§2. PERSPECTIVES
Il est temps pour le Conseil des Ministres de se pencher sur
ces différentes questions relatives aux aspects du droit pénal de
l'ohada, afin de garantir l'investissement dans l'espace et éviter
notamment la naissance des paradis et enfers pénaux. L'existence des
telles situations dans un espace harmonisé ne peut favoriser un
investissement car n'offrant pas un climat de confiance.
Ainsi, il y a essentiellement des perspectives relatives
à l'exigence d'une uniformisation répressive pour une
intégration juridique exhaustive.
A. L'exigence D'une Uniformisation Répressive
Pour Une Intégration Juridique
Exhaustive
Émanant de chaque pays, étant donné que
le droit pénal compte parmi les éléments de
souveraineté des États, les textes pénaux de certains
États membres ont démontré leurs limites, notamment du
fait du caractère transfrontalier des comportements à
sanctionner. La solution est donc claire, il faut un droit pénal
très spécial des affaires qui tiendrait compte non seulement de
la spécialité des comportements visés, mais aussi du
caractère transfrontalier de la délinquance en ce domaine.
Pour mieux tirer les conséquences résultant d'un
tel constat, il convenait de recourir à une construction juridique
regroupant plusieurs États. De la sorte, le droit de l'ohada qui
poursuivait cet objectif ne pouvait que se doubler d'un aspect renvoyant au
droit pénal. Ayant harmonisé les textes en droit civil des
affaires, il convenait également de procéder de la même
façon en droit pénal.
C'est donc ainsi que les techniques juridiques de gestion de
l'espace ont pu intégrer le droit pénal.157
En effet, il n'y a pas lieu d'être le premier à
proposer une uniformisation de la répression dans l'espace OHADA.
Certains ont proposé l'harmonisation d'un droit pénal de fond et
de forme de l'OHADA. Sans exclure ces considérables propositions, il
s'adopte une approche plus simple. C'est dans cette veine qu'une uniformisation
répressive dans l'espace Ohada impose une uniformisation normative et
judiciaire.
157 AKAM A., op. cit, p.74
56
S'agissant de l'uniformisation normative du droit pénal
communautaire de l'ohada, il importe d'abord de saluer l'effort consenti par
les états membres de l'OHADA, qui ont surmonté leurs
égoïsmes nationaux en faveur des incriminations communautaires.
Cependant, la technique consistant à séparer les
éléments de l'infraction de la sanction, a plombé
l'intégration juridique par l'uniformisation ou l'unification du droit
applicable.
Il convient donc d'achever l'oeuvre commencée par la
communautarisation des sanctions uniformes. Qui plus est, le pouvoir de
prévoir les sanctions est inhérent à celui de fixer les
règles et ne peut pas en être dissocié.
Si les disparités dans l'appréciation du quantum
de la sanction sont effectives, il n'est pas impossible de trouver une moyenne
commune à tous les États de l'OHADA ou de créer les
sanctions communautaires au prorata de l'ordre public des affaires à
protéger.
Un recours aux experts en pénologie n'est pas exclu
pour éclairer le législateur de l'OHADA sur l'adéquation
entre la typologie des sanctions pénales et la réduction de la
délinquance d'affaires.
Tout en admettant la tolérance qui domine
l'appréhension des comportements humains en droit des affaires, il
convient d'indiquer, et ceci surtout pour rassurer ceux qui craignent
l'envahissement du domaine des affaires par le droit pénal que le droit,
de manière générale, et particulièrement le droit
pénal, n'est pas seulement contrôle, contrainte, gêne,
menace et sanction, il est aussi protection, guide, assurance, défense
et sécurité.158
Ainsi, il y a lieu de remédier à ces situations
qui risquent d'entraver sérieusement les efforts d'unification du droit
des affaires dans l'espace ohada. Le souci de respecter la souveraineté
pénale des États pouvant être entretenu d'une autre
manière. À défaut de fixer l'échelle des peines
directement, le législateur ohada pouvait par exemple fixer des minimums
et des maximums communs à tous les États membres pour chaque
incrimination, et laisser aux législateurs nationaux, la
possibilité de les aménager, sans toutefois entamer les seuils
qu'il aurait fixés.
De même, une uniformisation des pénalités
n'est pas impossible, ni opportune, compte tenu de l'approche
intégrationniste de l'ohada. Dans cette optique, il y a lieu
d'émettre le voeu, le cas échéant, de voir des
rapprochements ou similitudes dans les contenus des interventions
législatives nationales y relatives.
158 AKAM A., op. cit, 72
57
Cet effort embryonnaire est d'ailleurs perceptible dans les
législatives notamment sénégalaises et camerounaises, qui
pour des infractions telles que la suppression illicite du droit
préférentiel de souscription prévue par l'article 573 de
l'acte uniforme, prévoient respectivement des sanctions identiques.
