PREMIERE PARTIE
LES FACTEURS QUI ORGANISENT LE
TRANSPORT ROUTIER DANS LA VILLE DE
BOUAKE
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Introduction
Dans les villes des pays développés, les
infrastructures routières et l'automobile sont les principaux outils de
diffusion de l'urbanisation périphérique avec des ménages
équipés en véhicules individuels, pour lesquels, la
distance n'est pas forcément une contrainte. Cependant, la
réalité est tout autre en Afrique subsaharienne et surtout dans
les grandes villes comme Bouaké, où l'expansion ne s'accompagne
toujours pas d'infrastructures nécessaires notamment routières.
L'impact du milieu physique est aussi visible sur l'organisation spatiale du
transport routier-urbain à Bouaké. L'accroissement urbain se
traduisant par l'allongement des distances est beaucoup plus ressenti par les
citadins puisque cet étalement urbain se fait très souvent avec
l'absence d'infrastructures routières et des moyens de transport.
Dans ce contexte, le transport routier collectif tente de
s'adapter aux bourses des catégories sociales modestes. Les taxis-ville,
les minicars (Gbakas), les taxis-motos et autres sociétés de
transport (SOTUB et STUB), avec l'absence de transport urbain public, et
malgré leur offre parfois insuffisante, constituent une réponse
à cet étalement urbain. De toute évidence, la morphologie
urbaine, la diversité des formes d'urbanisation, les questions
d'accessibilité spatiale et la rentabilité économique des
moyens de transport orientent d'une certaine manière le choix des
opérateurs dudit secteur.
Pour analyser, l'impact du cadre physique et le manque
d'infrastructures et d'équipements sur l'organisation du transport
routier, surtout de personnes dans la ville de Bouaké, nous nous
intéresserons dans cette partie aux interactions entre transport et le
cadre urbain (chapitre 1) et aux influences des infrastructures et
équipements du transport sur l'organisation du transport routier de la
ville de Bouaké (chapitre 2).
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Chapitre 1: L'INTERACTION ENTRE TRANSPORT ROUTIER ET LE
CADRE URBAIN
Les différentes formes physiques et plans urbains d'une
localité influencent les modes de transports routiers surtout dans un
espace où le niveau de vie et les équipements de transports se
font désirer. La création d'une ville répond toujours
à un objectif particulier. Bouaké, localité de notre
étude a été développée par le colon à
partir des années 1900 du fait de la position stratégique
qu'occupait ce petit village (Gbêkêkro). En effet, comme toutes les
villes subsahariennes, Bouaké va connaitre une croissance urbaine et
démographique rapide, entrainant un éclatement et l'occupation
sauvage de son cadre naturel.
L'urbanisation étant considérée en
Côte d'Ivoire et principalement à Bouaké comme un vecteur
de développement et un mode d'expression du modernisme. D'ailleurs, elle
est vue sous cet angle de la même manière partout en Afrique et
dans le monde. Ce qui amène (PAULET, 2000) à dire que, «
l'extension des zones urbaines constitue un phénomène mondial
touchant depuis quatre décennies l'Afrique subsaharienne ».
Cependant, sa montée rapide et incontrôlée en Afrique et
symboliquement en Côte d'Ivoire entraîne des bouleversements
majeurs de l'économie, de la démographie et une mutation des
systèmes sociaux et culturels.
Cette urbanisation dans les grandes agglomérations
africaines et particulièrement à Bouaké ressemble à
un phénomène non pensé et qui est issu pour une part non
négligeable de l'initiative privée. L'organisation de l'espace et
les paysages urbains africains traduisent en grande partie l'incapacité
des pouvoirs publics dans la plupart des cas à imposer les
différentes politiques urbaines. L'extension spatiale urbaine
échappe donc à tous les services officiels, qui restent
généralement impuissants face à ce rouleau compresseur.
Les périphéries deviennent alors synonymes d'éloignement
qui joue un rôle primordial dans le choix des moyens de transport.
La ville de Bouaké n'échappe pas à cette
réalité où les difficultés du transport collectif
ne sont pas seulement le fait d'une urbanisation incontrôlée. Mais
aussi, la faiblesse de l'offre des services de transport, la
vétusté des infrastructures et le difficile accès aux
moyens de transport sont des problèmes récurrents des populations
de ladite ville. À ces difficultés, il faut noter aussi, le
milieu naturel qui influence et impacte négativement les infrastructures
et équipements routiers à Bouaké, comme dans toutes les
autres villes de la Côte d'Ivoire.
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De toute évidence, la morphologie urbaine, la
diversité des formes d'urbanisation, dense ou diffuse, les questions
d'accessibilité spatiale et la rentabilité économique des
moyens du transport collectif orientent d'une certaine manière le choix
de la desserte par les opérateurs dudit secteur, mais aussi des usagers.
Dans ce chapitre nous aborderons en premier lieu, l'influence de la morphologie
de la ville sur le transport terrestre et en second lieu la politique du
transport terrestre (routier) dans la ville de Bouaké.
Carte n°3 : Le cadre urbain de
Bouaké
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1-1 INFLUENCE DE LA MORPHOLOGIE DE LA VILLE SUR LE
TRANSPORT TERRESTRE
MERLIN (2009), appréhende la forme urbaine dans le
dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement comme l'ensemble des
éléments du cadre urbain qui constituent un tout homogène.
La forme urbaine est assimilée à la morphologie urbaine qui fait
référence à la combinaison du cadre physique (topographie,
site et situation), du plan urbain (la voirie, le parcellaire, les usages du
sol), à la structure et à l'organisation de l'espace et des
activités. C'est un élément décisif pour les
transports, surtout routier et singulièrement de personnes. FAYE (2013)
dit ceci à ce propos: « A y regarder de plus près, on
note que le contexte géographique à l'instar des
déterminants socio-économiques apporte des contraintes sur les
transports et les mobilités ». Par là c'est le lieu de
comprendre que, le type de plan urbain est aussi un élément
déterminant dans l'organisation urbaine, mais aussi dans l'insertion des
transports dans les villes.
L'aménagement du territoire et l'organisation du
transport terrestre routier restent deux problématiques indissociables.
L'occupation d'un lieu par une activité donnée est
conditionnée par de multiples facteurs. La question inévitable
d'accessibilité aux moyens de transport se pose comme l'un des
éléments prédominants dans la prise de décision de
l'aménagement urbain qui influence la morphologie des villes.
1-1-1 Le rôle déterminant du cadre
physique
Les dessertes d'une localité, où des
différents lieux d'une agglomération en moyens et modes de
transport (routier) sont en rapport étroits avec le cadre physique qui
peut influencer la création et le développement urbain. Dans le
cas de la ville de Bouaké, le cadre physique joue un grand rôle
dans la mise en place des infrastructures routières. On note des zones
dépourvues de routes ou des routes dégradées sous l'effet
de la nature, bien que Bouaké bénéfice d'un milieu naturel
peu hostile à l'homme.
En effet, située au centre de la Côte d'Ivoire,
la ville de Bouaké se trouve sur un relief plat de plateaux dont la
particularité essentielle est sa digitation et son altitude moyenne est
de 310 m. Ce faisant, la ville est légèrement inclinée de
l'Ouest vers l'Est. De 390m à l'Ouest, l'altitude de la ville s'abaisse
progressivement pour atteindre 240 m à l'Est. Trois bassins versants
se
partagent ce plateau: au Nord, le bassin de la Loka ; au Sud,
celui du Kan et à l'Est, celui du Soungourou.
Les lits des différentes rivières sont peu
profonds et les pentes également peu prononcées, ce qui favorise
la stagnation des eaux entraînant parfois des menaces d'inondation des
habitations avoisinantes. Les terrains de pente supérieure à 10%
occupent une faible partie du site actuellement urbanisé et se trouvant
principalement localisés près du barrage de Kan3
(Houphouët-ville, Assekro, Air-France3 et Broukro2). Aussi, Bouaké
est morcelée par des rubans marécageux des rivières Loka
et Kan. L'espace urbain de la ville se caractérise donc en partie par
l'isolement de certains quartiers, allongeant ainsi les distances.
Par sa situation géographique, entre la latitude
7°69 N et à la longitude 5°03 W, l'espace urbain de
Bouaké est recouverte d'une savane arborée, un peu plus «
touffu » que celle du nord de la Côte d'Ivoire. Bouaké est
dans une zone de climat du nord qui est plus contrasté que celui du sud:
l'amplitude thermique est plus élevée (22°C à
35°C). L'ensoleillement est plus constant et l'hygrométrie plus
faible qu'au sud. Ce qui se caractérise par deux grandes saisons: la
saison des pluies allant de Mai à Novembre et la saison
sèche allant de Novembre à Mai. Le Harmattan, vent du Sahara,
intervient pendant la saison sèche vers Janvier et Février,
transportant du sable et desséchant tout sur son passage. Cet espace peu
accidenté est généralement soumis aux effets de
l'érosion (photos 1 et 2). Enfaite, l'espace urbain de Bouaké est
peu hostile à l'installation de l'homme, ce qui explique en grande
partie l'extension rapide de la ville de Bouaké.
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3 Atlas Bouaké 2010
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Photo n°1 : Effet de l'érosion sur une rue
d'Houphouët-ville
Clichés KALOU BI K Didier, 2014
Photo n°2 : Effet de l'érosion
menaçant une rue au quartier Nimbo (Habitat)
Clichés KALOU BI K Didier, 2014
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Ainsi, la période la plus confortable pour circuler
dans toute la ville de Bouaké et dans son paysage environnant est celle
de novembre à mars, ou le ciel est bleu, l'air sec, les nuits plus
fraîches et où l'on note une absence de pluie et donc les voies
non bitumées sont mieux praticables surtout pour rejoindre les
différentes quartiers et villages qui sont généralement
sous-divisés ou reliés par des routes ou rues non
bitumées.
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