CONCLUSION GENERALE
448 - En définitive quel bilan peut-on
faire sur l'étude portant sur le détournement des deniers publics
? Il sied de rappeler que dans le cadre de notre étude nous avons
parlé dans un premier temps de la prévention du
détournement des deniers publics. Il était question de parler
d'une part du cadre juridico-politique de la prévention du
détournement des deniers publics. En l'occurrence les fondements
juridico-organiques et les fondements politico-déontologiques de la
prévention du détournement des deniers publics.
449 - Et d'autre part, nous avons
examiné les limites d'ordre administratif de la prévention du
détournement des deniers publics. Il s'agit de l'administration au
service du pouvoir politique et de l'administration dans l'impossibilité
d'action. Il est aussi question des limites d'ordre professionnel qui se
justifient par les faiblesses relatives à l'éthique
professionnelle et celles liées aux conditions professionnelles.
450 - Dans un second temps, notre analyse
s'est articulée sur la répression du détournement des
deniers publics. En mettant un accent sur la mise en oeuvre de la
répression, les personnes répréhensibles et les
difficultés relatives à la répression du
détournement des deniers publics. Sans oublier les infractions
assimilables au détournement des deniers publics qui sont aussi
susceptibles de répression par le législateur.
451 - De tout ce qui précède il
apparait que renforcer l'efficacité de la lutte contre le
détournement des deniers publics est un enjeu de souveraineté et
de redressement des comptes publics. Le renforcement du régime
répressif permet d'apporter des réponses fortes afin de moraliser
la vie publique311.
118
452 - La répression des infracteurs du
détournement des deniers publics sans exception présente aussi
une importance considérable pour lutter contre ce fléau. Pour une
société prospère et sans antivaleurs il incombe de mettre
en place des mécanismes de sanction efficace afin de dissuader les
comportements hostiles à la bonne gouvernance. Il s'agit d'opérer
des réformes audacieuses, courageuses qui ne se décrètent
pas mais qui se constatent dans la pratique. 312
453 - Le détournement des deniers
publics, la concussion, la corruption, la fraude, le népotisme
constituent aujourd'hui autant de maux qui freinent l'émergence d'un
pays. Les observateurs sont tous d'accord sur le fait qu'il faut y mettre fin
et toutes sortent de mesures doivent être prises à cet effet. Les
causes et l'ampleur du détournement des deniers publics sont bien
connues et l'opinion publique se félicite de la mise en place du
programme anti-corruption afin de l'éradiquer313.
454 - Ceux qui prétendent que le
détournement des deniers publics est profondément ancré
pour être éliminé. Il convient de rappeler que si la
volonté politique est là, un programme anti-corruption efficace
peut permettre d'améliorer rapidement la conduite des affaires publiques
et réduire les cas de détournement des deniers publics.
455 - Pour que le programme porte ses fruits
à long terme, les bonnes intentions doivent se traduire par des mesures
concrètes314. Néanmoins, on relève une prise de
conscience internationale importante. Cette dernière a permis d'affirmer
la vocation d'enrayer un tel phénomène sur le plan normatif. Les
conventions internationales ont conduit les États à consacrer des
textes répressifs harmonisés, visant les actes de corruption.
312 - Décret n°2009-235 du 13 Aout 2009 portant
approbation du plan d'action de lutte contre la corruption, la concussion et la
fraude et pour l'amélioration de la gouvernance en République du
Congo. p.8.
313 - Communiqué de presse n°015/sg/LICOCO/2007
sur le hit-parade des meilleurs détourneurs des deniers publics pour
l'année 2007 en République Démocratique du Congo, p.4.
314 -Ibid.
119
456 - Au Congo il s'agit par exemple de la
loi n°5 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion la fraude et
les infractions assimilées qui réprime dans son article 15 le
comportement déviant des agents publics, du décret
n°2005-376 du 14 septembre 2005 portant ratification de la convention de
l'union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, du
décret n°2005-375 du 14 septembre 2005 portant ratification de la
convention des Nations Unies contre la corruption.
457 - Cependant, malgré cet arsenal de
normes internes, il demeure opportun de souligner qu'au Congo, il est
tacitement reconnu la difficulté d'asseoir les jalons d'une politique de
lutte contre le détournement des deniers publics, qui saurait emporter
l'adhésion de tous.
458 - En effet, l'inobservation des
règles commodes à un État de droit, le laxisme marquant la
légalité des poursuites et le respect scrupuleux de la loi, sont
autant de facteurs décrédibilisant toute tentative
d'éradication de ce fléau315, et partant
réussir l'entreprise d'une meilleure moralisation de la vie publique.
459 - Ainsi, dans un contexte où
l'impunité s'érige en règle de société, il
semble judicieux de mettre en exergue la faiblesse de l'État, qui est du
reste, responsable de la persistance de nombre de dysfonctionnements
sociaux316. Alors que la lutte contre la corruption est devenue le
leitmotiv des discours politiques et des responsables en charge de la conduite
des affaires publiques, et même de certaines ONG. Le plus souvent les
entraves à l'application des règles émanent des
autorités mêmes qui sont chargées de veiller à leur
exécution.
460 - De surcroît, certaines
études ont démontré que plus l'État est faible, et
que l'une de ses fonctions essentielles, la redistribution des richesses, n'est
pas convenablement remplie, plus les antivaleurs sont endémiques.
Certaines sphères
315 -ONUD-OCDE, Rapport sur la lutte contre la corruption et
les infractions assimilées : cas du Maroc, janvier 1999, p.33.
316 - ONUD-OCDE, Rapport sur la lutte contre la corruption et
les infractions assimilées : cas du Maroc, janvier 1999, p.33.
120
s'accaparent l'appareil de l'État en détournant
des deniers publics pour leur enrichissement personnel en premier lieu, et pour
redistribuer une partie à d'autres sphères qu'ils veulent garder
en allégeance.
461 - Face à cette
réalité même une politique de moralisation de la vie
publique restera toujours menacée d'une régression tant qu'elle
apparaîtra comme une concession momentanée du pouvoir. Ainsi elle
ne sera pas garantie par une exigence citoyenne accompagnée d'une
progression significative de l'action des institutions.
462 - Ainsi, toute stratégie
crédible devrait reposer sur les trois piliers qui sont : la
transparence, la réforme institutionnelle et la conscience citoyenne.
Ces trois grands objectifs ne se conjuguent pas au même temps, ils
relèvent réciproquement du court, moyen et long terme.
463- En outre les dirigeants devraient mettre
fin aux irrégularités commises à un niveau
élevé et cesser de contourner les procédures ou les
règles constitutionnelles, légales et
éthiques317. Même l'apparence de
l'illégalité doit être scrupuleusement
évitée. Ils doivent donner l'exemple car le changement implique
que les dirigeants fassent disparaître l'impression de corruption et
dissipent le profond cynisme de la population318. L'exemple doit
venir de haut.
464 - Ainsi, les dirigeants devront faire
vérifier leurs déclarations de patrimoine et les rendre
publiques. Des systèmes de contrôle appropriés doivent
être mis en place à titre prioritaire dans toutes les institutions
de l'État. La transparence mettra le gouvernement plus à l'abri
des rumeurs de corruption, de détournement des deniers publics tout en
permettant de dépister plus facilement les comportements
irréguliers.
317 -TRANSPARENCY INTERNATIONAL, Rapport mondial sur la
corruption (rapport pays, corruption dans la pratique, 2005), p.45.
318 -Ibid.
319 - TRANSPARENCY INTERNATIONAL, Rapport mondial sur la
corruption (rapport pays, corruption dans la pratique, 2005), p.24.
121
465 - Les documents officiels, y compris les
arrêts des tribunaux, les adjudications de marchés, les rapports
d'inspection et autres informations relatives à l'emploi des ressources
publiques devraient être publiés systématiquement. Les
citoyens devraient avoir le droit présumé d'obtenir des
renseignements du gouvernement.
466 - Ce droit sera défendu par les
tribunaux et les membres de l'administration qui n'en tiendront pas compte
s'exposeront à des sanctions. Plusieurs pays, dont les États-Unis
et le Canada, ont des lois de ce type, que les législateurs Congolais
pourraient étudier avec profit. L'Afrique du Sud examine actuellement
une loi sur la « Démocratie ouverte ».
467 - Ceci étant, soulignons que la
consolidation des valeurs d'intégrité et de transparence dans la
gestion des affaires publiques devrait être un élément
crucial dans les stratégies de développement de nombreux pays.
C'est une préoccupation majeure de nombreux organismes et organisations
internationaux, qui affirment, explicitement ou implicitement, que les
États, en particulier ceux en développement, sont appelés
à entamer de profondes réformes institutionnelles pour la
consolidation des valeurs d'intégrité et de transparence dans la
gestion des affaires publiques319.
468 - Pour inférer, soulignons que la
lutte contre le détournement des deniers publics est un impératif
qui s'impose à tous les États et il est nécessaire que
ceux-ci se dotent d'organes législatifs efficaces et transparents pour
atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la prévention et
l'éradication de ce fléau qui ne cesse d'affecter le
développement de nombreuses Nations.
- AUBY (Jean-Bernard), Droit de la fonction publique, Paris,
4ème édition, Dalloz, 2002,651pages.
122
|