fait est considéré par les acteurs des taxis comme un obstacle, car tous sont sur le même terrain de la concurrence. Pour les acteurs des taxis, toutes les différentes taxes (municipales, assurances, patente etc.) auxquelles ils sont soumis est l'une des principales causes d'utilisation massive du gaz butane, parce que cela leur permet d'amortir les dépenses liées à ces taxes. À cette réalité, s'ajoute l'utilisation massive d'essence de contrebande à Bouaké et comme dans la plupart des villes de l'ex-zone CNO.

Photo n°19 : Chargement d'un taxi au gaz butane au quartier Air-France2

Clichés KALOU BI K Didier, 2014

Le manque des données spécifiques sur l'état de pollution causé par les moyens de transport en général et du transport collectif à Bouaké est un obstacle majeur à la connaissance des impacts du phénomène. Nul ne doute que du fait de l'âge des véhicules et de leur état technique précaire, beaucoup plus de polluants sont rejetés dans l'atmosphère. En effet, selon les données de la CERTU de 200212, les transports collectifs ne représentent pas moins de 50% des émissions de polluants dans les villes ivoiriennes et ils assurent plus de 70% de la mobilité sur de longues distances dans les villes où ils existent. Aussi, les transports

12 Cité par I KASSI, 2007

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apparaissent comme les principaux émetteurs du monoxyde de carbone (CO), de HC qui sont des composé organique contenant du carbone et de l'hydrogène issus de la combustion incomplète de carburant pétrolier et de plomb, qui sont tous trois polluants caractéristiques des véhicules à essence.

Les transports collectifs émettent aussi une part importante d'oxyde d'azote (NOX) (pollution mixte des moteurs à essence et diesel) et des PM10 (pollution caractéristique des moteurs diesel). Ces polluants constituent l'une des conséquences majeures de la pollution de l'air qui touche naturellement la santé publique. À ce jour, de nombreuses études démontrent clairement les effets sanitaires de la pollution urbaine sur la population. Selon ces études, les effets de cette situation se feront plus sentir dans les années à venir dans les grandes villes des pays en voie de développement comme Bouaké. Ils constitueront à long terme, les principaux facteurs de risques pour les maladies respiratoires chroniques comme : l'asthme, les troubles cardiovasculaires, les cancers de poumon etc. À court terme, on peut évoquer certaines pathologies respiratoires à caractère irritatif, allergique ou infectieux. Le tableau 28 ci-dessous énumère les impacts sanitaires connus de quelques principaux polluants émis par les moyens de transport.

Tableau n°23 : Principaux polluants et leurs effets sanitaires

Origine

Pollution générée

Effets sur la santé

Le dioxyde de soufre (SO2)

Combustion des

combustibles fossiles

contenant du soufre : fuel, charbon.

En présence d'humidité, il forme de l'acide sulfurique qui contribue au phénomène des pluies acides et à la dégradation de bâtiments.

Gaz irritant qui peut provoquer
des troubles respiratoires (toux,
gênes respiratoires, baisse de la

capacité respiratoire chez
l'enfant, crise d'asthme).

Le plomb (Pb)

Il contribue aux pluies acides ainsi qu'à l'effet de serre.

Principalement les véhicules. L'utilisation d'essence sans plomb permet d'obtenir des concentrations dans l'air bien en dessous des seuils de nuisance. Certains procédés industriels.

L'ozone (O3) Contrairement aux autres polluants, l'ozone n'est pas émis par une source particulière, mais il est issu de réactions chimiques, initiées par le rayonnement solaire, entre les oxydes d'azote et les hydrocarbures. Ses précurseurs sont le trafic routier et l'industrie.

Le monoxyde de carbone (CO) Combustion incomplète des combustibles et carburants. Forts taux de CO :

- moteur tournant dans un espace clos (garage, tunnel, parking, ...) ;

- mauvais fonctionnement appareil de chauffage (chauffe-eau,...).

Toxique neurologique,

hématologique, le plomb peut entraîner des troubles du développement cérébral et des difficultés d'apprentissage chez l'enfant.

C'est un gaz agressif qui pénètre facilement jusqu'aux voies respiratoires les plus fines. Il provoque, dès une exposition prolongée de 150 à 200 ìg/m3, des irritations oculaires, de la toux et une altération pulmonaire, surtout chez les enfants et les asthmatiques. Les effets sont accentués par l'exercice physique et sont variables selon les individus

Il se fixe à la place de l'oxygène sur l'hémoglobine du sang, conduisant à un manque d'oxygénation du système nerveux, du coeur et des vaisseaux sanguins. Il peut être à l'origine de céphalées, vertiges, asthénie ou vomissements. En cas d'exposition prolongée, il peut être mortel ou laisser des

séquelles neuropsychiques
irréversibles

Les oxydes d'azote (NOx)

Combinaison à hautes températures de l'oxygène et de l'azote présents dans l'air ou dans les combustibles. Ils sont émis par les moteurs (environ 75%) et les installations de combustion (centrales énergétiques, ...).

Ils interviennent dans la formation de l'ozone de basse atmosphère et contribuent au phénomène des pluies acides (formation d'acide nitrique en présence d'humidité).

Le dioxyde d'azote pénètre dans les voies les plus fines de l'appareil respiratoire et entraîne : - une hyper réactivité de l'asthmatique ;

- une augmentation de la sensibilité des bronches des enfants aux infections microbiennes.

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Sources : KOFFI, Licence « Population et santé » (2009-2010) ; ZAH, Master1 « Problématique de la mobilité dans les métropoles » (2012-2013) et KASSI, (2007)

109

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Les conséquences de ces pollutions sont aussi écologiques. La surexploitation de ces engins (motos et automobiles) d'occasion dans les activités de transport partout en Afrique engendre inévitablement une augmentation de la concentration des gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique. Même si l'ampleur du phénomène est causée par de grandes industries et entretenue par les politiques occidentales, l'intense utilisation des véhicules trop âgés fera des villes peu industrialisées d'Afrique, à long terme, des zones urbaines très polluées avec tous les risques écologiques qui s'en suivront. Or, le continent africain est probablement le plus vulnérable au réchauffement de la terre et est celui qui est confronté aux plus grands défis d'adaptation : Sécheresses récurrentes, diminution du rendement des cultures, la famine, plusieurs villes du continent pourraient être partiellement englouties par les eaux. Les ressentes inondations d'Abidjan et l'avancée de la mer à Lahou-Kpanda en Côte d'Ivoire sont quelques exemples.

En somme, les impacts des activités de transport (la brûlure des pneus, l'épandage des huiles de vidange, l'utilisation des carburants contrefaits, du gaz butanes etc.) peuvent être dramatiques au plan environnemental sans oublier les conséquences économiques, sociales et humanitaires en Afrique en générale et particulièrement en Côte d'Ivoire.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius