Section II : Un renforcement souhaitable des garanties
juridiques
La protection des droits de l'homme a parcouru un long chemin
depuis l'adoption de la Charte des Nations Unies. Bien des réalisations
ont, certes, été achevées au plan universel et
régional. D'énormes progrès ont été
réalisés dans le domaine des droits et de leur mise en oeuvre :
le droit international ne peut se concevoir aujourd'hui sans le droit
international des droits de l'homme qui a tellement influencé et
transformé toutes les catégories du droit international
classique.
Il n'est pas non plus pensable, au moment actuel, d'envisager
le monde ou la structure d'une communauté internationale moderne sans
les droits de l'homme et sans le combat nécessaire à faire
consacrer ces droits, à les défendre et à les
développer grâce aux moyens légaux.
Malgré ces considérables et non
négligeables évolutions, il reste encore beaucoup de travail
à accomplir dans le domaine juridique tant au plan des actions qu'au
plan des faits.
Le système juridique universel de protection des droits
de l'homme devrait être réinstitutionnalisé pour une plus
grande harmonie et une bonne coordination de manière à ce que
tout le monde jouisse de ses droits en toutes circonstances et que victime de
violation, prise individuellement, obtienne un droit de recours juridictionnel
effectif et objectif.
Ce qui explique la nécessité d'un
réaménagement du système normatif (paragraphe I)
considérablement éclaté dont les résultats
dicteraient une révision des mécanismes judiciaires et
conventionnels en vue d'une protection directe et effective des victimes des
violations (paragraphe II).
Paragraphe I : Un nécessaire
réaménagement du système normatif
La protection et la promotion des valeurs universelles,
notamment la primauté du droit et des droits de l'homme constitue une
fin en soi. Elles sont indispensables pour instaurer un monde de justice et de
stabilité. Aucun programme de sécurité ni aucun effort de
développement ne peut aboutir s'il n'est pas solidement ancré
dans le respect de la dignité humaine. C'est dire, comme l'a
souligné Leopoldo TORRES BOURSAULT, ancien membres du comité
européen pour la prévention de la torture, « que les
droits de l'homme sont partis intégrante du nouvel ordre international
fondé sur la liberté et la justice aux fins de
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Poursuivre l'objectif ultime : que tous les êtres
humains vivent dans la liberté et dans la dignité
»362.
Cette intégration a pour avantage le
développement croissant d'un patrimoine législatif mis à
la disposition de la génération actuelle dont aucune autre n'a pu
bénéficier antérieurement.
La Charte Internationale des droits de l'homme réunit,
en effet, des normes visant à protéger les plus faibles, y
compris les victimes des conflits et des persécutions. On constate
pourtant avec le professeur Karel VASAK qu'en droit positif, parmi les
nombreuses normes internationales relatives aux droits de l'homme, plusieurs
d'entre elles sont soustraites de l'exigence du principe d'universalité
dans leur application par les organes compétents au détriment de
la volonté particulariste explicite ou implicite des
Etats363.
En effet, le droit appliqué par les organes
compétents de protection est loin d'être le même si les
définitions des dispositions des divers traités y relatifs sont
soit reprises purement et simplement, soit déduites du tronc commun
qu'est la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Les
différences relevées sont dues à la volonté
délibérée d'une précision plus grande des auteurs,
mais quelque fois aussi au hasard d'une traduction du texte original.
Cela a pour conséquence une application
sélective, discriminatoire et arbitraire dont l'issue est
l'impunité car les nombreuses institutions chargées de la
protection appliquent les instruments de façon désordonnée
et déconcertée. Dès lors, la question suivante se pose :
le moment n'est-il pas venu uniformiser le droit international des droits de
l'homme en y incluant les acquis jurisprudentiels désormais
considérables pour une bonne administration de la justice ?
Le renforcement de ce corps des traités afin d'en faire
un système unifié et plus solide est plus que nécessaire
pour la liberté au sens large364. Les Etats membres des
Nations Unies sont ainsi tenus de prendre des mesures concrètes pour
renforcer le cadre normatif mis en place et développé de
manière spectaculaire au cours de ces soixante dernières
années pour donner un nouvel élan aux engagements
énoncés dans la Déclaration du
Millénaire365.
