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Le détournement des deniers publics.


par Jasmin Habib Malon malonga
Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master en droit privé 2017
  

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B - La non justification de l'augmentation substantielle de son

patrimoine

421 - Le 11 octobre 2013, le législateur français a adopté une loi organique286 et une loi ordinaire287 relatives à la transparence de la vie publique. Par ces réformes,

291 - S.VOKO, op.cit., p.192

292 - S.VOKO, op.cit., p.193.

293 - Ibid.

294 -Service central de prévention de la corruption, Rapport au premier Ministre et au Garde des sceaux, Ministre de la justice sur la prévention de la corruption : états des lieux, perspectives, jurisprudence, 2003, p.171.

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il a voulu répondre à un besoin de clarté de l'action publique et d'intégrité des responsables publics, fortement exprimé par l'opinion publique depuis environ quarante ans.

422 - Ce besoin est devenu un thème important des campagnes politiques. Il s'est d'autant plus imposé dans le calendrier politique que la découverte d'actes

d'évasion fiscale, qui auraient été commis par un ministre du budget, a créé un trouble profond dans l'opinion publique. Dès lors, il appartenait au législateur d'adopter des mesures fortes ; parmi lesquelles la déclaration de patrimoine et d'intérêts qui a été placée au centre du dispositif rénové de transparence et d'intégrité.

423 - La soumission des personnes chargées des affaires publiques à une déclaration sur l'évolution de leur patrimoine n'est pas nouvelle dans le droit français. Elle se rattache à l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

424 - De manière plus précise, la Convention révolutionnaire décréta, le 4 vendémiaire de l'an IV, que « chaque représentant du peuple sera tenu, dans le délai d'une décade et dans celui de deux décades pour ceux qui sont négociants ou marchands, de déposer la déclaration de fortune qu'il avait au commencement de la Révolution et celle qu'il possède actuellement ».294

425 - La déclaration était donc destinée à permettre à l'État d'avoir connaissance du patrimoine des personnes qui auraient pu tirer profit de leurs fonctions et s'enrichir illicitement. Force est pourtant de constater que la pratique de la déclaration de patrimoine des personnalités publiques a longtemps été oubliée du droit français pour ne réapparaître qu'en 1962, avec l'obligation faite aux

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candidats à la présidence de la République de présenter une déclaration au Conseil constitutionnel.295

426 - Les raisons de cet oubli sont diverses. L'idée que le peuple et les électeurs n'avaient pas à connaître la situation patrimoniale de leurs dirigeants et élus. De même que les collaborateurs d'une personne devaient ignorer la situation patrimoniale de cette dernière, en constituait une. Le sentiment que les choix publics ne devaient pas être troublés par la connaissance de la richesse des décideurs intervenait aussi.296

427 - La nécessité de respecter la vie privée, dont la situation patrimoniale constitue un élément important, des responsables publics, a également eu un rôle important dans ce délaissement.297

428 - Mais les doutes sur l'intégrité de certains responsables publics, la pression des institutions internationales, telles l'Organisation des Nations Unies ou l'Organisation de coopération et développement économique (OCDE), ainsi que les campagnes des associations luttant contre la corruption, ont eu pour conséquence l'affirmation du droit pour la collectivité publique de contrôler la manière dont est intervenu l'enrichissement de ses responsables.298

429 - De la sorte, le débat public s'est structuré autour, d'un côté, du droit à la transparence publique, et de l'autre, du droit au respect du secret et à la vie privée. Par ailleurs, il est observé que nombre d'États étrangers ont inscrit dans leur législation l'obligation pour certains ou tous les décideurs publics de souscrire une déclaration de patrimoine. Cette obligation est encouragée par nombre d'organisations internationales. Et il figure désormais dans certaines

295 - Service central de prévention de la corruption, Rapport au premier Ministre et au Garde des sceaux, Ministre de la justice sur la prévention de la corruption : états des lieux, perspectives, jurisprudence, 2003, p.171.

296 - Service central de prévention de la corruption, Rapport au premier Ministre et au Garde des sceaux, Ministre de la justice sur la prévention de la corruption : états des lieux, perspectives, jurisprudence, 2003, p.172.

297 - Service central de prévention de la corruption, Rapport au premier Ministre et au Garde des sceaux, Ministre de la justice sur la prévention de la corruption : états des lieux, perspectives, jurisprudence, 2003, p.172.

