Section II : Les fondements
politico-déontologiques de la prévention
du détournement des deniers publics
114 - Les fondements
politico-déontologiques de la prévention du détournement
des deniers publics concernent d'une part, le regard politique
c'est-à-dire la place qu'occupe le gouvernement dans la
prévention du détournement des deniers publics (A) et d'autre
part, l'éthique déontologique qui contribue
énormément au changement de mentalité des agents publics
dans le milieu professionnel (B).
Paragraphe I : Le regard politique de la
prévention
115 - Depuis fort longtemps le gouvernement
a toujours joué un rôle considérable par son implication
dans la prévention du détournement du denier public (A) et dans
l'incitation à la transparence dans la gestion des deniers publics
(B).
A- L `implication dans le détournement des deniers
publics
116 - Conscient de l'ampleur et de la
négation du détournement orchestré par le délit de
détournement des deniers publics, le gouvernement congolais a pris
tâche de mettre en place une politique de lutte et de
prévention.
117 - En effet, engagé dans l'action
de redressement du pays en crédibilisant davantage les institutions de
la République et en restaurant l'autorité de l'État. Le
Gouvernement a doté le Congo des organes de lutte contre la corruption,
la concussion et la fraude par le décret n°2004-323 du 08 juillet
2004 portant création de l'observatoire anti-corruption. 85
118 - Les actions de lutte sont sporadiques
et axées essentiellement sur l'angle répressif. L'approche
développée par la cour Révolutionnaire de justice dans les
années 70 pour réprimer le détournement de fonds publics
et sanctionner les
85 - Décret n°2009-235 du 13 Août
2009 portant approbation du plan d'action de lutte contre la corruption, la
Concussion et la fraude et pour l'amélioration de la gouvernance en
République du Congo. p.3.
33
saboteurs de l'économie nationale ont
été certes spectaculaires mais n'ont pas permis de mettre en
place un mécanisme efficace et pérenne de
prévention.86
119 - Cependant pour limiter l'impact
négatif de la corruption dans ces multiples facettes dans le pays. Le
Gouvernement a jugé approprié de bien cerner toutes les
dimensions à travers deux études diagnostiques : la
première avec l'appui du PNUD en 2003 et la seconde dans le cadre du
projet de renforcement des capacités de transparence et de gouvernance
menée par le cabinet CERTI en 2003.
120 - Il ressort de l'étude de 2003
que 87% des personnes interrogées sont convaincues de l'existence de la
corruption et de la fraude dans l'administration publique où les foyers
de corruption sont identifiés dans les secteurs suivants : Douanes ;
Impôts ; Police ; Justice ; Enseignement ; Santé ;
Mairie.87
121 - Toutefois, il est à souligner
que les causes essentielles de la corruption au Congo sont : la faiblesse de
contrôle, le faible pouvoir d'achat des fonctionnaires et les bas
salaires, la faiblesse du secteur judiciaire, le blocage des effets et
avancements des agents de l'État, le chômage et la
pauvreté, la crise des valeurs.88
122 - Suite à l'étude de 2003,
il fut élaboré un plan national de lutte contre la corruption, la
concussion et la fraude qui fut adopté en conseil des ministres en juin
2004.
123 - Dans ce plan, les stratégies de
mise en oeuvre étaient : le renforcement du système national en
matière de prévention, de détection et de
répression de la fraude, de la concussion et de la corruption et de tout
autre acte assimilé à ces infractions, l'adhésion et
l'implication totales de l'ensemble des acteurs de la vie
86 - Décret n°2009-235 du 13
Août 2009 portant approbation du plan d'action de lutte contre la
corruption, la Concussion et la fraude et pour l'amélioration de la
gouvernance en République du Congo. p.4.
87 - Décret n°2009-235 du 13
Août 2009 portant approbation du plan d'action de lutte contre la
corruption, la Concussion et la fraude et pour l'amélioration de la
gouvernance en République du Congo. p.3
88 - Décret n°2009-235 du 13
Août 2009 portant approbation du plan d'action de lutte contre la
corruption, la Concussion et la fraude et pour l'amélioration de la
gouvernance en République du Congo. p.4.
34
nationale à la lutte contre la corruption, la
concussion et la fraude, l'amélioration de la qualité du service
public, la moralisation de la vie publique.89
124 - Pour la mise en oeuvre de ce plan
d'action, il avait été créé une commission
nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude dont la
composition était essentiellement constituée des ministres et les
directeurs généraux des grandes administrations.
