Section II : Garantie des droits de l'homme sous le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques : le Comité
des droits de l'homme
Le 16 décembre 1966, par la Résolution 2200 A
(XXI), l'Assemblée Générale de l'ONU adoptait trois
instruments à valeur de traité, c'est-à-dire obligatoires
à l'égard des Etats qui les auront ratifiés. Il s'agit du
Pacte international relatif aux droits civils politiques (PIDCP), du Pacte
International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC) et du Protocole facultatif se rapportant au premier Pacte dont l'objet
est de préciser et de développer les droits reconnus dans la
DUDH83.
Le PIDESC n'étant pas garanti d'une grande
effectivité parce que la réalisation des droits qu'il
reconnaît dépend, avant tout, des ressources économiques
des Etats, il se borne à énoncer des objectifs ou des standards
plutôt que des engagements précis et contraignants. Il en va
autrement du PIDCP qui « renferme un catalogue fort
élaboré de droits concrets et
81 Déclaration de Paul MEYER, Ambassadeur et
chef de la délégation, prononcée lors de la
61ième session de la Commission des droits de l'homme au nom
de l'Australie, le Canada et de la Nouvelle-Zélande sur le point 18 :
Fonctionnement efficace des mécanismes de protection, 18 avril 2005
(http://www.dfait-maesi.gc.ca/
Canada-un/geneva/site/image/hebder-fr.9pg)
82 Nations unies, activités de l'ONU
dans le domaine des droits de l'homme, New-York, Centre pour les droits de
l'homme, 1992, p.25.
83 ERGEC (Rusen), VELU (Jacques), La Convention
européenne des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1990,
p.29.
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effectifs » dont l'exigibilité est
immédiate et dont lesdits droits concernant les individus non les
groupes.
Le contrôle international des obligations souscrites en
adhérant tant au PIDCP qu'au Protocole facultatif s'y rapportant
s'effectue par des mécanismes qui furent ouverts à la signature
des Etats. Il s'agit, d'abord de la soumission par les Etats parties des
rapports périodiques (Paragraphe I) et, ensuite du contrôle sur
plaintes (Paragraphe II) qui porte sur les faits précis constituant une
violation alléguée d'obligations conventionnelles. Les deux
techniques sont utilisées devant le « Comité des droits de
l'homme »84, organe de contrôle crée en vertu des
articles 28 et suivants du PIDCP, composé de 18 membres ressortissants
des Etats parties et élus par eux pour quatre ans qui siègent
à titre individuel et doivent posséder une compétence
reconnue, dans le domaine des droits de l'homme.
Paragraphe I : Le système des rapports
périodiques : un dialogue constructif avec les Etats
En tant qu'organe de « conseil et surveillance », le
Comité des droits de l'homme a pour fonction principale l'examen des
rapports présentés par les Etats parties « sur les mesures
qu'ils auront arrêtées et qui donnent effet aux droits reconnus
dans le (...) Pacte et sur les progrès réalisés dans la
jouissance de ces droits ». Le texte n'ajoute que les « rapports
devront indiquer, le cas échéant, les facteurs et les
difficultés qui affectent la mise en oeuvre des dispositions du
présent pacte »85.
Marie-Odile MAURIZE indique que « l'une des
premières tâches du Comité a été
d'énoncer des règles pour la présentation et
l'étude de ces rapports. La procédure d'examen se
déroulant en séance publique prend la forme d'un dialogue entre
les membres du Comité et ceux de la délégation de l'Etat
concerné : Le Comité adresse une liste de points au gouvernement,
les représentants de ce dernier y répondent durant la
séance »86. « C'est par ces questions et les
demandes d'explication qui leur sont adressées que le Comité fait
ressortir des problèmes de non application du Pacte et attirer sur eux
l'attention de
84 Le système de surveillance des
traités est constitué de six organes de contrôle à
savoir les Comités des droits de l'homme ; des droits
économiques, sociaux et culturels ; pour l'élimination de toute
forme de discrimination à l'égard des femmes ; contre la torture
; des droits de l'enfant.
85 Article 40 du PIDCP et 66 du règlement
d'ordre intérieur du CDH, CCPR/C/3 rés.6 du 24 /04/2001
86 MAURIZE (Marie-Odile), Au-delà de
l'Etat. Le droit international et la défense des droits de l'homme,
Paris, Amnesty International, 1992, p.6.
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L'Assemblée Générale des Nations
Unies ainsi que d'autres Etats parties au Pacte »87,
renchérissent Thomas BUERGENTHAL et Alexandre KISS.
Il s'avère alors, de l'avis du professeur Tunguru
HUARAKA88, que « la procédure de présentation
des rapports sert à promouvoir et à assurer l'exercice des droits
et libertés fondamentales concernés ou bien, le cas
échéant, à mettre fin à tel ou tel abus ».
