B. Une existence séparée des constituants
de l'infraction
En effet, une infraction se caractérise par l'existence
cumulative d'une incrimination et d'une sanction. Dans cette veine,
l'infraction est régulièrement constituée lorsque la
sanction complète l'incrimination.152 A l'inverse de cette
approche classique, le Traité de l'OHADA procède à une
détermination des incriminations par les Actes uniformes d'une part et
à la détermination des sanctions pénales par les
législations nationales d'autre part.
Cette dissociation des incriminations avec les sanctions
fragilise l'uniformisation en particulier et l'intégration juridique en
général.
Une telle approche est surprenante car, la politique
criminelle selon Marc ANCEL apparait comme: «une stratégie
méthodique de réaction anticriminelle; il est difficilement
concevable de soumettre les deux éléments de sa structure que
sont le phénomène criminel et la réponse de la politique
criminelle a une logique différente».153
Le choix de cette dynamique a pour dérivés
notamment la multiplication des législations pénales, une
problématisation de l'uniformisation de l'OHADA, car l'harmonisation du
droit des affaires en Afrique a pour but de mettre un terme aux fissures et
dérives qui menacent le bloc homogène du droit des affaires
légué par les anciennes puissances coloniales à la veille
des indépendances, et qui s'était par la suite
décomposée en sous ensemble.
Il est donc apparu nécessaire d'arrêter ce
phénomène de dislocation des systèmes juridiques et
concevoir une oeuvre d'intégration débouchant sur l'unité
du droit. 154 Il convenait en conséquence même en
matière pénale, de promouvoir un droit unifié. A
contrario, le législateur de l'OHADA a offert la latitude à
chaque État partie de prévoir les sanctions des infractions
définies dans un texte communautaire. Il faut relever que cette vision
semble causer plus de problèmes qu'elle n'en résout.
En fait, l'État choisit selon ce que lui commande son
propre système juridique, et surtout selon sa propre hiérarchie
des normes, les voies pertinentes pour aboutir à une organisation
efficace de la répression. Mais cela peut créer des distorsions
importantes dans les sanctions encourues, si les États ne coordonnent
pas leurs dispositions.
152 SOCKENG R., op. cit, p.33
153 POUGOUE P.G et alii, op. Cit. p.227
154ISSA SAYEGH J. et LOHOUES-OBLE J., op.cit., p.
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Certains peuvent oublier de fixer les sanctions applicables
aux différents délits prévus par les Actes uniformes;
alors que les autres les auront définies. Certains peuvent avoir une
appréciation plus rigoureuse des faits incriminés et les
sanctionneront plus sévèrement que les autres.155
L'attribution de la compétence répressive aux
États en produisant des législations pénales multiples et
variées, compromet l'objectif d'uniformisation ou d'unification du droit
de l'OHADA.156
En outre, pour que tous les délinquants d'affaires
soient soumis aux mêmes sanctions pénales, il faut que tous les
États adoptent les mêmes gammes de sanctions. Ce qui n'est
l'hypothèse de l'article 5 alinéa 2 du Traité OHADA. Il y
a eu en conséquence deux groupes de pays appliquant des textes
différents. Le premier groupe comporte les pays n'ayant pas encore
transposé la législation communautaire dans leur droit interne.
En effet, ces États n'ont pas encore légiféré sur
les sanctions pénales devant accompagner les comportements
incriminés dans le Traité OHADA.
Il est ainsi difficile de parler d'infraction en raison de
l'absence des sanctions. En conséquence, si ces comportements
incriminés dans les actes uniformes sont commis dans ces États,
il sera impossible de les poursuivre au titre d'infractions. Ces pays
constituent donc des paradis pénaux car la perpétration des actes
incriminés en droit de l'OHADA ne peut être suivie de
sanctions.
Ce n'est pas le cas du deuxième groupe, qui est
constitué des pays ayant transposé la législation
communautaire dans leur droit interne, ils ont adoptés des sanctions
pénales internes pour compléter le droit communautaire.
Toutefois, au lieu de l'harmonisation ou uniformisation, ces pays ont
procédé à la confirmation de leur droit pénal
antérieur. En bref, la multiplication des législations
pénales et l'émergence des paradis pénaux illustrent bien
la crise de l'uniformisation juridique en particulier et celle de
l'intégration juridique au sein de l'OHADA en général.
Cette analyse n'est pas à désolidariser avec la difficile
délimitation du domaine du droit pénal de l'OHADA.
155 ISSA SAYEGH J. et LOHOUES-OBLE J., op.cit., p. 42
156 MANSAKA B., op. cit, p. 64
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