Paragraphe II : Le contrôle sur plaintes
Contrairement à la procédure de
présentation des rapports qui possède un caractère
obligatoire, le contrôle sur plaintes est facultatif, c'est-à-dire
que les Etats parties doivent faire des déclarations explicites qui
reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner
des communications102.
De plus, outre un certain nombre de critères classiques
de recevabilité communs aux procédures internationales de
règlement tels que les critères ratione materiae et ratione
temporis, la recevabilité des plaintes est subordonnée à
la condition d'épuisement des voies de recours internes. Cette
règle traditionnelle a pour finalité de réaffirmer le
caractère subsidiaire des recours internationaux. Le système de
contrôle sur plainte est constitué par une procédure de
conciliation (A) qui repose sur l'examen des communications d'Etat à
Etat ainsi que la procédure relative aux pétitions
individuelle(B). Les deux procédures sont traitées
séparément. La première se fait dans le cadre du Pacte
tandis que la seconde se rapporte au Protocole facultatif annexé au
premier.
A-La procédure de conciliation : plaintes
étatiques
En application de l'article 41 du Pacte, un Etat partie peut
saisir le Comité d'une communication contre un autre Etat partie s'il
estime que ce dernier ne s'acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte.
La procédure mise en place ménage totalement les droits de l'Etat
souverain car elle ne fonctionne que sur base de réciprocité. Les
communications adressées au Comité en vertu dudit article fait
l'objet d'une procédure spéciale qui se déroule en deux
temps. D'abord, l'Etat partie qui estime qu'un autre n'applique pas les
dispositions du Pacte attire l'attention de ce dernier sur la question. L'Etat
destinataire de la
102 Voir article 1er du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, article 76(a) du règlement d'ordre
intérieur du Comité des droits de l'homme et article
1er du protocole facultatif relatif aux droits civils et
politiques.
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communication écrite est tenu, dans les trois mois, de
fournir à l'Etat plaignant « des explications ou toutes autres
déclarations écrites élucidant la question ».
S'ouvre alors une période de six mois pour permettre
aux Etats en question de trouver un règlement amiable. En cas
d'échec, chaque Etat peut alors, unilatéralement saisir le
Comité des droits de l'homme. Une fois saisi, et après
s'être assuré de l'épuisement des voies de recours interne,
le Comité met, ensuite, ses bons offices à la disposition des
parties pour parvenir à une solution. Cette deuxième étape
marque le début de la procédure de conciliation qui a une nature
diplomatique. En effet, de l'avis du professeur Frédéric
SUDRE,« le mécanisme de contrôle instauré par
l'article 41 n'a pas pour objet de juger un Etat à la demande d'un autre
mais de concilier les points de vue divergents quant à une
appréciation de la conformité au Pacte du comportement d'un Etat
»103. Le rôle du Comité, ajoute le professeur
Rusen ERGEC, se borne ainsi à« établir les faits et, le
cas échéant, avec l'accord des parties ; peut désigner une
commission ad hoc de conciliation composée de cinq experts
indépendants qui cherche à obtenir un règlement amiable du
différend dans les douze mois qui suivent »104.
A la fin, en cas de succès, comme en cas d'échec
de la tentative de conciliation, le comité et/ou la commission ad hoc
rédigent un rapport qui, soit expose les faits et la solution intervenue
(en cas d'accord), soit relate les faits et l'accompagne d'observations
écrites et orales des deux parties (en cas d'absence d'accord).
Les parties ont la liberté d'accepter ou de refuser ce
rapport qui marque la fin de la procédure et qui est publié dans
le rapport annuel du comité des droits de l'homme105. En
pratique, depuis leur entrée en vigueur le 28 mars 1979, les
dispositions de l'article 41 instaurées par le Pacte ne fonctionnent
pas, les Etats ayant toujours refusé de les mettre en oeuvre. Le
mécanisme n'a donc jamais été utilisé. Et
Agnès DORMENVAL justifie cette inapplication des plaintes
interétatiques à l'ONU par le fait qu'« elles comportent
en elle, dans leur propre principe même, un risque élevé
d'entraîner de mauvaises relations bilatérales
»106.
Pour Gérard COHEN-JONATHAN, « le recours
interétatique concerne, en principe, des violations
générales ou systématiques des droits de l'homme dans le
cadre universel » et pour ce genre de situations, poursuit-il, les
Etats semblent préférer s'en remettre aux organes dits
103 SUDRE (Frédéric), Op.Cit., p.422.
104 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p.41.
105 BUENGENTHAL (Thomas) et KISS (Alexandre), Op.Cit., p.27.
106 DORMENVAL (Agnès), Procédures onusiennes
de mise en oeuvre des droits de l'homme : limite ou défauts. Paris,
PUF, 1991, p.51.
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« politiques » comme la Commission des droits de
l'homme plutôt qu'aux organes « techniques »107. On
retiendra de tout ce qui précède que, d'une part, le
système des rapports n'offre pas le réel recours aux victimes et
ne garantit pas vraiment le respect des normes existantes. D'autre part, la
procédure des communications interétatiques est complexe et
largement inefficace même si son exercice ne présuppose pas la
démonstration d'un intérêt de la part de l'Etat plaignant.
Ainsi, pour mieux assurer l'accomplissement des objectifs et finalités
du Pacte, la plainte individuelle constitue l'ultime recours pour la protection
des droits et libertés fondamentaux.
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