Ainsi, poursuit-il, le Comité examine très attentivement les
rapports à la lumière des obligations incombant aux Etats parties
en vertu du Pacte en soumettant lesdits Etats visés à une
interrogation serrée.
Pour cela, bien que n'étant pas un organe judiciaire,
le Comité est composé de juristes internationaux éminents
qui se réfèrent à d'autres pour évaluer le rapport
soumis à l'examen.
A titre illustratif, lorsque le Comité a
examiné, en 1979 « le premier rapport du chili
»89 de nombreux membres se sont
référés aux rapports du groupe de travail spécial
de la Commission des droits de l'homme chargé d'enquêter sur la
situation des droits de l'homme au Chili ainsi qu'aux Résolution de
l'Assemblée Générale des Nations Unies90. Le
dialogue institué par le comité avec les Etats permet une
confrontation de la législation et de la pratique interne avec les
dispositions du Pacte (par exemple, sur le statut de la femme marocaine ;
rapport du Maroc, A/37/40, P33 ; voir aussi le rapport de la France,
CCPR/C/76/Add.7 du 15 mai 1997)91.
C'est à l'issue de cette procédure que le
Comité adresse aux Etats intéressés ses propres
observations en notant les aspects positifs, en soulignant ses sujets de
préoccupation avant de formuler finalement des recommandations et
suggestions à chaque Etat dont le rapport a été
présenté et examiné. A en croire le professeur J-Maurice
ARBOUR, « toute la philosophie du système repose sur
l'établissement et le maintien d'un dialogue constructif et non de juger
l'Etat au terme d'un acte d'accusation »92.Par le moyen
des « Observations générales » prévues
par l'article 41(1) du pacte, le Comité procède ainsi à
l'interprétation de chacune des dispositions dudit Pacte, à
l'actualisation des interprétations et va même jusqu'à
préciser sa pensée relativement à des questions
liées à un article particulier.
87 BUENGERTHAL (Thomas) et KISS (Alexandre), Op Cit.,
p.26.
88 HUARAKA (Tunguru), « les droits civils et
politiques », in BEDJAOUI (Mohamed) (Rédacteur
général), Droit international. Bilan et perspectives,
Tome 2, Paris, Pédone, 1991, p 1148.
89 Document des Nations Unies CCPR/C/1/Add.25 et
40.
90 Documents officiels de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, 34e session,
suppl/N°40 (A/34/40), pp 17-28
91 SUDRE (Frédéric), Op.Cit.,p.497.
92 ARBOUR (J-Maurice), Droit international
public, 3e Edition, Québec, Yvon Blais Inc, 1997,
pp.371-372.
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Ce rôle que le Comité se reconnaît pour
«dire le droit » lui permet non seulement de faire oeuvre
d'interprétation mais également de développement des
dispositions dont il doit assurer le respect, souligne le professeur
Abdelfattah AMOR93. Comme le précise le professeur Maurice
GLELE-AHANHANZO, le but des observations générales est de faire
bénéficier tous les Etats parties de l'expérience ainsi
acquise, pour les inciter à continuer à appliquer le Pacte,
d'appeler leur attention sur des insuffisances que font apparaître un
grand nombre de rapports, de suggérer certaines améliorations
dans la procédure de présentation des rapports, et de stimuler
les activités de ces Etats et des organisations internationales qui ont
pour objet de promouvoir et de protéger les droits de
l'homme94.
Elles précisent la portée et la nature des
droits énoncés et leurs modalités d'application et le
Comité en fait une utilisation dynamique. Elles apparaissent, dès
lors, comme sources de la seule interprétation autorisée du PIDCP
et bénéficient d'une autorité morale dont s'est
doté le Comité dans l'exercice de sa fonction de contrôle
sur plainte parce qu'elles sont faites sans complaisance et sont souvent
accablantes (exemple : Nigeria, A/51/40, vol II, 1996)95.
A ce titre, l'interprétation du Pacte à l'aide
des observations générales est devenue l'une des tâches les
plus importantes du Comité des droits de l'homme.
Les conclusions qui en sont tirées sont les suivantes :
les Etats ne sont plus totalement souverains pour interpréter le Pacte,
le Comité institué spécialement pour veiller au respect de
Pacte est autrement habilité à interpréter et à en
définir la portée et les limites, les interprétations sont
imputables au Pacte et que les Etats ne peuvent, en conséquence, s'y
soustraire à moins d'une réserve jugée acceptable par le
Comité lui-même. Ce faisant, le Comité fait oeuvre
juridique, ce qui n'est pas sans rappeler celle qu'assure le juge dans le cadre
de l'accomplissement de sa fonction et qui lui permet par la technique de
l'interprétation de faire, aussi, oeuvre de création de
normes96.