125 - Pour obtenir une plus grande
efficacité dans la lutte contre la corruption, cette commission a
été réorganisée en 2007 dans sa composition
actuelle. Un second organe appelé Observatoire anti-corruption a
été créé afin de suivre la lutte contre la
corruption, la concussion et la fraude par la commission nationale de lutte
contre la corruption, la concussion et la fraude. 90
126 - Aussi en République
Démocratique du Congo par exemple, dans l'initiative d'une bonne
gouvernance et la lutte contre les antivaleurs, la mise en place d'un nouveau
gouvernement a-t-elle été nécessaire et engagée
pour lutter efficacement contre la corruption, le détournement des
deniers publics, la concussion, les fraudes fiscales et douanières et le
pillage des ressources naturelles de la République Démocratique
du Congo.
127 - Cet engagement des autorités
issues des élections a été illustré avec force dans
le discours d'investiture du Président de la République en
Décembre 2006 et la mise en place par le Premier Ministre du Contrat de
Bonne Gouvernance présenté au Parlement en Février
2007.91
128 - Toutefois, durant l'année 2007,
la Ligue Congolaise de Lutte contre la Corruption a observé et suivi la
mise en application de ces engagements des
89 - Décret n°2009-235 du 13
Août 2009 portant approbation du plan d'action de lutte contre la
corruption, la Concussion et la fraude et pour l'amélioration de la
gouvernance en République du Congo. p.5.
90 - Décret n°2009-235 du 13
Août 2009 portant approbation du plan d'action de lutte contre la
corruption, la Concussion et la fraude et pour l'amélioration de la
gouvernance en République du Congo. p.4.
91 - Communiqué de presse
n°15/sg/LICOCO/2007 sur le hit parade des meilleurs détourneurs des
deniers publics pour l'année 2007 en République
Démocratique du Congo, p.1.
35
autorités de la République. Nous pouvons
affirmer sans se tromper que le résultat en matière de bonne
gouvernance, de lutte contre la corruption, de pillage des ressources
naturelles, de fraude fiscale et douanière est loin d'être
atteint. .92
129 - Nous ne pouvons pas oublier que le
Premier Ministre a pris quelques actions allant dans le sens de la promotion de
la bonne gouvernance mais sans y entrer en profondeur. C'est ainsi que par
exemple :
- Une commission de révisitation des contrats miniers
a été mise en place mais la publication du rapport de cette
commission tarde à venir, mettant ainsi en doute la volonté
même de l'engagement des autorités de l'État dans la lutte
contre la corruption, le détournement des deniers publics ;
- Le Premier Ministre a diligenté des audits dans
différents Ministères de la République Démocratique
du Congo et dans ce processus la publication du rapport d'audit est
jusqu'à présent inconnue du public Congolais. Selon les
informations venant du Cabinet du Premier Ministre, c'est par le rapport de
cette commission que le Président de la République et le Premier
Ministre pourront se baser pour faire le remaniement de l'actuel Gouvernement
de la République Démocratique du Congo 93
130 - Ces deux actions du Premier Ministre
sont à encourager mais un grand effort doit être fait pour
éradiquer une fois pour toute la corruption, le détournement des
deniers publics, la fraude fiscale et douanière et le pillage des
ressources naturelles en République Démocratique du Congo afin
d'asseoir des institutions fortes.94
131 - Sous d'autres cieux tel qu'au Maroc,
conscient des risques graves du fléau de la corruption et de son impact
sur les efforts de développement et
92 - Communiqué de presse
n°15/sg/LICOCO/2007 sur le hit parade des meilleurs détourneurs des
deniers publics pour l'année 2007 en République
Démocratique du Congo, p.1.
93 - Communiqué de presse
n°015/sg/LICOCO/2007 sur le hit-parade des meilleurs détourneurs
des deniers publics pour l'année 2007 en République
Démocratique du Congo, p.2.
94 - Ibid.
36
d'investissement. Le Royaume du Maroc a renforcé les
fondements législatifs et institutionnels de la lutte contre la
corruption et a consolidé les valeurs de transparence dans la gestion de
la chose publique.95
132 - Convaincus par ces choix vitaux, les
gouvernements successifs ont confirmé, dans leurs engagements devant le
Parlement, l'obligation de prendre des mesures concrètes et rigoureuses
pour lutter contre la corruption, et promouvoir une nouvelle culture de gestion
au service du citoyen.96
133 - Dans ce cadre, le gouvernement s'est
penché sur la concrétisation de cet engagement en 2005, en
mettant en place un programme d'action holistique développé en
coordination avec les départements ministériels concernés
et en consultation avec les acteurs de la société civile. Il
s'agit d'un plan d'action sur le court et moyen terme, avec des mesures
horizontales et sectorielles comprenant les éléments de
prévention, de sensibilisation et de sanction.