Dès lors qu'un droit pénal communautaire sera
mis sur pied, restera l'épineuse question de l'uniformisation
judiciaire. En effet, les conflits qui naissent entre la CCJA et les cours de
cassation nationales témoignent d'une difficile appropriation de cette
juridiction communautaire par les États membres de l'OHADA,
malgré qu'il y ait absence d'une chambre pénale au sein de la
CCJA.
L'idée d'une juridiction pénale communautaire,
bien que théoriquement plausible, peut faire face à des
écueils pratiques. Au nombre de ces écueils, il convient de
mentionner les difficultés de transport de tous les délinquants
devant le siège de la cour pénale communautaire; la saturation
des rôles au regard du volume quantitatif du contentieux; et le difficile
financement de cette justice pénale communautaire. Il est question de
dénoncer simplement la lourdeur d'un tel système pénal.
Au regard de ces difficultés, il n'est pas exclu de
recourir à la répression étatique des infractions
communautaires. Disposant des mêmes incriminations et sanctions, les
juges pénaux nationaux des États membres du Traité OHADA
pourront aisément satisfaire au principe: « aut judicare, aut
dedere». Le juge doit choisir la sanction applicable dans une fourchette
légale, qui oscille entre un minimum et un maximum.159
Des disparités peuvent exister dans
l'appréciation entre le minimum et le maximum de la peine. Les
aspérités propres à l'appréciation humaine diverse
d'une même situation. C'est ce qui humanise la justice pénale
à défaut de la robotiser.
En outre, il y a aussi la nécessité de poser des
principes directeurs communautaires, en effet, l'harmonisation est un processus
qui consiste à consacrer les convergences et à rapprocher les
divergences. A cet effet, il faut des règles juridiques et des valeurs
communes qui servent de référence. Ce sont des principes
directeurs. Ces derniers sont d'autant plus nécessaires que du fait de
l'option communautaire, l'ordre juridique nouveau a créé des
bouleversements ou, tout au moins, des changements dans les ordres juridiques
internes posant ainsi des problèmes d'articulation entre le premier et
les derniers.
159 SOCKENG R., op.cit., p. 45
58
Il y a selon la distinction qui a été
opéré160: des «principes directeurs de
confluence», qui tendent à consacrer des confluences. Par exemple,
la reprise par l'ohada des dispositions qui ont été
consacrées par l'ensemble des États parties au Traité
ohada.
D'ailleurs, ces principes pourraient être fondés
sur ce que les concepteurs de l'ohada appellent «les traditions juridiques
communes » inspirées ou imposées par la France et la
Belgique principalement; des principes directeurs de synthèse «qui
tendent à concilier des divergences de conception. Ces derniers sont
plus en adéquation avec l'option libérale qui caractérise
l'ohada. Ces divergences de conception sont aplanies lorsque l'on aboutit
à une définition commune des institutions qui font l'objet de
divergences ; des règles supplétives, qui comblent des lacunes
constatées. Ces lacunes pouvant découler de l'évolution
économique et juridique ou tout simplement sociale. La
consécration par l'ohada de la société anonyme
unipersonnelle semble bien procéder de cette volonté de combler
les lacunes constatées dans certains domaines du droit des affaires
comme c'est le cas en matière de responsabilité où la
consécration de la responsabilité pénale des personnes
morales est attendue.161
Au final, cette étude parmi tant d'autres devrait
attirer l'attention des décideurs tant au niveau national qu'au niveau
communautaire afin de répondre à cet appel pour éviter que
d'autres dispositions qui pourraient résulter des actes uniformes
à venir ne soient confrontées à des difficultés de
mise en oeuvre, ce qui constituera un blocage sérieux au processus
d'harmonisation. Ces derniers peuvent décider d'aller plus loin par
exemple en déterminant pour chaque infraction selon leur gravité
le minimum et le maximum de la peine qui devra être prononcée par
les juges, cette solution peut bien aboutir puisque le législateur l'a
déjà utilisé dans le cadre de la détermination du
capital social minimum des SARL qui appartient désormais aux
États parties162, ils peuvent également régler
la question des amendes en fixant le moins et le plus. Par ailleurs, pour
assurer l'effectivité de l'application de toutes ces mesures, il serait
préférable de penser à la création d'un parquet au
niveau de la CCJA qui devra y veiller et en faire un état des lieux
chaque fois que le Conseil se réunit afin d'attirer l'attention des uns
et des autres, cela pourrait à notre avis, être
bénéfice pour l'espace Ohada.163
160 DELMAS-MARTY M., op, cit, p. 43
161 POUGOUE P.G et alii, op. Cit. p.239
162 Art. 311 de l'AUDSCGIE, in code vert : traité et
actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014, p.433
163 MANSAKA B., op cit, p.56
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