CHAPITRE II : La répression des infractions
assimilables au détournement des deniers publics
359 - A côté du
détournement des deniers publics qui est une infraction qui porte
atteinte au devoir de probité, à la confiance publique et
à l'administration par le fonctionnaire ou l'agent public. Toutefois, il
existe d'autres infractions voisines à celui-ci. Elles sont
listées et réprimées par le législateur du code
pénal à l'instar de l'abus de confiance (section I) et l'abus de
confiance (section II).
Section 1 : La répression de l'abus de
confiance
360 - L'abus de confiance est défini
au sens strict par la loi, comme le détournement frauduleusement commis
des choses remises à l'agent. Il peut s'agir des sommes d'argent qu'il a
détenu en vertu d'une fonction (paragraphe 1) ou en vertu d'une mission
(paragraphe 2) à charge pour lui de les rendre, représenter ou
d'en faire un usage déterminé. A défaut l'agent s'expose
à des sanctions.
Paragraphe 1 : La détention des fonds en vertu d'une
fonction
361 - Dans l'exercice de ses fonctions
l'agent ou le fonctionnaire peut détenir des fonds publics pour
multiples raisons. Il est donc tenu d'en faire bon usage à défaut
il encoure des sanctions en cas de dissipation (A) et de soustraction (B).
A- La répression de la dissipation des fonds
362 - Le détournement peut consister
dans un acte de dissipation.254 C'est la forme la moins subtile de
l'infraction d'abus de confiance. Elle consiste à faire disparaitre la
chose mais doit répondre à deux exigences le plus souvent
254 -J.LARGUIER, A.MARIE LARGUIER, Droit pénal
spécial, Paris, 10ème édition Dalloz, 1998,
342, p.192.
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cumulatives, l'acte de dissipation parait a priori être
le contraire d'une appropriation. 255
363 - C'est cependant une très claire
façon de constater le droit d'autrui sur une chose qui n'appelle pas ici
les mêmes réserves que pour le vol. Dans la mesure où
l'abus de confiance ne postule pas une volonté d'appropriation mais
seulement une volonté de porter atteinte au droit
d'autrui.256
364 - Il y a dissipation matérielle
quand l'agent s'en prend à la matérialité de l'objet
lui-même pour le consommer, le détruire totalement ou
partiellement, l'abandonner etc. Il y a dissipation juridique quand l'agent
accomplit à propos du bien un acte juridique incompatible avec ce qui
avait été prévu : vente, donation, mise en gage de la
chose.257
365 - Il peut aussi y avoir successivement
les deux formes de dissipation quand après avoir vendu la chose, l'agent
en dépense le prix.258Il est possible qu'un acte de
dissipation ne suffise pas à constituer l'abus de confiance s'il ne fait
pas obstacle à une restitution dans les termes convenus. Cela
dépend de la nature de la chose et des termes prévus pour la
restitution. Si la chose dissipée était une chose
déterminée, la dissipation suffit à elle seule à
constituer l'abus de confiance puisqu'elle place nécessairement l'agent
dans l'impossibilité de restituer.259
366 - Il en est ainsi même si l'auteur
de l'infraction demeure solvable puisque cette solvabilité lui permet
seulement d'indemniser la victime mais non de remettre les choses en
état. L'article 408 visait celui qui aura détourné ou
dissipé tandis que l'article 314-1 définit l'abus de confiance
par le fait pour une personne
255 - M.LAURE RASSAT, Droit pénal infraction des biens
et contre les particuliers, Paris, 3ème édition
Dalloz, 2001, P.161.
256 - Ibid., p.161.
257 -Ibid.
258 -Ibid., p.162.
259 -P.GATTEGNO, Droit pénal spécial, Paris,
2ème édition, Dalloz, 1997, p.38.
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de détourner au préjudice d'autrui des fonds, il
en est ainsi par exemple des personnes prévues par l'article
432-15.260
367 - La distinction entre la dissipation et
le détournement proprement dit ne présente qu'un
intérêt historique, dissiper cela peut être détruire
ou vendre la chose voire distribuer s'il s'agit d'espèce.
Détourner c'est donner à la chose une destination qui
n'était pas celle prévue.261
368 - Selon une théorie
développée par Garçon (code pénal annoté
1ère édition article 408) « l'abus de
confiance s'analyse en une atteinte à la propriété
d'autrui traduite par l'intervention de la possession dont est revu le
possesseur précaire ». Cette analyse doit être
rapprochée des notions du droit civil.
Commettrait un abus de confiance celui qui ayant reçu
la chose à un certain titre, dissipe la chose ou se comporte en
propriétaire sur la chose tandis que le titre de possession
n'était que celui d'un mandataire ou d'un locataire par
exemple.262
369 - La dissipation est la disparation de
l'objet ou encore dépense d'une somme d'argent. L'article 314-1 ne fait
plus désormais référence qu'au détournement mais ce
changement est uniquement formel puisque la dissipation n'est qu'une forme de
détournement la plus exacerbée.263
370 - Lorsqu'il y a dissipation la preuve de
la fraude résulte de l'acte par lequel s'effectue cette dissipation du
moins si le contrat porte sur un corps certain. Il ne peut en aller
pareillement pour une chose fongible dont c'est la vocation d'être
supplée par une autre chose similaire.264
371 - Si l'on rapproche les infractions de
vol, d'escroquerie et d'abus de confiance on aperçoit
immédiatement le trait commun qui les unit : c'est le but du
délit qui est de s'emparer de la chose d'autrui. Mais alors que le
voleur soustrait
260 - P.GATTEGNO, op.cit. p.38.
261 -Ibid.
262 -Ibid.
263 -W.JEAN DIDIER, Droit pénal spécial, Paris,
2ème édition, Dalloz, 1996, p.17.
264 -Ibid.
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contre la volonté de la victime alors que l'escroc
obtient en agissant sur la volonté de celle-ci antérieurement
à cette remise déterminée par les manoeuvres de l'escroc.
L'auteur de l'abus de confiance lui conserve (détourne) la chose remise
par la victime en vertu d'un certain titre qu'il intervertit. C'est
précisément ce mécanisme spécifique qui a toujours
conféré une certaine originalité au délit puisque
celui-ci est constitué aussi par l'attitude particulière qui
consiste à trahir la foi d'autrui.265
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