134 - Ce programme est structuré autour
de six principes de base visant :
- la consolidation des valeurs éthiques dans
l'administration ;
- le renforcement du cadre institutionnel de la prévention
de la corruption ;
- la consécration des principes de transparence dans la
gestion et l'exécution des
marchés publics ;
- le développement des systèmes de suivi, de
surveillance et d'audit ;
- la prévention de la corruption en simplifiant les
procédures administratives ;
- l'éducation, la sensibilisation et la
communication.97
135 - Afin d'assurer la continuité des
efforts du gouvernement pour contenir le fléau de la corruption, un
comité interministériel a été créé
lors de la réunion du 7 décembre 2009. Dirigé par le
Premier Ministre, ce comité a été chargé de
95 - Ministère de la Modernisation des
Secteurs publics, La prévention et la lutte contre la corruption au
Royaume du Maroc, p.39.
68- Ibid.
97 -Ministère de la Modernisation des
Secteurs publics, La prévention et la lutte contre la corruption au
Royaume du Maroc, p.40.
37
proposer des actions concrètes, avec des impacts
immédiats et directs sur la vie des citoyens dans le domaine de la lutte
contre la corruption.98
136 - Le gouvernement a ainsi
élaboré un nouveau plan d'action visant la prévention et
la lutte contre la corruption. La philosophie de ce projet se base sur les
aspects du projet communautaire accepté par tous les Marocains pour
construire leur présent et prévoir leur avenir. Ce plan
répond également aux attentes et aux aspirations des citoyens
d'avoir une société juste et équilibrée. Il prend
aussi en considération de la démocratie nécessaire dans
toute réforme visant le progrès du citoyen et le renforcement de
l'identité nationale et du sentiment d'appartenance à la
Nation.99
137 - Ce programme nécessite
l'intégration de la lutte contre la corruption dans le cadre d'un plan
stratégique global, et l'adoption d'une vision et d'une orientation
stratégiques, dont les principales composantes sont :
- l'appui et la promotion des valeurs d'intégrité
et de transparence ;
- le renforcement de la participation de la
société civile, des acteurs sociaux et économiques et des
groupes professionnels à la lutte contre la corruption ;
- l'élaboration d'une stratégie nationale dans
le domaine de l'information et de communication pour sensibiliser sur la
nécessité de lutter contre ce fléau.100
138 - Ce programme vise le renforcement des
acquis réalisés par le Maroc dans le domaine de la moralisation
de la vie publique et de la bonne gestion de la chose publique. Il veut
confirmer l'interaction positive du Royaume avec les concepts régionaux
et internationaux en la matière, dans le cadre du respect des
engagements contenus dans les traités et les conventions
internationales.101
98- Ministère de la Modernisation des Secteurs publics,
La prévention et la lutte contre la corruption au Royaume du Maroc,
p.40.
99- Ministère de la Modernisation des Secteurs
publics, La prévention et la lutte contre la corruption au Royaume du
Maroc, p.41.
100- Ministère de la Modernisation des Secteurs
publics, La prévention et la lutte contre la corruption au Royaume du
Maroc, p.41.
101 - Ministère de la Modernisation des Secteurs
publics, La prévention et la lutte contre la corruption au Royaume du
Maroc, p.42.
38
139 - Ce programme a été
élaboré dans un cadre complet de référence, se
basant sur :
- les enseignements religieux de la charia islamique
tolérante, qui demande et appelle instamment à la morale ainsi
que les vertus des valeurs de conservation ; - les directives Royales contenues
dans de nombreux discours ;
- les engagements internationaux du Maroc, principalement la
ratification par le Royaume, de la Convention des Nations Unies contre la
corruption, publiée au Journal officiel le 17 Janvier, 2008.
140 - Il est peut-être utile de noter
que ce programme est supervisé d'une manière horizontale par le
Premier ministre, pour assurer la réalisation des objectifs
prévus dans un cadre d'harmonie et de
compatibilité.102
141 - Face aux multiples efforts entrepris
par le gouvernement pour la prévention du détournement des
deniers publics, l'incitation à la transparence dans la gestion des
affaires n'est pas restée en marge.
B - L'incitation à la transparence
142 - Cet axe comprend de nombreuses mesures
à savoir : le renforcement des principes fondamentaux de la gestion des
finances publiques, le renforcement de la transparence, la consolidation du
rôle de l'inspection générale des finances, le renforcement
de la moralisation de la gestion des marchés publics, la mise à
jour et l'introduction de technologies de l'information et de communication
dans le domaine de la gestion des marchés publics.103
143 - Dans cette même perspective
l'article 10 de la Convention des Nations Unies contre la corruption
prévoit :
« Compte tenu de la nécessité de lutter
contre la corruption, chaque État Partie prend, conformément aux
principes fondamentaux de son droit interne, les
102- Ministère de la Modernisation des Secteurs
publics, La prévention et la lutte contre la corruption au Royaume du
Maroc, p.42.
103 - Ministère de la Modernisation des Secteurs
publics, La prévention et la lutte contre la corruption au Royaume du
Maroc, p.44.
