SECTION 2. CRITIQUES ET PERSPECTIVES DE LA REPRESSION
EN DROIT PENAL DE L'OHADA
Les États membres de l'OHADA ne sont pas en dehors,
mais à l'intérieur du processus d'intégration juridique de
l'OHADA. Ils y expriment leur souveraineté, cela est perceptible
à travers le souci de sauvegarde de la souveraineté des
États parties, par les organes étatiques de l'intégration
juridique et la centralité des États dans les instruments
d'intégration juridique de l'OHADA.
Cependant, cette sauvegarde de souveraineté est
susceptible de faire l'objet des critiques (§1), à l'issu
desquelles il faudrait proposer des perspectives (§2) à la
répression efficace des infractions d'affaires en droit pénal de
l'ohada.
§1. CRITIQUES
Les États Parties au traité de l'OHADA ont sans
nul doute, consenti d'abandonner une partie de leur souveraineté pour
donner une chance à l'intégration juridique, prélude de
l'intégration économique des pays signataires. La mise en place
du droit communautaire constituait un pari à gagner par nos
États, le problème n'a pas présenté de
complexité particulière, lorsqu'il s'est agi d'harmoniser ou
d'uniformiser les Droit Commercial Général, le Droit des
Sociétés Commerciales et du G.I.E., les Sûretés, les
Voies d'exécution, les Procédures Collectives, l'Arbitrage, le
Droit Comptable ainsi que le Droit du Transport.148
Les États Parties au traité ont même fait
de leur latitude d'incrimination des comportements antiéconomiques, une
simple faculté: «Les Actes Uniformes peuvent inclure
146 MEYER P., Op ; cit, p. 9
147 Cour Suprême du Niger, arrêt 16 août 2001,
RBD, 2002, p. 121 et S.
148 SOCKENG R., op. cit, p.3
51
des dispositions d'incrimination
pénale...».149 Il n'a donc pas été
consacré clairement un acte uniforme portant droit pénal de
l'OHADA.
En effet, les États, ont de tout temps refusé le
transfert de cet attribut essentiel de la souveraineté qu'est l'exercice
de la répression, c'est ce qui explique le triomphe du principe de la
territorialité.
Il semble que le législateur de l'OHADA a par moment
hésité entre deux hypothèses, élaborer un droit
pénal pour assainir le droit communautaire en sapant la
souveraineté des États, ou alors sauvegarder la
souveraineté et éloigner le droit pénal du champ du Droit
Communautaire.
En effet, l'exercice direct de la souveraineté
répressive par chaque État membre de l'OHADA fragilise
l'uniformisation juridique. Ceci peut se justifier de par la nature et l'esprit
du droit pénal; qui est l'expression de la puissance publique
étroitement liée à la souveraineté de chaque
État.150 En fait, le droit pénal général
est au coeur du sanctuaire de la souveraineté des États. Les
États se montrent jaloux de leurs prérogatives en ce domaine et
sont réticents à abandonner des parcelles de souveraineté.
Chacun entend conserver une large indépendance dans la définition
de sa politique criminelle nationale. Il s'impose en conséquence une
solution consécutive à la relativisation de l'uniformisation
pénale du système de l'OHADA par certains écueils, alors
que les objectifs de l'OHADA devraient conduire à la construction d'un
véritable droit uniforme pour tous les États membres.
Mais, la nécessité d'adopter une démarche
progressive et de prendre en considération certaines
spécificités relatives au droit pénal conduira à ne
pas effacer totalement les législations internes. Il y a ainsi un
concours entre le droit de l'OHADA et les législations internes. Ce
concours relativise l'harmonisation pénale du système de l'OHADA
et conduit à des nombreuses critiques. Certaines sont relatives à
une insuffisante de la délimitation du domaine du droit pénal de
l'ohada d'une part (A), et à une existence séparée des
constituants de l'infraction d'autre part (B).
149 Art. 5 al. 2 du traité de l'Ohada, in code vert :
traité et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014,
p.80
150 VIRALLY M., cité par M. MAHOUVE, «Le
système pénal OHADA ou l'uniformisation à mi-chemin»,
in Penant, n° 846, Niamey, 2004, p.87-96
52
A. Une insuffisante délimitation du domaine du
droit pénal de l'ohada
En effet, l'article 2 du Traité OHADA a retenu comme
relevant du droit des affaires, toutes les matières relatives au
«droit des sociétés et au statut juridique des
commerçants, au recouvrement des créances, aux
commerçants, aux sûretés et aux voies d'exécution,
au régime de redressement des entreprises et de la liquidation
judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable,
au droit de la vente et des transports, et tout autre matière que le
conseil des Ministres déciderait à l'unanimité d'y
inclure, conformément à l'objet du Traité
OHADA».151
Il y a lieu de relever un effort de délimitation du
droit des affaires, l'objet du droit pénal de l'OHADA serait ainsi la
prévision des incriminations qui encadrent ces matières. Or le
droit pénal des affaires ne concerne pas seulement les
sociétés commerciales.
En réalité, le droit pénal des affaires
est à la fois le droit pénal de l'activité
économique et le droit pénal de l'activité commerciale ou
individuelle. Les protagonistes de ce droit sont tous ceux qui, de près
ou de loin, participent à ces activités : le notaire qui certifie
les apports, le gérant qui fait des faux en écriture de commerce
ou qui distribue des dividendes fictives, les salariés qui
empêchent le fonctionnement de l'entreprise, l'expert-comptable qui ne
dénonce pas les infractions constatées lors de son
contrôle, le directeur général de société qui
dépose des produits nocifs dans une zone habitée et qui nuisent
à l'environnement, le chef de service de vente qui fait distribuer des
produits abîmés, l'associé ou l'employé qui vend
à un concurrent des secrets de fabrique.
Tous ces protagonistes précités ne font pas
partie directement de l'entreprise commerciale. Certains font partie des
structures de la société, d'autres sont des collaborateurs
occasionnels, des concurrents, d'autres enfin une population voisine ou
lointaine.
Le législateur de l'OHADA ne couvrant pas ce vaste et
riche domaine, la latitude est laissée aux États de
prévoir d'autres infractions. Ce qui ouvre la voie à une
diversité de législations pénales au sein d'un espace, qui
se veut uniforme. Les difficultés d'uniformisation des
législations pénales compromettent la finalité
d'intégration juridique. Cette compromission est amplifiée par
une existence séparée des constituants de l'infraction.
151 Art. 2 du Traité de l'ohada, in code vert :
traité et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014,
p.3
53
|