Cette belle oeuvre prétorienne apparait ainsi comme
l'apport le plus appréciable du Comité à la protection et
à la promotion des droits de l'homme. En principe, les Etats parties au
Pacte ont l'obligation de soumettre chaque année les rapports au
Comité des droits de l'homme pour
93 AMOR (Abdelfattah), « le Comité des
droits de l'homme des Nations Unies-Aux confins d'une juridiction
internationale des droits de l'homme » In ANDO (Nisuke) (Editor),
Towardsimplementinguniversalhumanrights. Festischft for the twenty-
fifthanniversary of the humanrightscommitee, vol. 18, The wallenberg Institute
HumanRights Library, Leiden/Boston, MartinusNijhoffPublishers, 2004, pp.
49-50.
94 GLELE-AHANHANZO (Maurice), « Un Zoulou au
palais Wilson », In ANDO (Nisuke) (Editor), Op.Cit.,p.63.
95 SUDRE ( Frédéric), idem, pp
497-498
96 AMOR (Abdel fattah), Op.Cit, p.51.
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que ce dernier s'acquitte efficacement de ses fonctions en
vertu de l'article 40. Cette procédure est présentée par
le professeur Patrick WACHSMANN comme la moins contraignante pour les
Etats97. Le professeur Jacques MOURGEON98 aborde dans le
même contexte en estimant que le moyen d'action de la procédure
d'examen du Comité en matière de rapports dus à la
négligence ou à la mauvaise volonté des Etats. En effet,
le Comité est confronté à un problème de rapports
en retard en dépit de l'application des directives
révisées pour leur établissement et d'autres
améliorations importantes apportées aux méthodes de
travail.
Ainsi, chaque année, le Comité dresse dans son
rapport à soumettre à l'Assemblée générale
de l'ONU un tableau des principaux Etats en retard. Au 31 Juillet 2004, par
exemple, il déplore que : « 45 Etats parties au Pacte
étaient en retard de présentation de leurs rapports parmi
lesquels 18 initiaux. Ce qui l'empêche de s'acquitter convenablement des
fonctions de contrôle qui lui incombent et qui l'ont poussé
à se réserver la possibilité de rendre publique une liste
des Etats en retard à la fin de chacune de ses sessions
»99. Dans son rapport annuel 1999, Amnesty International a
fustigé que certains Etats continuaient à l'instar des
années précédentes, de négliger les obligations
nées des traités en s'abstenant à, mettre en oeuvre les
recommandations formulées à leur intention sur la situation des
droits humains.
Les pays qui devraient soumettre les rapports sont notamment,
l'Algérie, l'Allemagne, la Belgique, la Croatie, la France, le
Guatemala, Israël, l'Italie, le Japon, le Pérou, le Royaume - Uni
et la Tunisie. Pour cette ONG, le Comité des droits de l'homme a
souligné, en ce qui concerne les questions relatives à
l'application des dispositions du Pacte, que les conditions de détention
dans les prisons Japonaises s'apparentaient à un traitement cruel,
inhumain ou dégradant et a exhorté ce gouvernement à
restreindre le champ d'application de la peine de mort100. L'on
comprend donc que « l'obligation de soumettre un rapport à un
organe conventionnel n'est pas associée à l'obligation de
remédier à toutes les violations dont l'existence pourrait
être décelée au cours de l'examen de ce rapport
»101.
97 WACHSMANN (Patrick), Libertés
publiques, 3e Edition, Paris, Dalloz, 2003, p.220.
98 MOURGEON (Jacques) Cité par TAVERNIER
(Paul), « destin du pacte international relatif aux droits civils et
politiques vingt ans après son entrée en vigueur » in
pouvoir et liberté. Etudes offertes à Jacques MOURGEON,
Bruxelles, Bruylant, 1998, pp.484-485.
99 La Gambie est en tête avec 19 ans de
retard pour son deuxième rapport et la Guinée Equatoriale accuse
un retard de 15 ans pour son rapport initial. Voir Nations Unies, Rapport
du Comité des droits de l'homme, Complément N°40
(A/59/40), Vol. 1, New York, novembre 2004, pp13-16.
100 Amnesty International, rapport 1999, Editions Francophones,
p.47.
101 Nations, les Nations Unies et les droits de l'homme,
Op.Cit, p.60.
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Mais il est encourageant de constater et de noter qu'un grand
nombre d'Etats ont donné la preuve qu'ils prenaient au sérieux
leurs obligations au titre des instruments relatifs aux droits de l'homme en
modifiant leurs législations ou leurs pratiques pour répondre aux
préoccupations du Comité des droits de l'homme. L'autre volet du
système de contrôle institué par la Pacte est
représenté par les communications ou les plaintes qui donnent au
Comité des droits de l'homme la qualité pour connaitre des
atteintes précise aux droits énoncés dans le Pacte.
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