DEUXIEME PARTIE : LA REPRESSION DU DETOURNEMENT
DE DENIERS PUBLICS
248 - L'article 29 de la loi n°83-634 du
13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose :
«Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose d'une sanction disciplinaire
sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues
par la loi pénale ».184 La faute donnant lieu
à sanction peut consister en un manquement aux obligations
légales ou en un agissement constituant en même temps une faute
pénale.
249 - Ces peines s'inscrivent dans le cadre
de la responsabilité pénale. S'il semble évident
d'affirmer que le juge administratif n'est pas par définition, le juge
de la répression pénale, il joue néanmoins un rôle
dans le traitement des atteintes à la probité. En effet, le
détournement des deniers publics faisant partie des atteintes à
la probité et à la confiance publique constitue un manquement
commis de manière intentionnelle ou non intentionnelle au
détriment des finances publiques. La répression d'un tel abus se
situe entre la nécessité budgétaire et la
réprobation morale.185 Commettre une telle infraction revient
donc en réalité à rompre le contrat
social.186
250 - Ainsi, afin de mieux cibler et
d'intensifier la sanction en matière de détournement des deniers
publics, le législateur a établi la loi n° 2013-117 du 6
décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la
grande délinquance économique et financière. Cette loi a
renforcé la poursuite de la répression des atteintes à la
probité.
Il convient donc d'étudier la mise en oeuvre de la
répression du détournement des deniers publics (chapitre I) et la
répression des infractions assimilables au détournement des
deniers publics (chapitre II).
184 -Art.29 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires.
185 - S.VOKO, op.cit., p.179.
186 - S.VOKO, op.cit., p.14.
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CHAPITRE I : La mise en oeuvre de la répression
du détournement
des deniers publics
251 - La probité et
l'exemplarité des agents publics sont une condition de la confiance des
citoyens dans l'administration.187Nous constatons aujourd'hui une
défiance des citoyens à l'égard de leurs dirigeants
notamment en raison de la multiplication d'affaires mettant en cause leur
honnêteté à l'instar des détournement des deniers
publics. Cependant pour restaurer cette confiance entre les administrés
et l'administration il est nécessaire que les auteurs de telle
infractions soit sévèrement punis d'où l'importance d'un
arsenal répressif efficace pour une bonne gestion des affaires
publiques. Par ailleurs la mise en oeuvre de cette répression passe par
l'identification des personnes répréhensibles (section I) et les
difficultés relatives à la répression (section II).
Section 1 : Les personnes
répréhensibles
252 - Les atteintes au devoir de
probité à l'instar du détournement des deniers publics
s'inscrivent dans le chapitre relatif aux atteintes à l'administration
publique commises par des personnes exerçant une fonction publique. Les
personnes pouvant être poursuivie au titre de ces incriminations sont par
conséquent des personnes exerçant une fonction publique à
l'exclusion des fonctions privées.188Il est possible de
distinguer par ailleurs, les agents publics dépositaires de
l'autorité publique (Paragraphe1) et les agents publics chargés
d'une mission de service public (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les agents publics dépositaires de
l'autorité publique
253 - Cette expression peut être
étendue comme désignant toute personne titulaire d'un pouvoir de
décision et de contrainte sur les personnes, sur les choses, pouvoir
dont elle fait usage dans l'exercice de ses fonctions permanentes ou
187 -S.VOKO, op.cit.,p.180.
188 - S.VOKO, op.cit.,p.14.
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temporaires, dont elle est investie par
délégation de la puissance publique. Rentrent dans cette
catégorie les élus locaux (A) et les fonctionnaires territoriaux
(B).
A- Les élus locaux
254 - Les élus locaux
représentent les citoyens des différentes collectivités
territoriales. Ils sont élus dans le but d'agir pour
l'intérêt local. L'élu local étant choisi par les
populations pour les aider à améliorer leurs conditions de vie,
devient du coup un agent de développement car il doit les appuyer et les
accompagner vers un avenir meilleur. L'élu doit être le moteur du
développement en créant les opportunités de croissance du
bien-être social, économique et culturel de ses
électeurs.
255 - En ce moment il a une double casquette
(politique et développement). Il doit pouvoir créer un
équilibre entre ces deux rôles pour satisfaire
l'intérêt général et qui est un gage d'une
réélection. Les élus locaux représentent les
citoyens des différentes collectivités territoriales. Ils sont
élus dans le but d'agir pour l'intérêt local. Ils sont
membres des organes délibérants de ces
collectivités.189
256 - Il s'agit en l'espèce des
conseiller municipaux et des maires qui sont des personnes physiques
élus conformément aux lois et règlements en vigueur.
