Paragraphe II : Le regard organique de la
prévention
78 - La lutte contre le détournement
des deniers publics est un combat qui concerne et intéresse divers
services de l'État. Ces derniers doivent veiller, prévoir,
centraliser toutes les informations nécessaires à la
prévention et à la détection des faits et actes de
corruption et de fraude commis par toute personne exerçant une fonction
publique ou privée.54 Il s'agit en l'occurrence de
l'Observatoire anti-corruption qui sera remplacé d'ici peu par la Haute
Autorité de la lutte contre la corruption (A) et la Cour des Comptes
(B).
52 -Art.15 Loi n°5-2009 du 22 septembre 2009,
op.cit.
53 - G.STEFANI, G.LEVASSEUR, B.BOULOC, Droit
pénal général, Paris, 12 éditions, Dalloz, 1994,
p.95.
54 - Art.2 Décret n° 2004-323 du 08
juillet 2004 op.cit
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A - L'Observatoire anti-corruption
79 - Dans l'optique de mettre en application
l'article 6 de la convention des Nations Unies qui dispose : «Chaque
État Partie fait en sorte, conformément aux principes
fondamentaux de son système juridique, qu'existent un ou plusieurs
organes, selon qu'il convient, chargés de prévenir la corruption
par des moyens tels que :
- L'application des politiques visées à
l'article 5 de la présente Convention et, s'il y a lieu, la supervision
et la coordination de cette application ;
- L'accroissement et la diffusion des connaissances
concernant la prévention de la corruption.
- Chaque État Partie accorde à l'organe ou
aux organes visés au paragraphe 1 du présent article
l'indépendance nécessaire, conformément aux principes
fondamentaux de son système juridique, pour leur permettre d'exercer
efficacement leurs fonctions à l'abri de toute influence indue. Les
ressources matérielles et les personnels spécialisés
nécessaires, ainsi que la formation dont ces personnels peuvent avoir
besoin pour exercer leurs fonctions, devraient leur être fournis.
- Chaque État Partie communique au
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies le
nom et l'adresse de l'autorité ou des autorités susceptibles
d'aider les États Parties à mettre au point et à appliquer
des mesures spécifiques de prévention de la corruption.
»55
80 - L'État Congolais a
créé par la loi n°16-2007 du 19 septembre 2007
l'Observatoire anti-corruption (OAC). Cet organe suit et évalue la lutte
contre la corruption, la concussion et la fraude menée par la commission
nationale de lutte contre la corruption la concussion et la fraude.
55 -Art 6 Convention des Nations Unies contre la
corruption, 2003.
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81 - Il s'agit d'un organe
indépendant,56 qui a pour mission de suivre et
d'évaluer les mesures de lutte contre la corruption initiée par
le gouvernement dans les secteurs de la vie nationale à savoir :
- les audits engagés par le gouvernement dans les secteurs
de la vie nationale.
- la mise en oeuvre du plan d'action gouvernementale en
matière de lutte contre la
corruption.
- la mise en oeuvre des réformes de gouvernance
engagées par le gouvernement. 57
82- Composée de 9
membres,58 l'Observatoire anti- corruption rédige à la
fin de chaque année, un rapport dans lequel il dresse le bilan de son
activité, dont une copie est adressée au Président de la
République ; à l'Assemblée nationale ; au Sénat ;
et à la Commission nationale de lutte contre la corruption, la
concussion et la fraude. Ce rapport annuel, ainsi que les rapports
circonstanciés de l'Observatoire anti-corruption sont également
publiés dans le journal officiel. Aussi, est-il disponible sur le net
pour informer un grand nombre de personnes.59
83 - Par ailleurs, la Commission nationale de
lutte contre la corruption, la concussion et la fraude est aussi l'un des
organes de prévention du détournement de deniers publics. Elle
est créée par le décret n°2004-323 du 01 juillet
2004.
84 - Pour obtenir une grande
efficacité dans la lutte contre la corruption, cette Commission a
été réorganisée en 2007 dans sa composition
actuelle par décret n°2007-155 du 13 janvier 2007. C'est un organe
technique qui assiste le gouvernement dans la mise en oeuvre de sa politique de
lutte contre la corruption, la concussion et la fraude.
85 - Elle est chargée notamment sans
préjudice des attributions conférées aux autres
administrations de :
- centraliser toutes les informations nécessaires
à la prévention et à la détection
56 -Art.1.Loi n°16-2007 du 19 septembre 2007,
op.cit.
57 -Art.2.Loi n°16-2007 du 19 septembre 2007,
op.cit.
58 -Art.4.Loi n°16-2007 du 19 septembre 2007,
op.cit.
59 -Art.2 Décret n°2004-323 du 08 juillet,
op.cit.
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des faits de corruption et autres infractions
assimilées commis par toute personne exerçant une fonction
publique ou privée.
- mettre en oeuvre le plan d'action de lutte du Gouvernement
contre la corruption. - apporter un appui technique à tout organisme
public ou privé qui sollicite la mise en place d'un dispositif interne
pour lutter efficacement contre les actes de corruption, de concussion et de
fraude.60
86 - En France, la Haute Autorité de
la Transparence de la Vie Publique créée par la loi
n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie
publique, se voit reconnaître une place centrale dans ce dispositif. Elle
tiendra le rôle de gendarme de la moralisation et sera chargée de
contrôler l'exactitude de la déclaration de la situation
patrimoniale de l'élu. La déclaration doit faire apparaître
les intérêts détenus à la date de son
élection et dans les cinq années précédent cette
date. Ainsi que la liste des activités professionnelles ou
d'intérêt général, même non
rémunérées, qu'il envisage de conserver.61
87 - La Haute Autorité pour la
Transparence de la Vie Publique (HATVP) remplace la Commission pour la
transparence financière, qui avait été créée
en 1998, vient s'ajouter à différentes instances
compétentes en matière d'atteintes à la probité et
notamment de lutte contre la corruption, comme la Commission nationale des
comptes de campagne et du financement politique (CNCCFP), Traitement du
Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins (TRACFIN) ,
le Service Central de Prévention de la corruption ( SCPC), la Commission
de déontologie de la fonction publique (CDFP)et la Commission
consultative des marchés publics (CCMP), créé en 2006 et
supprimée en 2013.62
88 - La composition de la Haute
Autorité doit lui garantir une indépendance à
l'égard du pouvoir politique et une légitimité suffisante.
Elle est présidée par une
60 -Art.2.1 Décret n°2004-323 du 08
juillet 2004, op.cit.
61 - S.VOKO, op.cit., p.182. 62- Ibid.
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personnalité nommée en Conseil des ministres,
après avis du Parlement, et est composée de six experts
indépendants, membres élus de la Cour de cassation, du Conseil
d'État et de la Cour des comptes. Ainsi que, après une
modification de l'Assemblée nationale, de deux personnalités
qualifiées nommées par les Présidents de
l'Assemblée nationale et du Sénat.63
89 - Elle a pour mission de contrôler
la véracité des déclarations de patrimoine et
d'intérêt qui lui seront transmises en début et en fin de
mandat par les membres du Gouvernement, les parlementaires nationaux et
européens, les principaux responsables exécutifs locaux, les
membres des autorités administratives indépendantes, les
collaborateurs des cabinets ministériels et du Président de la
République, les titulaires d'emploi à la décision du
Gouvernement nommés en Conseil des ministres et les responsables des
principales entreprises publiques.64
90 - La Haute Autorité
contrôlera le respect de ces obligations et pourra demander des
éléments complémentaires. Elle bénéficiera
de l'aide des services fiscaux et aura un pouvoir d'injonction. Elle pourra
être saisie par le Premier ministre, les Présidents de
l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que par les associations
de lutte contre la corruption et pourra s'autosaisir si elle constate des
manquements. Chaque ministre nouvellement nommé fera l'objet d'une
vérification de sa situation fiscale sous le contrôle de la Haute
autorité.65
91 - La création d'un Office Central
de Lutte contre la Corruption et les Infractions Financières et Fiscales
(OCLCIFF) au sein de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ),
créé par le décret n°213-960 du 25 octobre 2013, fait
aussi partie des innovations dans la répression de la délinquance
économique et financière.66
63- S.VOKO, op.cit., p.182
64- S. VOKO, op.cit., p.183.
65- Ibid.,182
66 - S.VOKO, op.cit., p.184
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92 - Il sied de préciser que pour le
cas de la République du Congo, la mission de prévention du
détournement des deniers publics n'est pas la seule exclusivité
de l'Observatoire anti-corruption, la Cour des Comptes et de Discipline
Budgétaire (CCDB) joue aussi un rôle considérable.
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