39
mesures nécessaires pour accroître la
transparence de son administration publique, y compris en ce qui concerne son
organisation, son fonctionnement et ses processus décisionnels s'il y a
lieu.
Ces mesures peuvent inclure notamment :
- l'adoption de procédures ou de règlements
permettant aux usagers d'obtenir, s'il y a lieu, des informations sur
l'organisation, le fonctionnement et les processus décisionnels de
l'administration publique, ainsi que, compte dûment tenu de la protection
de la vie privée des données personnelles, sur les
décisions et actes juridiques qui les concernent ;
- la simplification, s'il y a lieu, des procédures
administratives afin de faciliter l'accès des usagers aux
autorités de décisions compétentes ;
- la publication d'informations, y compris
éventuellement de rapports périodiques sur les risques de
corruption au sein de l'administration publique ».104
144 - Il ressort de cet article que la
transparence sert de moyen substitutif de surveillance et de contrôle des
agents publics par le public.
Elle est devenue une sorte de critère ultime en
matière de bonne pratique éthique. Elle semble exonérer
bien de comportement pour autant qu'ils soient transparents. C'est un
instrument au service de la justice et de l'équité
(démocratie).
145 - En effet on oublie
généralement que la transparence n'est pas seulement un principe
reposant sur une valeur, la publicité, mais aussi un état
d'esprit général. En tant que valeur publique nouvellement mise
en évidence, le concept de transparence s'approche le plus d'une valeur
publique universellement acceptée, à l'évidence
trompeuse.
146 - Car la transparence est aussi une
relation qui peut impliquer une certaine forme de réciprocité. Il
y aurait donc une relation symétrique et si les citoyens
réclament la plus grande des transparences de la part de l'État.
Les services de celui-ci de leur côté inventorient les
différents segments de la société, la mise au
104- Art. 10 Convention des Nations Unies contre la corruption,
2003.
40
point de politique publique pertinente (par exemple
l'amélioration des politique publique sociale), pour le meilleur et pour
le pire (la surveillance administrative pratiquée par une bureaucratie
à des fins sécuritaires et gestionnaires).
La transparence vise le contrôle des moeurs, les
excès de richesse et de luxe, la lutte contre corruption et les
détournements de fonds publics grâce à la clarté
administrative.105
147 - Par ailleurs pour la mise en oeuvre de
ce principe la loi du 10-2017 du 9 mars 2007 portant code relatif à la
transparence et à la responsabilité dans la gestion des finances
publiques a été adoptée par l'Assemblée nationale
et le Sénat et promulguée par le Président de la
République.
148 - Cette loi dispose dans son article 1 :
« Dans le cadre de la bonne gouvernance, la gestion
des finances publiques est soumise à la responsabilité et la
transparence. Cette gestion est fondée sur le respect des principes et
obligations tant pour les fonds de l'État et des autres administrations
publiques, que pour les fonds de l'assistance extérieure accordés
par les institutions internationales ou les États étrangers
».106
149 - Toujours dans ce contexte le
gouvernement a pris l'engagement dans le cadre de l'accès à
l'initiative « pays pauvres très endettés » de
renforcer la lutte contre la corruption et d'améliorer son
système de gouvernance, par l'élaboration d'un plan d'action
anti-corruption, la concussion et la fraude et pour l'amélioration de la
bonne gouvernance en République du Congo. L'objectif du gouvernement est
d'insuffler une nouvelle dynamique à la lutte contre la corruption, la
concussion et la fraude.107
105-A.PIRAUX, Transparence dans le service public :
une exigence plus opaque qu'il n'ya parait, Bruxelles, édition
Barricade, 2013, p.2.
106-Art 1 Loi n°10-2017 du 09 mars 2017
portant code relatif à la transparence et à la
responsabilité dans la gestion des finances publiques.
107-Décret n°2009-235 du 13 Août
2009, op.cit., p.6.
41
150 - Aussi le présent plan national
vise-t-il la promotion de la bonne gouvernance et le renforcement de
l'État de droit dont l'impact effectif résulte des orientations
stratégiques suivantes :
- la primauté de la force du droit et l'interdiction de
l'arbitraire ;
- la transparence de l'action publique aussi bien au niveau des
secteurs de l'administration, des institutions politiques que la
société civile ;
- l'efficience et l'efficacité dans le fonctionnement des
secteurs publics ;
- la contribution de la société civile dans la
gestion de l'État.108
151 - Ces orientations stratégiques
visent les objectifs suivants : promouvoir l'autorité de l'État
par la promotion des valeurs éthiques et morales des agents de
l'État, le respect des textes et le renforcement des contrôles
à tous les égards ; promouvoir l'information, l'éducation
et la communication pour le changement des comportements.109
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