Paragraphe 2 : La répression de l'enrichissement
illicite
405 - L'enrichissement peut être
défini comme le fait d'augmenter ses biens, de faire fortune. C'est la
définition qu'en donne le dictionnaire, une telle définition ne
peut constituer une incrimination pénale.
Pour que l'on puisse considérer un enrichissement comme
une infraction, il faut qu'il soit illicite. En matière de
détournement des deniers publics le caractère illicite
découle sans nul doute de la non déclaration du patrimoine (A) et
de la non justification de l'augmentation substantielle du patrimoine (B) par
l'agent public.
284 -Art 15 du statut général de la fonction
publique.
285 - Art 18 du statut général de la fonction
publique.
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A- La non déclaration du patrimoine par les
agents publics
406 - L'obligation de déclaration
périodique de patrimoine pour certaines catégories de hautes
personnalités et de hauts fonctionnaires a pour objectif de promouvoir
la transparence dans l'exercice des fonctions publiques, de garantir
l'intégrité des serviteurs de l'État et d'affermir la
confiance du public envers les institutions.
407 - Elle est d'une importance capitale afin
de permettre un contrôle de tout accroissement anormal de richesse. Les
agents publics occupant certains emplois de responsabilité
déterminés par voie législative doivent au moment de leur
entrée en fonction et à la fin de celles-ci déclarer les
biens leur appartenant ainsi qu'aux membres de leur famille.286
408 - Ces mesures préventives relevant
du secteur public permettent de lutter efficacement contre les actes de
corruption et des infractions assimilées à l'instar des
détournements des deniers publics.
409 - Sont assujettis à l'obligation
de déclaration de patrimoine conformément à l'article 5 de
l'ordonnance n°2013-660 du 20 septembre 2013 relative à la
prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions
assimilées, les agents publics ci-après :
« - le Président de la République
;
- les Présidents des Institutions de la
République,
- les membres de la Haute Autorité pour la bonne
gouvernance
- le Secrétaire Général de ladite
autorité ou toute autre personne agissant pour le compte de
l'État et utilisant dans le cadre de ses fonctions les moyens financiers
de l'État ».287
286 -Art 25 de la charte de la fonction publique.
287 -Art 5 de l'ordonnance n°2013-660 du 20 septembre
2013 relative à la prévention et à la lutte contre la
corruption et les infractions assimilées.
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410 - La déclaration de patrimoine a
un caractère confidentiel, la Haute autorité pour la bonne
gouvernance veille à la protection des données personnelles
recueillies, la liste des agents publics ayant déclaré leur
patrimoine est publiée au journal officiel.
411 - La non déclaration du patrimoine
par l'agent public est une faute grave qui expose l'agent public à des
sanctions prévues par l'article 25 septies A de la loi relative à
la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires qui
dispose :
« Le fait pour un fonctionnaire qui est soumis
à l'obligation prévue au I et au IV de l'article 25 quarter, au
II de l'article 25 quinquies, au I et III de l'article 25 sexies, de ne pas
adresser la déclaration prévue au IV du même article 25
quarter au I ou III du même article 25 sexies, de ne pas justifier des
mesures prises en application du II de l'article quinquies, d'omettre de
déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses
intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de
son patrimoine est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45000
euro d'amende ;
Peuvent être prononcées à titre
complémentaire, l'interdiction des droits civiques selon les
modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code
pénal, ainsi que l'interdiction d'exercer une fonction publique selon
les modalités prévues à l'article 131-27 du même
code, le fait pour un fonctionnaire soumis à l'obligation prévue
au I de l'article 25 sexies, de ne pas déférer aux injonctions de
la Haute autorité pour la transparence de la vie publique prévue
au IV du même article 25 sexies ou de ne pas lui communiquer les
informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission est puni
d'un an d'emprisonnement et de 15000 euro d'amende
».288
412 - Par ailleurs les lois du 11 octobre
2013 relatives à la transparence de la vie publique renforcent le
contrôle du patrimoine des élus. Une liste d'élus et de
288 -Art 25 de la loi relative à la déontologie et
aux droits et obligations des fonctionnaires du 21 avril 2016.
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dirigeants sont tenus de transmettre à la Haute
Autorité de la Transparence de la Vie Publique une déclaration de
situation patrimoniale. Cette liste fait le point sur leur patrimoine à
des dates déterminées, et une déclaration
d'intérêts qui porte sur les différentes activités,
rémunérées ou non, principales ou
annexes.289
413 - La liste des personnes
concernées est particulièrement longue et comprend notamment :
les députés, les sénateurs, les titulaires d'un mandat de
représentant français au Parlement européen, et toute
autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la
décision du Gouvernement pour lesquels elle a été
nommée en Conseil des ministres.290
414 - La généralisation de la
technique déclaratoire ne garantit pas forcément son
efficacité et son utilité. En effet, il existe des risques
d'avoir recours à des prête-noms, à des
sociétés, ou à des dissimulations de sommes grâce
à des comptes détenus à l'étranger. Aussi, les lois
du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique
prévoient-elles la publication de la déclaration de patrimoine et
de la déclaration d'intérêt.
415 - Cependant, comme ce fut le cas pour les
ministres, dont les déclarations de patrimoine sont désormais
librement consultables sur internet. Le pouvoir exécutif souhaitait que
l'ensemble des parlementaires et les principaux élus locaux soient
soumis au même régime.
416 - Mais, suite à l'opposition du
président de l'Assemblée nationale suivie par la grande
majorité des députés, il n'y aura finalement pas de
publication des patrimoines. Il sera seulement possible de les consulter en
préfecture et toute publication des informations recueillies sera punie
d'une peine de 45 000 euros d'amende uniquement. Cette sanction est moins
sévère que celle initialement prévue dans le projet de loi
à savoir une peine d'emprisonnement d'un an qui venait s'ajouter
à l'amende de 45 000 euros.
289 -S.VOKO, op.cit., p.192.
290 -Ibid.
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417 - S'il est compréhensible que les
députés aient souhaité protéger leur droit au
respect de la vie privée. La restriction de la publication de la
déclaration de patrimoine à la seule préfecture du
département d'élection de la personne concernée vide
néanmoins de son contenu l'obligation de transparence. Elle est par
ailleurs particulièrement inappropriée concernant les
députés qui sont des élus de la nation, et non de leur
seule circonscription.291
418 - En conséquence, les conditions
de publication des déclarations de patrimoine des élus devraient
être élargies. Ces déclarations devraient pouvoir
être consultées par tous au siège de la Haute
Autorité pour la Transparence de la Vie Publique et pouvoir être
diffusées auprès du public sans encourir de
sanctions.292
419 - Quant aux déclarations
d'intérêts des élus, elles seront entièrement
publiques et mises en ligne sur Internet. Elles devront notamment
répertorier les activités rémunérées et
bénévoles de l'élu et de son conjoint. Les
activités de consultant remontant jusqu'à cinq ans avant la date
d'élection, les éventuelles participations de l'élu
à la direction d'un organisme privé ou public et les noms des
assistants parlementaires.293
420 - La déclaration de patrimoine par
le fonctionnaire est d'une importance capitale d'autant plus qu'elle permet de
prévenir les détournements de deniers publics par celui-ci et de
lutter contre l'augmentation substantielle de son patrimoine non
justifiée.
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