1-2 LA POLITIQUE DU TRANSPORT TERRESTRE (ROUTIER)
Le transport, l'un des outils de l'aménagement d'un
territoire, et aussi l'un des domaines d'affirmation de soi, constitue l'objet
de toutes convoitises. L'expansion des villes d'un pays étant à
la mesure du développement de ce pays, les transports sont aussi
touchés directement ou indirectement par les différentes
décisions politiques nationales ou internationales.
Les crises économiques qui frappent depuis les
années 1980 les pays africains, les ont poussés à
privatiser tous les secteurs d'activité. Aujourd'hui, la configuration
privée vers laquelle évolue le transport surtout le transport
routier-urbain dans les villes ivoiriennes est de plus en plus ressenti. Parce
que de nombreux entrepreneurs privés s'investissent massivement dans ce
secteur. Cette privatisation pose la question cruciale de la desserte et de
l'accessibilité de tous aux moyens de transport. Elle interroge la
capacité des pouvoirs centraux et décentralisés à
combiner modèles importés d'organisation des transports et
pratiques locales.
En Côte d'Ivoire, les ajustements structurels des
économies des années 1980 ont provoqué un changement dans
le mode de gouvernance des secteurs d'activités économiques.
L'évolution
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des financements a été symptomatique.
L'arrivée de la Banque Mondiale dans le secteur du transport des pays
Africains, a contribué à renforcer la prééminence
des logiques économiques libérales. Les programmes d'ajustement
structurel des transports (PAST), initiés au début des
années 1990 en Afrique subsaharienne, puis les programmes sectoriels des
transports (PST) qui leur ont succédés, ont cherché
à remodeler ce secteur dans chaque pays. Ils ont poussé à
la privatisation de la gestion de nombreux services de transport national ou
international tels que les lignes ferroviaires ou des terminaux à
conteneurs. Ces privatisations ont permis aussi l'insertion des pays africains
dans le commerce mondial. Ces pays vont alors généraliser
l'entrée dans l'entretien routier d'opérateurs privés
nationaux.
En Côte d'Ivoire, ce libéralisme de
l'économie a d'abord été marqué par la
privatisation des entreprises publiques (CONTAMIN, 1997). Le retrait de
l'État du domaine du transport terrestre, tout comme d'autres secteurs
d'activité s'est produit au moment même où la situation
économique de ce pays se dégradait et où ces ajustements
structurels comprimaient les dépenses étatiques. La valorisation
de l'entrepreneuriat privé entrait dans le vocabulaire gouvernemental.
Dans l'espace urbain, la place qu'occupaient les compagnies publiques de
transport (elles n'existent pas dans la ville de Bouaké) a alors
été rapidement investie par les transporteurs du secteur
privé.
1-2-1 Les effets de la politique libérale sur
l'organisation du transport
En Afrique de l'Ouest francophone, de la période
coloniale à nos jours, les relations entre autorité publique et
opérateurs de transport résultent des rapports de
complémentarité. Ces rapports sont en fonction des politiques
étatiques mises en oeuvre, de la puissance des acteurs
économiques et des intérêts économiques en jeu.
Avant leurs indépendances (en 1960 pour la plupart d'entre eux), le
rôle du secteur privé dans les économies locales
était important et les grands opérateurs industriels, commerciaux
et bancaires étaient des sociétés françaises. Avec
ces indépendances, la création de sociétés
nationales signe l'étatisation des économies. Mais ces
sociétés privées, souvent étrangères
(françaises dans la majeure partie des cas), sont restées
influentes au sein de ces filières commerciales étatisées
ou dans des sociétés à économie mixte telles-que :
la Société des Transports du Cap-Vert ou la SOTRAC au
Sénégal, ou encore la Société des Transports
d'Abidjan (SOTRA) en Côte d'Ivoire.
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La libéralisation économique des années
1980 a eu raison de ces entreprises étatiques de transport qui
étaient en piteux état et a impulsé l'apparition d'acteurs
jusque-là déconsidérés, voire ignorés; les
artisans transporteurs. En Côte d'Ivoire, dans les années 1990, la
privatisation des sociétés publiques a entrainé
l'omniprésent du secteur privé dans le demain du transport
routier, surtout dans les villes comme Bouaké où le transport
interurbain public n'existait pas. La croissance du secteur privé dans
ce domaine, résulte des faibles coûts d'acquisition des
véhicules importés (ADOLEHOUME et ZORO, 2002). Le transport
routier est l'un des secteurs où les nationaux (Ivoiriens) s'imposent de
plus en plus.
La politique de libéralisation économique va
bouleverser profondément le secteur des transports urbains, dont
l'essentiel du parc se compose majoritairement de véhicules d'occasions.
En effet, l'acquisition de véhicules à bas prix a favorisé
l'entrée massive des petits propriétaires dans l'activité
de transport routier. Avec la possibilité d'importation de
véhicules âgés, ce secteur a connu un regain
d'activité. A Bouaké tous les engins de transport collectif en
circulation appartiennent aux tierces personnes. L'Etat est absent dans le
transport de personnes, contrairement à Abidjan où, il existe la
SOTRA. Cette domination toute azimute des privés dans le domaine du
transport dans toutes les villes de l'intérieur de la Côte
d'Ivoire comme Bouaké, est à l'origine du désordre
observé dans ce secteur.
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