298- Service central de prévention de la corruption, Rapport au premier Ministre et au Garde des sceaux, Ministre de la justice sur la prévention de la corruption : états des lieux, perspectives, jurisprudence, 2003, p.171.

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conventions de lutte contre la corruption, sans pour autant que l'efficacité de ce dispositif ait fait l'objet d'une véritable évaluation.299

430 - Dans cette perspective la convention des Nations Unies contre la corruption préconise : « Chaque État partie envisage d'adopter les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale. Lorsque l'acte a été commis intentionnellement, à l'enrichissement illicite, c'est-à-dire une augmentation substantielle du patrimoine d'un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à ses revenues légitimes ».300

431 - C'est dans cette perspective que la loi n°5-2009 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion, la fraude et les infractions assimilées définit cette infraction comme « le fait d'un agent qui ne peut raisonnablement justifier l'augmentation substantielle de son patrimoine par rapport à ses revenus ».301

432 - Ceci étant les auteurs des différentes définitions données à l'enrichissement illicite convergent au caractère de celui-ci qui est une absence de justification des biens nouvellement acquis.

433 - Selon la loi Malienne portant répression du crime d'enrichissement illicite, ont le caractère de biens illicites ceux acquis à l'aide d'infraction à la loi :vol, corruption, concussion, extorsion des fonds, trafic d'influence, fraudes économiques ou fiscales, perception de commission ou tout autre moyen analogue en fraude des droits de l'État, des divers organismes publics et parapublics ».302

434 - Par ailleurs toute augmentation des biens du patrimoine doit être justifiée par des ressources légitimes faute de quoi elle est suspecte et constitue une menace à la société. L'illicéité consisterait aussi dans le fait d'être dans

299 - Service central de prévention de la corruption, Rapport au premier Ministre et au Garde des sceaux, Ministre de la justice sur la prévention de la corruption : états des lieux, perspectives, jurisprudence, 2003, p.172.

300 -Art 20 de la convention des Nations Unies contre la corruption de 2003.

301 -Art 20 de la loi n°50-2009 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion, la fraude et les infractions assimilées.

302 -Art 2 de la loi n° 82-39/ANRM du 26 mars 1982 portant répression du crime d'enrichissement illicite.

303 -M.ZIRARI, L'enrichissement illicite, mai 2015, p.4, disponible sur http://www.transparencymaroc.ma/TM/site.

304 -Ibid.

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l'impossibilité pour la personne poursuivie de prouver que sa fortune coïncide avec ses revenus.

435 - En outre l'Argentine introduit l'enrichissement illicite dans son code pénal dès 1964. Selon l'article 268 de ce code : " Celui qui dûment requis ne justifie pas l'origine d'un enrichissement patrimonial considérable ...postérieur à l'accession à une fonction publique sera puni de deux à six ans d'emprisonnement et de l'interdiction d'exercer dans la fonction publique pendant trois à dix ans. La preuve de l'enrichissement sera conservée secrète et ne pourra être utilisée contre lui pour aucun autre effet...".

436 - Cette loi a fait l'objet de critiques sérieuses portant, d'une part sur la définition imprécise de l'infraction, d'autre part sur le renversement de la charge de la preuve.303

437 - Selon ces critiques la norme porte en elle une présomption de culpabilité. En effet la loi présume que l'augmentation du patrimoine est d'origine illicite et ensuite elle met à la charge de la personne mise en examen la responsabilité de révéler son origine licite... Il paraît logique de conclure qu'il s'agit d'un renversement de la charge de la preuve et donc d'une violation de la présomption d'innocence. Selon l'auteur de cet article écrit en 2001, aucune condamnation n'était intervenue sur la base de cette loi.304

438 - D'après un document de Transparency international une modification du code pénal en 1999 permet de poursuivre les fonctionnaires pour enrichissement illicite. La sanction est l'emprisonnement, l'amende et la radiation des cadres de la fonction publique. Mais la jurisprudence a par la suite affirmé que la mesure punit le fait de ne pouvoir justifier l'enrichissement mais ne renverse pas la charge de la

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preuve. De ce fait c'est au ministère public qu'il appartient de prouver l'absence de justification, preuve négative toujours difficile à apporter.305

439 - En 1981 le Sénégal décide de sanctionner l'enrichissement illicite d'un à cinq ans d'emprisonnement, et en donne la définition suivante : " Le délit d'enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, l'agent public se trouve dans l'impossibilité de justifier de l'origine licite des ressources qui lui permettent d'être en possession d'un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux ".306