Les conseillers municipaux sont chargés au sein du
conseil municipal de remplir les tâches et fonctions qui incombent
à cette instance. Ils assurent :
- l'administration locale et le développement ;
- la mobilisation et la sensibilisation de la population.
Ils servent de relai entre les autres acteurs et la
collectivité et mènent des actions de plaidoyer en vue de la
mobilisation des ressources humaines et financières.190
189 -Programme nationale de gestion des terroirs Burkina Faso,
Le rôle de l'élu local dans le développement de la commune,
2010, p.13.
190 - Ibid., p.11.
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257 - En sa qualité de personne membre
de la communauté le conseiller municipal se retrouve parmi tous les
autres acteurs au développement local.191 Son action
s'inscrit alors dans plusieurs domaines du développement local :
- dans l'animation de la vie politique à travers son
engagement et l'exercice du pouvoir politique.
- dans la vie économique à travers ses
activités économiques propres.
- dans la promotion de sa commune auprès des
partenaires techniques et financiers, les ONG, les institutions nationales et
internationales etc.192
258 - Cependant la qualité
d'élu local n'est pas un obstacle à la poursuite et à la
condamnation d'un conseiller municipal surtout lorsque le fait incriminé
a été accompli dans le cadre de ses fonctions.193
259 - Par ailleurs le maire étant
aussi un élu local il est soumis à l'obligation d'exercer sa
fonction avec probité et diligence. C'est tout le sens de l'article
2122-21 du code des collectivités territoriales qui dispose :
«sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle
administratif du représentant de l'État dans le
département, le maire est chargé de conserver et d'administrer
les propriétés de la commune, de gérer les revenus, de
surveiller les établissements communaux et la comptabilité
communale... ».
260 - Ainsi cette disposition confère
au maire l'administration de la commune tout en lui imposant d'une façon
générale la conservation et la gestion du patrimoine de la
commune. Le détournement d'objet remise en raison de cette fonction
d'autorité tombe sous le coup du délit.
261 - C'est dans ce sens que le maire de
Roquebrune sur Argens a été condamné pour
détournement des fonds publics. Celui-ci avait fait acquérir par
la commune des véhicules de luxe hors de proportion avec les besoins
communaux, véhicules
191 - Programme nationale de gestion des terroirs Burkina
Faso, Le rôle de l'élu local dans le développement de la
commune, 2010, p.13.
192 - Programme nationale de gestion des terroirs Burkina
Faso, Le rôle de l'élu local dans le développement de la
commune, 2010, p.14.
193 -Ibid.
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de service qu'il utilise essentiellement à des fins
personnelles et qui fait usage également à des fins personnelles
de la carte de carburant qui lui a été attribuée pour
l'exercice de sa fonction d'élu.194
262 - Il est aussi possible qu'un élu
puisse engager sa responsabilité en cas de détournement
involontaire des biens publics. Dans cette perspective est ainsi
condamné le président d'une communauté de communes et d'un
syndicat intercommunal qui n'a pas vérifié le bienfondé
des factures qui lui présentaient la secrétaire
générale. Laquelle a ainsi pu détourner près de 800
000 euros en huit ans (ce qui lui a valu pour sa part une condamnation pour
détournement de biens publics et à trois ans d'emprisonnement
dont la moitié avec sursis).
263 - La Cour de cassation précise
pour l'occasion que l'article 432-16 du code pénal, fondement de la
condamnation, n'exige pas, pour que le délit soit
caractérisé, la violation délibérée d'une
obligation particulière de prudence ou de sécurité. La
question pouvait se poser au regard des conditions posées par l'article
121-3 du Code pénal pour l'engagement de la responsabilité
pénale non intentionnelle des personnes physiques.
264 - Même si le détournement
involontaire de biens publics rentre bien dans le champ des infractions
d'imprudence, la Cour de cassation française estime qu'il n'y a pas lieu
d'appliquer les conditions propres à la responsabilité
pénale des auteurs indirects du dommage à l'encontre desquels la
preuve d'une faute qualifiée est en principe nécessaire.
265 - En tout état de cause cet
arrêt rappelle que la confiance n'exclut pas le contrôle. Surtout
lorsque sont en jeu des deniers publics. Les élus locaux ne sont pas les
seuls répréhensibles en cas de détournement des deniers
publics il existe à leur côté les fonctionnaires
territoriaux.
194 -Cass, crim ,29 juin 2016, n°15-83.598, disponible sur
http://www.légifrance.gouv.fr.
195 - Programme nationale de gestion des terroirs Burkina
Faso, Le rôle de l'élu local dans le développement de la
commune, 2010, p.16.
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