L'efficacité des mécanismes juridiques internationaux de protection des droits de l'homme.par Saintchrist Phylo Eboungou Ondombo Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master 2 en droit public 2020 |
Paragraphe II : Une révision des mécanismes judiciaires et conventionnels pour une protection directe des victimes des violations des droits humains.Les Nations Unies sont l'organisation mondiale des peuples et des Etats faisant des droits de l'homme un objectif et un ultime principe. A ce titre, les mécanismes de protection de ces droits sont le coeur de son système et doivent constituer pour les victimes et leurs défenseurs, en désespoir de cause, la seule voie de recours pour obtenir l'interpellation de leurs oppresseurs et la cessation de la répression qui les vise. Et seul le règlement judiciaire, de l'avis du professeur Emmanuel DECAUX, traduit l'inspiration profonde du « principe de la justice »370 qui, pour être véritablement équitable, implique, de l'avis du rapporteur spécial Cherif BASSIOUNI, « le droit des victimes à un recours, leur droit d'accès direct aux instances judiciaires, leur droit à réparation »371. C'est dans cette optique que la Cour permanente de justice internationale (CPJI) sous la Société des Nations, d'abord, et la Cour internationale de justice des Nations Unies, ensuite, sont devenues, en tant que principaux organes judiciaires des deux organisations 369 Statement by H.E. MsPatrizia TOIA, Under-Secretary of State of Italy, ( http://www.unhchr.ch/huricane/nsf/) 370 DECAUX (Emmanuel), Op.Cit., p.85. 371 Conseil Economique et Social, Droits civils et politique et, notamment : indépendance du pouvoir judiciaire, administration de la justice, impunité. Le droit à restitution, indemnisation et réadaptation des victimes de violations flagrantes des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Rapport final du Rapporteur spécial Cherif BASSIOUNI, présent en application de la Résolution 199/33 de la Commission, E/CN.4/2000/62, 18 janvier 2000 ( http://www.kuleuven.ac.be/jat/chap2-p85-92-10decok files/images002.gif), pp 85-92 120 intergouvernementales universelles, des juridictions des droits de l'homme sans officiellement le déclarer372. Elles ont, en effet, pris parti sur diverses questions touchant aux droits de l'homme qui étaient, et qui leur sont encore, posées plus ou moins directement. Au total, leur jurisprudence a contribué puissamment, souligne le professeur Gilbert GUILLAUME, au progrès des droits de l'homme au cours du XXe siècle même si la contribution est beaucoup plus le fait de la motivation des avis et jugements rendus que de leur dispositif, et leur mise en oeuvre de l'influence de ces décisions sur l'évolution du droit que de leur exécution au sens strict du terme373. Mais la garantie des droits de l'individu n'est pas directe et lui échappe. Le Pacte de la Société des Nations, article 16, déclare en effet : « La Cour connaîtra tous les différends de caractère internationale et que les parties lui soumettront ». Et le Statut de la Cour, article 34, ajoute : « Seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant le Cour »374. Pour sa part, la Cour internationale de justice précise que la garantie juridictionnelle des droits de l'homme est traditionnellement indirecte, obligeant les individus à passer par les Etats nationaux au titre de la protection diplomatique375. Une telle garantie qui exclut la participation totale de l'individu à la procédure judiciaire et dont l'application demeure soumise au consentement des Etats intéressés devrait donc s'adapter aux impératifs actuels qui placent la victime au centre de toute justice internationale au plan universel. Ainsi, la rigidité devrait inciter les Etats à réviser le Statut de la Cour internationale (A) et penser à la possibilité de créer d'autres juridictions à l'image de la Cour de Strasbourg, notamment, l'institution d'une Cour internationale des droits de l'homme (B). A-La révision du Statut de la Cour internationale de justiceLa Cour ne dénie pas, il est vrai, à l'individu le bénéfice direct d'un droit stipulé dans une convention internationale. Mais elle refuse de reconnaître à celui-ci un accès direct à cette juridiction pour défendre ses droits. Pourtant, une volonté de garantir les droits de l'homme devait, en principe, lui reconnaître la capacité de saisir la Cour des atteintes dont il serait victime. La Cour devrait donc adapter son règlement et son application. 372 DECAUX (Emmanuel), Ibidem. 373 GUILLAUME (Gilbert), Op.Cit., p.28. 374 GOY (Raymond), « La Cour permanente de justice internationale et les droits de l'homme » In Amicorum Liber Marc-André Eissen, Op.Cit., p.207. 375 GOY (Raymond), La Cour internationale de justice et les droits de l'homme, Op.Cit., p.74. 121 Ainsi, par exemple, l'individu pourrait être protégé non seulement par son Etat national, mais par les Etats tiers grâce à la reconnaissance d'une sorte d' « actio popularis » bien que cela soit difficilement réalisable à cause de la délicatesse du problème conformément à l'adage populiste « pas d'intérêt, pas d'action ». La victime serait aussi plus ou moins associée à la procédure même si elle n'est pas un fonctionnaire international comme c'est le cas actuellement en matière de procédure consultative pour ce dernier. Elle le serait simplement en tant qu'individu pour lequel la protection des droits constitue un enjeu réel. Pour les affaires si urgentes telles que les cas des condamnés à mort devant lesquels la Cour est mise à l'épreuve, cette dernière devrait pouvoir prendre les mesures conservatoires et engager une véritable procédure d'urgence, un véritable référé afin de faire obstacle à l'exécution d'une décision de justice en conflit. En outre, il est impérieux que la Cour internationale de justice, seule juridiction universellement reconnue, se soumette explicitement aux articles non dérogeables du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : il s'agit des articles 5à 7 qui interdissent toute dérogation ou restriction aux droits fondamentaux reconnus ou en vigueur, notamment, le droit à la vie, l'interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants376. L'absence de tels droits expliquerait, en effet, la faible garantie des autres en même temps qu'elle autoriserait à ne pas faire figurer les droits judiciaires parmi ceux protégés. Une fois que la volonté de mieux promouvoir les droits de l'homme est affirmée par la Cour internationale de justice de façon concrète en tant que juridiction onusienne de protection et de garantie effective, de nouvelles voies s'ouvriraient et seraient les bienvenues pour le succès et la « progression de l'humanité vers une organisation internationale moins éloignée de la conception du Super Etat possédant une Supra juridiction ». Dans le cas contraire, il est plus qu'urgent de penser à la mise en place d'une Cour des Nations Unies pour les droits de l'homme qui répondrait le mieux aux exigence d'un organe juridictionnel indépendant et impartial pour une protection effective des victimes des violations. 376 Voir DE SCHUTTER (Olivier), et allii, Op.Cit., p.19. 122 |
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