Chapitre 4: L'EMERGENCE DE NOUVEAUX MOYENS DU TRANSPORT
COLLECTIF URBAIN A BOUAKE
L'évolution démographique, politique et
économique de la ville de Bouaké depuis les années 2002, a
fait émerger d'autres moyens du transport collectif de personnes. Ces
moyens viennent comme tout autre moyen de transport en réponse à
une situation à laquelle les moyens usuels ne pouvaient plus pallier.
Pour ADOLEHOUME et ZORO (2002), l'essor d'un moyen de transport dans un paysage
urbain s'explique par la crise économique, ainsi que par la
déficience de l'offre de transport habituel. Ainsi, on note le
développement du système de motos-taxis et l'arrivé des
sociétés d'autobus (STUB et SOTUB) dans le paysage urbain de
Bouaké. Dans ce chapitre, nous allons en un (1) parler des taxis-motos
comme des moyens de transport de secours et en deux (2) parler des
sociétés de transport.
4-1 LES TAXIS-MOTOS, DES MOYENS DE TRANSPORT DE
SECOURS
Les motos-taxis sont actuellement, sinon la plus originale, de
l'offre de transport collectif qui connaît un fort dynamisme dans les
grandes villes d'Afrique sub-saharienne. Depuis une quinzaine d'années,
ils se sont rapidement développés dans de nombreuses villes
comme: zémidjan béninois, oléyia
togolais, okada nigérian, kabu-kabu
nigérien, boda-boda ougandais ou kenyans, kupapatas
angolais, bendskin camerounais, etc.
Dans certains cas, les motos-taxis sont
considérés comme des transports des périodes de crises. En
effet, les programmes d'ajustement structurel (PAS) imposés aux pays
Africain, ont conduit une frange importante des populations à la rue
surtout les jeunes. Aussi pour survivre, certains « déflatés
» se sont insérés dans l'activité des motos-taxis
dans la plupart de ces pays. Dans l'exemple Béninois, l'un des pays
africains pionniers dans le transport des motos-taxis. Les taxis-motos ont fait
leur apparition à Cotonou, suite au rapatriement massif des
Béninois du Nigeria en 1977. A eux, se sont ajoutés les
rapatriés du Congo Brazzaville et du Gabon de 1978. Certains
rappariés, confrontés au chômage, ce sont mis à
exploiter dans la ville de Cotonou des motos qu'ils ont ramenées avec
eux (AGOSSOU, 2004).
Aussi, à Douala (capitale du Cameroun),
l'émergence de ce mode de transport s'est faite à la suite de
l'arrêt de travail des moyens de transport collectifs habituels, lors de
l'opération « villes-mortes » initiée par l'opposition
pour obtenir le multipartisme et des élections
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démocratiques au début des années 1990,
de sorte que ne pouvaient circuler que les piétons et les deux-roues.
Quant à Lomé (capitale du Togo), le processus s'est
enclenché dans cette ville, en novembre 1990 puis en juin 1991 à
l'occasion des grèves généralisées (KASSI,
2013).
À Bouaké, (deuxième ville de la
Côte d'Ivoire), c'est à l'occasion de la crise militaro-politique
que ce mode de transport collectif est apparu dans le paysage urbain de la
ville, ainsi que dans les grandes villes du nord et dans certaines villes de
l'ouest du pays. Ils sont apparus comme une alternative à la crise des
transports. Ils ont été d'utilité publique pendant la
guerre au moment où les autres modes traditionnels de locomotion
étaient quasi inexistants. Ce moyen de transport de crise a
émergé de façon spontanée dans le paysage urbain
des zones CNO, pour répondre à la demande individuelle puis
collective. La disparition des moyens habituels a amené les
propriétaires de ces engins à deux roues à les utiliser
pour répondre aux besoins de déplacements des populations.
4-1-1 La genèse des motos-taxis à
Bouaké
La confiscation des véhicules de transport collectif
par les forces rebelles a entrainé l'apparition des taxis motos. En
effet, suspectés de transporter des infiltrés, les transporteurs
des véhicules collectifs ont dû garer leurs engins pour se
préserver de toute attaque. Aussi, pour renforcer leur parc de
véhicules de combats, les insurgés n'hésitaient pas
à confisquer les véhicules personnels et ceux des transports
collectifs qui, pour la plupart, ne sont plus jamais revenus à leurs
propriétaires. Ainsi, la confiscation des véhicules dans les
zones rebelles était une pratique très courante lors des crises
militaires en Côte d'Ivoire (KASSI ,2013). Ce qui contraint les
automobilistes à garer au risque de se faire déposséder de
leur bien. De plus, les transporteurs de ces véhicules qui le pouvaient
se sont délocalisés dans les villes sous contrôle
gouvernemental qui offrent de meilleures opportunités.
Ce départ massif a sonné le glas de
l'activité de transport collectif à Bouaké. Ainsi, sur la
trentaine de lignes (taxis et gbakas confondus) qui constituaient le
réseau de transport de la ville, aucune n'a pu résister à
la crise. Toutes ont cessé de fonctionner, ce d'autant plus que la
demande était quasi nul. Les déplacements des populations,
très limités se faisaient à pied ou au mieux avec les
deux-roues. De cette absence des moyens de transport habituels va naître
et proliférer un autre type de transport avec un fort impact sur le
paysage urbain (les motos-
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taxis). Les quelques dizaines de motoristes ont d'abord
commencé par transporter les voyageurs sur les lignes interurbaines
notamment entre Bouaké et la ville de Djébonoua. Sur cet
itinéraire, le tarif appliqué était de 2 500 FCFA par
usager et par voyage. Les revenus que généraient ce mode de
locomotion font prendre conscience aux jeunes déscolarisés et
ceux au chômage de l'opportunité à s'insérer dans
cet emploi, fût-il informel. Peu à peu, ces taxis à deux
roues se positionnent dans la ville pour répondre à la demande
urbaine non satisfaite. Ils desservent dans un premier temps les lignes en
direction du marché central et par la suite vers tous les secteurs de la
ville. Ils tissent un réseau de lignes à la fois urbaines et
interurbaines pour capter le plus grand nombre d'usagers. Aujourd'hui, avec un
nombre estimé à 2 5689, les motos-taxis sont devenus
l'un des moyens de transport les plus prisés par la population de
Bouaké et donc incontournables.
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