440 - Rien n'indique quelles sont les présomptions qui permettraient de poursuivre une personne ni quelle autorité peut en prendre la décision. On peut adresser les mêmes reproches à la loi algérienne n° 06-01 du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Dont l'article 37 punit d'un emprisonnement de deux à dix ans et d'une amende :" Tout agent public qui ne peut raisonnablement justifier une augmentation substantielle de son patrimoine par rapport à ses revenus légitimes ".307

441 - La loi met en place un contrôle de fortune (article 4 à 6 et article 36) dont l'essentiel des modalités doit être défini par voie règlementaire. Mais le lien entre le contrôle de fortune et l'infraction d'enrichissement illicite n'apparaît pas dans la loi qui est également muette sur l'initiative des poursuites.308

442 - Le Maroc semble s'engager sur cette voie puisqu'un avant-projet de code pénal diffusé il y a peu par le ministère de la justice prévoit dans un article 256-7, de sanctionner pour enrichissement illicite ; " Tout fonctionnaire public qui, après sa prise de sa fonction, a fait preuve d'une augmentation substantielle et

305 -M.ZIRARI, L'enrichissement illicite, mai 2015, p.5, disponible sur http://www.transparencymaroc.ma/TM/site.

306 -M.ZIRARI, L'enrichissement illicite, mai 2015, p.5, disponible sur http://www.transparencymaroc.ma/TM/site

307 -M.ZIRARI, L'enrichissement illicite, mai 2015, p.4, disponible sur http://www.transparencymaroc.ma/TM/site.

308 -M.ZIRARI, L'enrichissement illicite, mai 2015, p.6, disponible sur http://www.transparencymaroc.ma/TM/site.

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injustifiée de son patrimoine par rapport à ses revenus légitimes et qui n'a pas prouvé la source légitime de cette augmentation ".309

443 - Le code pénal français n'incrimine pas l'enrichissement illicite en tant qu'infraction spécifique. Cependant, dans quelques hypothèses l'enrichissement est punissable parce que le législateur le considère comme la conséquence de circonstances précises laissant planer un doute sérieux sur la licéité de son origine. Dans ces cas il incombe au ministère public de prouver ces circonstances pour que l'enrichissement puisse être sanctionné.310

309- M.ZIRARI, L'enrichissement illicite, mai 2015, p.6, disponible sur http://www.transparencymaroc.ma/TM/site. 310-M.ZIRARI, L'enrichissement illicite, mai 2015, p.7, disponible sur http://www.transparencymaroc.ma/TM/site.

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CONCLUSION PARTIELLE

444 -L'arsenal répressif du détournement des deniers publics nous a conduit à examiner deux questions essentielles, à savoir la mise en oeuvre de la répression du détournement des deniers publics et la répression des infractions assimilables au détournement des deniers publics.

445 - S'agissant de la mise en oeuvre de la répression du détournement des deniers publics, il faut relever :

- d'une part, nous avons identifié les personnes répréhensibles à savoir : les élus locaux, les fonctionnaires territoriaux qui sont dépositaires de l'autorité publique ainsi que les comptables publics, les dépositaires publics qui sont chargés d'une mission de service public.

- d'autre part, nous avons épinglé les difficultés relatives à la répression du détournement des deniers publics à savoir : l'inefficience du système judicaire et des instances mais aussi l'absence de sanction des auteurs du détournement des deniers publics qui se caractérise par l'ineffectivité du droit et l'absence de règle.

446 - Au Congo, il sied de préciser que les institutions chargées de prévenir et lutter contre les antivaleurs n'inspirent plus confiance à l'égard des citoyens par manque de mesures répressives et de l'application des peines adaptées.

À cet effet, la volonté des pouvoirs publics a abouti à l'adoption par le Parlement congolais du projet de loi portant création de la Haute Autorité de lutte contre la corruption. Cet organe remplacera la Commission Nationale de lutte contre la corruption et de l'Observatoire anti-corruption appelés à disparaître.

447 - Concernant la répression des infractions assimilables au détournement des deniers publics nous avons analysé la répression de l'abus de confiance ; l'abus de pouvoir et celui de l'enrichissement illicite qui présentent quelques similitudes avec le détournement des deniers publics.

311 - Décret n°2009-235 du 13 Aout 2009 portant approbation du plan d'action de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude et pour l'amélioration de la gouvernance en République du Congo. p.8.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote