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Le détournement des deniers publics.


par Jasmin Habib Malon malonga
Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master en droit privé 2017
  

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PREMIERE PARTIE : LA PREVENTION DU DETOURNEMENT DES
DENIERS PUBLICS

46 - Le délit de détournement des deniers publics prévu par l'article 432-15 du code pénal qui dispose : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de détruire , détourner ou soustraire des fonds publics ou privés est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende...»31 a amené l'État congolais à adopter un arsenal de mesures préventives eu égard au danger que représente ce délit au sein de notre administration publique.

47 - En effet, pour prévenir la déviance des agents publics au sein de l'administration, le code pénal congolais en vigueur, notamment dans son article 169 dispose : « Tout agent ou préposé d'une personne morale de droit public qui aura frauduleusement détourné, dissipé tout ou partie des deniers publics ou privés sera puni des travaux forcés à temps...»32. Cet article réaffirme la volonté du législateur congolais de maintenir l'administration publique saine car l'agent public ne doit pas tomber dans l'interdit.

48 - C'est ainsi, toujours dans cette perspective qu'il a paru aisé d'adopter une nouvelle loi sur la corruption, la concussion, la fraude et les infractions assimilées qui abroge toutes dispositions antérieures contraire relatives à la corruption33.

Face à ce décor, il parait très utile d'apprécier les mesures prises par le législateur en vue de l'application de ces normes. À cet effet, il conviendra donc dans cette logique d'examiner d'abord le cadre juridico-politique de la prévention du

détournement des deniers publics (chapitre I) et ensuite les limites de la
prévention (chapitre II).

31 -Art.432-15 c.pen. 32- Art.169 c.c.pen. 33 -Art.32 Loi n°5-2009 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion la fraude et les infractions assimilées en République du Congo.

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CHAPITRE I : Le cadre juridico-politique de la prévention du

détournement des deniers publics

49 - L'agent public a le devoir de se conduire toujours de manière à préserver et à renforcer la confiance du public dans l'intégralité, l'impartialité et l'efficacité des pouvoirs publics34.C'est dans cette perspective que l'appareil législatif Congolais dans sa réaction contre l'infraction de détournement des deniers publics, laisse observer un corpus des textes destinés à préserver l'intégrité des agents publics. Face à cet impératif, il sied d'étudier en amont les fondements juridico-organiques (section I) et en aval les fondements politico-déontologiques (section II).

Section I : Les fondements juridico-organiques de la prévention du détournement des deniers

50 - Les textes visant à lutter contre le délit de détournement de deniers publics poursuivent tous sa prévention et son éradication. Ces textes préviennent les comportements hostiles à la bonne gouvernance. Ils visent à conserver l'intégrité des agents publics par l'assainissement de l'administration des pratiques malsaines notamment le détournement des deniers publics. En outre dans cet élan de prévention, le gouvernement a aussi doté le Congo des organes de lutte contre la corruption et la fraude par le décret n° 2004-324 du 08juillet 2004 dans son article 1 qui dispose : « Il est créé une commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude » 35 et la loi n°16-2007 du 19 septembre portant création de l'observatoire anti-corruption notamment dans son article1 qui prévoit : « Il est créé pour participer à la lutte contre corruption, la concussion et la fraude, un organe dénommé observatoire anti-corruption ».36

34- C.VIGOUROUX, Déontologie de la fonction publique, Paris, 2ème édition, Dalloz, 2012, p.71.

35 -Art.1 Décret n°2004-323 du 05 juillet 2004 portant création, attributions et composition de la commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude.

36 - Art.1 Loi n°16-2007 du 19 septembre 2007 portant création de l'observatoire anti-corruption.

37 - Rapport sur les conventions internationales de lutte contre la corruption et la responsabilité de la personne morale, 2007, p.4.

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51 - En raison de l'importance du rôle que représente ces textes et organes dans la prévention du détournement des deniers publics il conviendra d'étudier le regard normatif de la prévention en matière de détournement des deniers publics (Paragraphe I) ainsi que le regard organique de la prévention (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le regard normatif de la prévention

52 - La République du Congo regroupe un ensemble des normes juridiques destinées à combattre le détournement des deniers publics ; ces normes sont d'ordre international (A) et national (B).

A- Les normes internationales

53 - De toutes les conventions internationales, la convention des Nations Unies contre la corruption est celle qui concerne le plus grand nombre de pays.

Adoptée par l'Assemblée générale à New-York le 31 octobre 2003, elle a été ouverte à la signature du 9 au 11 décembre 2003 à Mérida (Mexique), puis jusqu'au 9 décembre 2005 à New-York. Elle est entrée en vigueur le 14 décembre 2005.37

54 - La convention des Nations Unies repose sur les fondements suivants :

- la gravité des problèmes que pose la corruption et la menace qu'elle constitue pour la stabilité et la sécurité des sociétés compromettent le développement durable de l'état de droit ;

- la corruption n'étant plus une affaire locale, mais un phénomène transnational qui frappe toutes les sociétés et toutes les économies, ce qui rend la coopération internationale essentielle pour la prévenir et la juguler et qu'une approche globale et multidisciplinaire est nécessaire pour prévenir et combattre la corruption. Cette convention a pour objet :

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- de promouvoir et renforcer les mesures visant à prévenir et combattre la corruption de manière plus efficace ;

- de promouvoir, faciliter et appuyer la coopération internationale et l'assistance technique aux fins de prévention de la corruption et de la lutte contre celle-ci ; - et de promouvoir l'intégrité, la responsabilité et la bonne gestion des affaires publics et des biens publics.38

55 - Pour ce faire, la convention prévoit la mise en place par les États parties, aussi bien des mesures de prévention que des mesures concernant les incriminations, la détection et la répression de la corruption et des autres faits constituant des manquements à la probité, du blanchiment du produit du crime, du recel ainsi que de l'entrave au bon fonctionnement de la justice. 39

56 - S'agissant de la mise en jeu de la responsabilité, l'article 26 de la convention dispose que «chaque État partie doit adopter les mesures nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour établir la responsabilité des personnes morales qui participent aux infractions visées par le texte ».40

57 - Il précise que cette responsabilité des personnes morales peut être pénale, civile ou administrative. Celle-ci est sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques qui ont commis les infractions et qu'elle doit faire l'objet de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, de nature pénale ou non pénale, y compris des sanctions pécuniaires.

58 - A la date du 28 janvier 2008, 140 pays ont signé la convention des Nations unies contre la corruption et 107 d'entre eux l'ont ratifiée. Parmi les pays ayant ratifié la convention des Nations Unies contre la corruption figurent, entre autres,

38 - Rapport sur les conventions internationales de lutte contre la corruption et la responsabilité de la personne morale, 2007, p.5.

39 - Rapport sur les conventions internationales de lutte contre la corruption et la responsabilité de la personne morale, 2007, p.4.

40-Ibid.

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l'Australie, la Bulgarie, la Chine, la Finlande, la France, le Luxembourg, la Fédération de Russie, l'Espagne, le Royaume Uni et les États- Unis, ainsi que de nombreux pays africains comme l'Afrique du Sud, l'Angola, le Cameroun, le Gabon et le Sénégal. La Belgique, l'Allemagne, Israël, l'Italie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Suisse font partie des pays qui n'ont procédé qu'à sa signature.41

59 - S'agissant de la Convention de l'Union Africaine, celle-ci est adoptée le 11 juillet 2003 par l'Union africaine. Cette Convention est entrée en vigueur le 5 août 2006. L'Union africaine a été créée à Lomé (Togo) le 11 juillet 2000 au sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) dont elle a pris la succession. Composée de 53 États, elle a pour fondement, notamment, la nécessité de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et des peuples, de consolider les institutions démocratiques, d'encourager la culture de la démocratie, de promouvoir la bonne gouvernance et d'assurer le respect de l'État de droit.42

60 - La Convention sur la prévention et la lutte contre la corruption s'est donnée comme objectif de promouvoir et renforcer des mécanismes nécessaires pour prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption et les infractions assimilées dans les secteurs public et privés. Cette convention organise aussi la coopération entre États parties pour assurer l'efficacité des actions et mesures mises en place.43

61 - Si son champ d'application impose aux États parties d'adopter les mesures législatives et autres adaptées pour définir comme infractions pénales les actes de corruption et actes assimilés tels qu'ils sont définis par l'article 4, aucune

41 - Rapport sur les conventions internationales de lutte contre la corruption et la responsabilité de la personne morale, 2007, p.4.

42 - Rapport sur les conventions internationales de lutte contre la corruption et la responsabilité de la personne morale, 2007, p.5.

43-Ibid.

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disposition ne fait référence à la nécessité pour les États de mettre en place une responsabilité de la personne morale.44

62 - En outre, il importe de rappeler que la République du Congo est un pays très actif dans l'implication aux initiatives de bonne gouvernance et du bien-être collectif. Sa détermination n'est pas moins importante sur l'échelle internationale en matière de prévention et de lutte contre le détournement des deniers publics.

63 - La ratification de la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003 par le décret n° 2005-375 du 14 septembre 2005 et celle de la Convention de l'Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption par le décret n°2005-376 du 14 septembre 2005 seront le support de cet engagement international.

64 - En effet la convention des Nations Unies contre la corruption de 2003 vise à sauvegarder l'intégrité des agents publics des États, cette réalité est rapporté en son article 1 qui dispose : « La présente Convention a pour objet : de promouvoir l'intégrité, la responsabilité et la bonne gestion des affaires publiques et des biens publics » 45

65 - La mission que s'est assignée l'organisation internationale vise à restaurer les valeurs. À cet effet, elle encourage l'implication de chaque membre de la société dans la lutte contre le détournement des deniers publics.

66 - Cette Convention lie les pays préoccupés par l'ampleur et l'impact de la corruption sur ses multiples facettes. La notion de corruption est parfois employée dans un sens plus large, par exemple, lorsque l'on parle d'un régime corrompu ou de la criminalité des potentats on vise toutes les formes d'exploitation abusive d'une position de pouvoir dans le but de s'enrichir : détournement, abus de

44 - Rapport sur les conventions internationales de lutte contre la corruption et la responsabilité de la personne morale, 2007, p.7.

45-Art.17 convention des nations unies contre la corruption, 2003.

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confiance, gestion déloyale ou vol portant sur les avoirs de l'État ou d'entreprise en main de l'État.46

67 - Il convient de relever aussi que la convention des Nations Unies est un rempart contre les agents publics qui de par leurs comportements déviants portent atteinte à la confiance publique de l'État et cela s'illustre parfaitement par l'article 17 de cette convention qui dispose :

« Soustraction, détournement ou autre usage illicite de biens par un agent public. Chaque État Partie adopte les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale. Lorsque les actes ont été commis intentionnellement, à la soustraction, au détournement ou à un autre usage illicite, par un agent public, à son profit ou au profit d'une autre personne ou entité, de tous biens, de tous fonds ou valeurs publics ou privés ou de toute autre chose de valeur qui lui ont été remis à raison de ses fonctions ».47

68 - Cependant l'Union Africaine s'est aussi assignée une tâche dans le combat contre le détournement des deniers publics dans son article 4-1-d qui dispose :

« La présente Convention est applicable aux actes de corruption et infractions assimilées ci-après : (...) le détournement par un agent public ou toute autre personne, de biens appartenant à l'État ou à ses démembrements qu'il a reçus dans le cadre de ses fonctions, à des fins n'ayant aucun rapport avec celles auxquelles ils sont destinés, à son propre avantage, à celui d'une institution ou encore à celui d'un tiers ».48

69- En effet les États membres ont pensé aussi à l'unité de législation sur la corruption et actes de corruption, cela ressort du préambule de ladite convention qui prévoit : « Les États membres de l'Union Africaine convaincus de la nécessité de mettre en oeuvre, en priorité une politique pénale commune pour protéger la

46-M.DJAGHAM, La lutte contre la corruption : une question internationale, RDL.,n°02,2016,p.11. 47 - Art.17 convention des nations unies contre la corruption, 2003.

48-Art.4.1-d Convention de l'union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, 2003.

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société contre la corruption, y compris l'adoption de mesures législatives appropriées et de mesures de prévention adéquate ; » 49

70 - Ainsi tout ressortissant de la République du Congo, État membre de l'Union Africaine qui aurait été victime ou coupable de corruption et infractions assimilées dans cette sphère se verrait appliquer cette loi commune, même en dehors de ses frontières. Par ailleurs, la lutte contre la corruption n'est pas une prise de conscience qui relève du seul apanage de l'organisation internationale ; l'ordre juridique interne Congolais met en lumière une lutte et une prévention de grande portée.

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