362 TORRES BOURSAULT (Leopoldo), « Vers une meilleure
protection internationale des droits de l'homme », Colloque international
sur des droits de l'homme Organisé par L'Université de la Laguna.
Op.Cit., p.393.
363 VASAK (Karel), « Les principes
d'interprétation et d'application des droits de l'homme » In
Boutros Boutros-Ghali AmicorumDiscipulorumque Liber. Paix,
développement, démocratie, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp
1428-1429.
364 Nations Unies, « Kofi Annan plaide pour une
réforme en profondeur de la Commission des droits de l'homme »,
Service de l'information, 7 avril 2005.
365 Assemblée Générale, 59e
Session, Op.Cit., p.40.
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La principale proposition d'unification législative
est, notamment, la possibilité de « compression » des
différents instruments internationaux de protection. La
Conférence internationale organisée par l'université de la
Laguna en 1992 a proposé, dans sa Déclaration finale, la «
mise au point d'un Code Mondial des Droits de l'Homme qui intégrerait
tous les traités existants dans ce domaine afin d'assurer l'unité
de la matière au plan universel ».
Seule une telle mesure permettrait d'éviter les
divergences dans l'interprétation des décisions prises par les
institutions internationales de protection des droits de
l'homme366.
A défaut d'une telle entreprise de codification
à l'échelle mondiale ne pourrait-on pas reprendre la technique du
« restatement of law » bien connue du droit américain
et proposer un ensemble cohérent de normes harmonisables les unes des
autres ? L'idée proposée par le professeur Karel VASAK en 1998
constituerait le « grand dessein » de ce nouveau
millénaire dans le cas où sa réalisation serait
effective.
L'auteur souligne, en effet, que dans les textes qui
régissent les organes des droits de l'homme existent des principes qui
leur sont communs pour que leur action quotidienne retrouve une certaine
unité d'inspiration. En d'autres termes, le droit international des
droits de l'homme ne devrait être interprété et
appliqué qu'en ne tenant compte d'un certain nombre de principes
conformes à l'objectif ultime de ces droits. Ces principes seraient
alors destinés à en faciliter la réalisation. Parmi eux il
cite notamment la non-discrimination, l'opposabilité
générale des droits de l'homme et leur indivisibilité
ainsi que le principe de l'individu le plus favorisé.
Ils sont tous inscrit dans les traités des droits de
l'homme bien que leurs libellés soient différents367.
L'acquisition d'un véritable code des droits de l'homme au niveau
mondial contribuerait aussi à sauver leur universalité. Elle
fonderait, ainsi que l'a souligné le juge professeur Keba MBAYE, ces
droits sur le principe de « l'humanité une » et une
vision nouvelle de la sauvegarde des droits de l'homme. A ce titre, les
problèmes qui se posent seront traités de façon
universelle pour l'ensemble de la famille humaine qui, pour parodier VALERY,
constitue le « monde un » grâce à
l'amplification de l'information, de l'éducation et de l'assistance
ainsi que de la correction et de la révision de tous les systèmes
de protection (universel, régional et national)368.
366 « Déclaration de la Laguna », Op.Cit.,
p.406.
367 VASAK (Karel), Op.Cit., pp.1419-1428.
368 MBAYE (Keba), « Menace sur l'universalité des
droits de l'homme » In Boutros Boutros-Ghali AmicorumDiscipulorumque
Liber, Op.Cit., pp 1252-1258.
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Une telle évolution normative permettrait ainsi de se
rendre compte que, dans le contexte des Nations Unies, l'on serait face
à un système unitaire réglant l'activité des Etats
et attribuant des droits ou des intérêts légitimes aux
individus. Mais la portée des droits stipulés serait non
seulement fonction des pouvoirs de nouveau code unifié mais aussi de la
garantie juridictionnelle qui leur serait pourvue. Et une comparaison,
même sommaire, du système des Nations Unies avec les
systèmes régionaux, à l'exemple de celui européen,
met en évidence une lacune qui, d'après madame Patrizia TOIA,
nécessite l'attention de la communauté internationale : l'absence
d'un système juridictionnel pour les recours
individuels369.
Dans la perspective d'assurer une garantie effective des
droits humains, il convient, comme pour la codification, d'unifier les organes
de mise en oeuvre des traités qui aboutirait à la mise en place
d'une juridiction pour le recours direct des victimes des violations.
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